Porcupine Tree - Arriving Somewhere…

Sorti le: 13/12/2006

Par Djul

Label: Snapper Music

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Alors que Porcupine Tree, et plus encore son meneur Steven Wilson, multiplient les versions remasterisées, mini albums, recueils d’inédits, éditions limitées, et tout ce qui fait le bonheur du die-hard fan, on ne pouvait que s’étonner de l’absence de tout DVD sur cette liste qui s’allonge chaque année. Et c’est ainsi que d’interviews en interviews, le groupe remettait à plus tard l’objet en question, jusqu’à la fin de l’année dernière précisément. C’est en effet en octobre 2005, au Park West de Chicago, qu’une prestation de Porcupine Tree a pu être immortalisée sur ce support, avec l’aide de Lasse Hoile pour les images (déjà responsable des visuels scéniques et des derniers livrets du groupe) et de Darcy Proper au mixage 5.1 (lui aussi derrière la console pour les DVD-A des deux derniers albums des anglais). Plutôt qu’ « une » prestation, on pourrait ajouter qu’il s’agit en réalité d’extraits des concerts des 11 et 12 octobre dans la ville connue pour sa période prohibitionniste et ses cabinets d’avocats, chaque soir étant composé d’une liste de titres différente.

Bref, le groupe avait soigneusement préparé la réalisation de ce projet, ce qui n’a rien d’étonnant considérant la méticulosité et la volonté de contrôle d’image du groupe imposées par Steven Wilson. Quant au choix des titres, il vous suffit de vous reporter à nos live reports de la tournée française qui suivit un mois après pour s’apercevoir qu’il s’agissait sans doute du répertoire scénique le plus équilibré du groupe. Une sélection mêlant astucieusement l’efficace (« Open Car », « Halo »), le classique (« Hatesong », « Even Less ») et l’inédit (« Mother and Child Divided », « So Called Friend »). A noter la forme olympique tenue par chaque musicien sur cette tournée, avec une mention spéciale pour Steven Wilson, qui partait pourtant de loin, et dont les efforts de communication vont crescendo (qui se rappelle de ce numéro d’autiste joué par l’anglais sur « The Moon Touches Your Shoulder » en avril 1998, lors de la première prestation française du groupe ?).

Côté présentation, la sobriété des menus (que l’on peut qualifier de spartiates) contraste avec la qualité surprenante du reste de l’habillage, comme cette introduction (sur « Revenant ») et cette conclusion (sur « Mother and Child Divided » remixé) qui font penser à des génériques de film version David Fincher, de très grande qualité ! La réalisation est également au niveau, avec une alternance d’images colorées, noir et blanc ou sépia, et de nombreux effets de « pellicules grattées ou brûlées » et de sursaturation des couleurs. Même s’il s’agit de gimmicks des réalisateurs modernes, voir ce travail sur l’image sur un enregistrement en concert ajoute au seul intérêt de voir cinq garçons jouant de leurs instruments, « Arriving Somewhere… But Not Here » constituant le sommet du DVD en terme de montage. Au niveau sonore, le mixage 5.1 est à la hauteur de la réputation du groupe en la matière, c’est-à-dire référentielle, avec une grande dynamique sur les enceintes arrières, mettant en avant le jeu complexe de Gavin Harrison à la batterie (essayez donc « Hatesong » par exemple !). Par contre, on notera aussi que la voix de Wilson est par moments très en retrait dans le mixage (« Blackest Eyes » ou « Don’t Hate Me » par exemple), alors qu’elle est très bien restituée sur ces grands moments d’émotion que sont « Buying New Soul » ou le duo avec Wesley sur un « Heartattack in a Layby », magnifique de retenue. On revoit aussi avec grand plaisir le morceau qui clôture désormais la plupart des concerts du groupe, « Trains » (et non pas « Freebird » comme annoncé malicieusement par Wilson) et qui, tout aussi classiquement, se termine par une corde cassée par le chanteur à la reprise du refrain !

En sus d’une prestation qu’on peut qualifier de dantesque, tant sur le plan artistique que technique, Porcupine Tree en rajoute une couche, avec le traditionnel DVD bonus, regroupant son lot de raretés et d’images. Plus précisément, on retrouve les films de Lasse Hoile, figurant en fond de concert, et notamment l’émouvant « The Start of Something Beautiful », malheureusement trop inspiré par l’imagerie de Tool pour qu’on applaudisse le résultat sans réserve. Deux extraits tirés d’une émission allemande sont également proposés : le « semi-inédit » « Futile », et surtout le mythique « Radioactive Toy » (en version abrégée et avec Wesley aux chœurs), qui vient nous rappeler que Porcupine Tree a débuté sa carrière avant 1999 (année de parution de Stupid Dream, album sur lequel figure les titres les anciens proposés sur le DVD principal). Un « oubli » que les amateurs les plus zélés pointent du doigt depuis plusieurs années au sortir des concerts du groupe : il faudra probablement se faire à l’idée que Porcupine Tree a eu deux vies, une sur le label Delerium, et définitivement enterrée, et une après. On terminera ce descriptif par le « Cymbal Song » du monstrueux Gavin Harrison (soit un écran divisé en 9 cases, illustrant les 9 enregistrements successifs du batteur inventant des couches de rythmes sur une cymbale dont il joue à mains nues) et la traditionnelle galerie photos sur laquelle plane une musique ambient composée par Wilson et Barbieri.

Voici donc l’édition « définitive » que l’on attendait de Porcupine Tree, pendant visuel au magnifique enregistrement audio du concert romain du groupe, Coma Divine. Après la période « Delerium » et la période « Snapper », celle de « Warner » se referme, et avec elle les espoirs d’avoir enfin un porte-parole de la musique progressive moderne au sein d’une major. Espérons qu’à cette déception le groupe saura répondre par une période « Roadrunner » qu’on souhaite aussi enthousiasmante que les chapitres qu’il a déjà écrits.