Enter Shikari - Take to the Sky

Sorti le: 02/05/2007

Par Djul

Label: Ambush Reality

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Trois lettres pour résumer la démarche d’Enter Shikari : DIY. Pour « Do It Yourself ». Ou l’histoire de jeunes post-adolescents qui créent leur propre maison de disques (la bien-nommée Ambush Reality), tournent en Grande Bretagne jusqu’à finir par deux concerts sold out à l’Astoria de Londres sans aucune promotion, et sortent leur premier album en faisant la une des magazines outre-manche et en atteignant de très honorables places dans les charts. Le seul fait qu’Enter Shikari soit déjà arrivé si loin de manière indépendante nous permettait de penser que le groupe n’était pas un énième one-hit-wonder comme l’Angleterre sait si bien en pondre. Restait à savoir si, au-delà de la manière, l’art était aussi magistral chez Enter Shikari !

Un art pour le moins particulier, et surtout un son des plus inédits. Partant d’une base emo-core finalement assez convenue, les anglais y ajoutent les sonorités typées de la dance anglaise des années 90, à la fois par l’usage de batteries programmées et de claviers. Une première écoute, avec des oreilles de 2007, risque de vous faire penser qu’Enter Shikari est le groupe le plus kitsch de la terre. Car si le Revival des années 80 a permis de se réapproprier les arrangements pompeux de l’époque, ce n’est pas le cas de la décennie qui a suivie. Et le terme employé par certains pour décrire le groupe n’est parfois pas usurpé : « Nintendo-core » ! Le quatrième « Interlude » de leur premier album pourrait en effet figurer en bonne place dans une bande originale de Zelda ! Il faut donc pouvoir passer outre les images de danseurs en tenues de babas cools avec des sticks phosphorescents qui se dandinent comme s’ils devaient entrer dans une bouteille d’energic drink pour l’apprécier ! Une fois le choc passé, on peut alors découvrir toute l’énergie dégagée par le groupe, avec des murs de guitares rythmiques et des growls qui donnent parfois l’impression d’écouter du black metal symphonique (cf le morceau éponyme) ou du… My Chemical Romance ayant ingurgité une grande dose d’Underworld première époque (« Anything Can Happen In the Next Half Hour »). De la musique pour peinturlurés des bois toutefois teintée de montées et de petits beats and bleeps tout droit tirés d’un album de Prodigy ou d’une compilation trance. Ainsi, si l’on parle d’un retour au son des années 90 au Royaume-Uni, avec une recrudescence des soirées et de la musique rave, c’est en grande partie grâce au groupe, qui a donné une nouvelle dimension à ce genre éphémère à travers le rock.

Un cocktail original donc, qui offre un habillage très particulier à des morceaux souvent longs, très axés sur les mélodies vocales claires, en chœur, ou hurlées. Le résultat peut être illustré par l’excellent « Return to Energizer », gavés de chants épiques, de claviers psychédéliques et de guitares acérées à l’unisson d’une batterie épileptique. « OK ! Time for Plan B » est également construit sur le même schéma, et sa rythmique décalée confirme que le groupe est clairement influencé par les excellents Biffy Clyro (dont on attend toujours le nouvel album, prévu en mai). Souvent inutiles, les plages instrumentales qui séparent certains titres aèrent l’album, et permettent souvent de souffler après un ou deux titres aussi denses. Enter Shikari se permet aussi d’utiliser des instruments acoustiques, qu’on a plaisir à entendre sur les graciles « Adieu » et « Today Won’t Go Down in History », après cette avalanche d’électronique dépassée.

Nul doute qu’Enter Shikari est loin d’avoir donné sa pleine mesure sur ce premier album, qui manque encore de maturité (surtout et étrangement sur les premiers titres). Une meilleure intégration des aspects dansants de sa musique (qui restent à ce jour limités) et une plus large palette sonore pour les claviers seraient par exemple des pistes à suivre. Mais les idées, et surtout le son, sont déjà bel et bien là : encore faut-il pouvoir l’apprécier. C’est sur scène que les anglais ont fait leur réputation, grâce à des concerts hauts en couleurs, en lasers et en énergie. Le phénomène a déjà franchi Albion, puisque le groupe remplit déjà les salles en Allemagne et il ne faudra pas longtemps pour que la France soit elle aussi contaminée.