Daniel Palomo Vinuesa - L'homme approximatif

Sorti le: 09/06/2007

Par Christophe Manhès

Label: Signature Radio France

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Auteur en 2002 d’un premier album auto-produit – Le Projet Flou ! – Daniel Palomo Vinuesa met les petits plats dans les grands en offrant le luxe de sortir son second sur le prestigieux label « Signatures » de Radio France ; s’agissant d’un service public dont la mission doit être la diffusion de la culture la plus en pointe, L’Homme Approximatif serait-il une œuvre d’intérêt général ?

Matrice organique, foisonnante de sons et de mélodies, cet album redonne toute sa puissance et sa noblesse au langage de la musique, mais en posant un défi de taille : en faire la description ! Pour tenter d’en donner une idée, on peut néanmoins partir de l’une de ses plus grandes qualités : l’incroyable intimité qu’il établit très vite avec l’auditeur. Sans pour autant provoquer malaise ou angoisse, bien au contraire, la musique se fait comme l’écho de notre subconscient. Si, ici et là, quelques instruments acoustiques percent, ce sont surtout les machines numériques qui ont la parole, mais jamais pour glacer le sang ou pour répéter vingt fois la même note en effaçant les dernières traces de conscience et d’humanité chez l’auditeur. La musique de Daniel Palomo Vinuesa agit au contraire à l’opposée des tergiversations froides et excessivement modernistes, en vaporisant cette douceur dont sont faits les songes les plus paisibles comme les plus mystérieux. La production, stupéfiante de clarté et de richesse dans les détails, n’y est certainement pas pour rien.

Finalement, avec L’Homme Approximatif, on se demande à quoi sert de décrire un verre d’eau quand on a la mer devant les yeux. Difficile donc d’en extraire un titre significatif. Plus inspiré par la logique des rêves que par celle du hasard ou même de l’imagination, c’est un album sans frontières, débordant, qui ne peut être réduit.
Mais il faut pourtant parler d’un titre comme « Poincaré ». Légèrement décalé du reste de l’album, c’est une expérience étonnante, quasi psychédélique, comme une longue expiration de près de quatorze minutes prenant sa source dans une confusion électro pour s’éteindre longuement dans un silence doucement interrompu par « Après », le bien nommé, donnant à entendre un peu de la banalité quotidienne.

Épopée poétique hors du temps, qui a le goût des grands espaces sonores, œuvre d’un démiurge des studios, L’Homme Approximatif est un petit miracle de poésie électro-jazz matinée de world. Hors normes, hors champs, ce disque destiné aux oreilles curieuses devrait pourtant émouvoir les plus rétifs aux expérimentations, car Daniel Palomo Vinuesa est un esthète, de ce ceux qui veulent toucher les cœurs plus que la tête, avec un style impressionniste où la profusion représente autant de coups de pinceaux sur une toile de maître.

On ne dira jamais assez la capacité de beaucoup de musiciens français à sortir des sentiers battus sans pour autant perdre leur âme dans la quête d’une nouveauté la plus artificiellement séditieuse. Dans un monde peu à peu dominé par le conformisme, Daniel Palomo Vinuesa s’inscrit dans une longue tradition de merveilleux stylistes qui, dans les musiques dites progressives, se sont illustrés à travers des groupes marquants comme Vortex, Carpe Diem, Heldon, Lard Free, Arachnoid, Art Zoyd et, plus près de nous, Shub-Niggurath ou Richard Pinhas. Bref, c’est certain, voilà quelqu’un qui n’a rien d’un homme approximatif, mais tout du musicien d’exception !