Birdsongs of the Mesozoic - Extreme Spirituals

Sorti le: 25/12/2006

Par Christophe Manhès

Label: Cuneiform Records / Orkhestra

Site:

Voilà 25 ans que nos bostoniens de Birdsongs of the Mesozoic occupent une place inconfortable dans le petit monde du Rock In Opposition (le RIO, pour les intimes) en voulant associer deux points de vue divergents et résumés ainsi : séduire tout en restant avant-gardiste. La conséquence de ce positionnement audacieux est qu’ils ont toujours eu un peu de mal à trouver leur public et que les d’amateurs de bizarreries et de complexités musicales ne les citent que rarement comme une référence appréciable. Les choses commençaient à changer avec leurs deux dernières productions studio, notamment avec The Iridium Controversy, séduisante fusion entre un style très personnel, complexe, fait de rythmes élégants et de claviers colorés, et une apparente et lumineuse accessibilité. Un tour de force tant la tendance — la facilité ?… — dans les musiques avant-gardistes du moment sont aux atmosphères lugubres ou brutales.
Ce nouvel album était donc plutôt attendu… jusqu’à ce qu’il se mette à tourner sur les platines et se révèle de toute évidence comme un déconcertant dérapage artistique. Pour l’amateur d’Univers Zero et autre Miriodor, nul doute que l’on touche là à l’infamie musicale faite disque…

Le groupe propose un virage stylistique aussi stupéfiant qu’inattendu. Sur Extreme Spirituals, construit autour du chanteur Oral Moses à l’impressionnante voix de baryton-basse, on ne trouvera aucune composition originale mais uniquement des reprises puisées dans le répertoire gospel du XIXe siècle. L’idée n’était pas mauvaise, plutôt même originale et aurait donc pu déboucher sur une œuvre atypique. Mais, dès le premier titre, on mesure l’étendue des dégâts : omniprésence agaçante du chant, arrangements approximatifs, béotisme instrumental (notamment le chorus catastrophique de la guitare au milieu de la compo) et un final sans la moindre imagination ! Même le magnifique « A Little More Faith In Jesus », deux titres plus loin, finit par agacer tant l’emprise de la voix de Moses est pénible; c’est que si son timbre peut impressionner, sa tessiture étroite finit immanquablement par lasser l’auditeur.
Quelques titres fonctionnent mieux que les autres, comme « Joshua Fit The Battle Of Jericho », dans lequel on retrouve un peu de jubilation dans l’efficacité rythmique. Malheureusement son effet est aussitôt détruit par un « Swing Low Sweet Chariot » désolant et aussi peu inspiré que certaines niaiseries new-age.
Presque en fin de parcours, avec « Great Day », on retrouve un peu de vigueur créative et de pétillant, mais c’est pour mieux nous assommer par le dernier morceau, « Amen », aussi malvenu par son titre que par son indigence musicale. Mais que sont allés faire les Birdsongs of the Mesozoic dans cette galère ?

La production a aussi sa part de responsabilité dans l’échec : impressionné par la personnalité de Moses, elle met le chanteur beaucoup trop en avant et noie les arrangements déjà peu convaincants du groupe.

Avec ce projet, le Birdsongs s’est retrouvé dans la situation classique des piaffes déboussolés par la place incongrue et envahissante du coucou qui s’invite dans leurs nids. Et s’il est vrai qu’écoute après écoute, la déception retombe peut-être un peu et laisse percer, ça et là, de la substance rythmique et chaleureuse de The Iridium Controversy, personne n’est obligé de faire autant d’efforts pour assimiler un disque qui fait malheureusement penser à un de ces mauvais Christmas Albums dont raffolent les Américains pour les fêtes de fin d’année…