Dream Theater - Falling Into Infinity

Sorti le: 15/07/2006

Par Jean-Philippe Haas

Label: Warner Music France

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Après le fondateur Images And Words, l’ultime Awake et le conceptuel A Change Of Season, Dream Theater, sous l’influence manifeste de sa maison de disques, prend avec cet album un virage clairement plus commercial. Bien que ce choix n’implique en rien un jugement qualitatif, le groupe a mis quelques hectolitres d’eau dans son vin : le son est moins métallique, la production moins rugueuse, les morceaux plus « directs ». On saluera la démarche qui consiste à ne jamais proposer deux fois le même album, on déplorera le résultat assez hétérogène dans l’ensemble.

Autant commencer l’analyse de cet hybride par le pire. Les ballades « Take Away My Pain », « Anna Lee », « Hollow Years » ne méritent pas qu’on s’y attarde plus que de raison : loin d’être inintéressantes, elles restent somme toute assez convenues et ne franchissent donc pas le cap de plusieurs écoutes. En se penchant sur le côté vigoureux de l’album, on trouve bien « Burning My Soul », presque entraînant ou le sympatique « You Not Me » mais la touche Dream Theater y est quasi-absente. A ce titre, « Let Me Breathe » est bien plus réussi : ce morceau « court » (cinq minutes et demi tout de même !) est à la fois accrocheur, métallique et il cache une richesse loin d’être évidente à le première écoute. Nous y voilà : et la démarche progressive dans tout cela ? Ce qui frappe avant tout sur les morceaux qui se veulent progressifs, c’est leur côté « rallongé ». Ainsi ce « New Millenium » aux touches orientales qui ouvre l’album ne décolle jamais vraiment et on finit par se lasser du thème principal qui se répète sans fin. Même constat pour « Trial Of Tears » dont on ne retient rien de transcendant si ce n’est qu’il met en lumière les talents de l’excellent Derek Sherinian : le fantasque claviériste s’en donne à coeur joie, notamment sur les parties instrumentales.

Par bonheur, il reste sur Falling Into Infinity quelques (très) grands moments. Ainsi, on retrouve dans « Peruvian Skies » un Dream Theater réellement progressif dans le sens noble (et non snob !) du terme avec une montée en puissance à faire frissonner le monolithe de Kubrick. L’instrumental « Hell’s Kitchen » suivi de « Lines In The Sand » exposent quant à eux les facettes que l’on apprécie tant chez ces forgerons américains : changements de rythme, d’atmosphère, parties instrumentales soignées et travaillées avec une redoutable précision. A noter sur ce titre la participation de Doug Pinnick (King’s X) qui apporte avec réussite un contrepoids à la voix de Labrie. Ce dernier, il faut bien le reconnaître, redouble d’efforts au fil de l’album pour varier son chant.

Avec Falling Into Infinity, Dream Theater a voulu élargir sa base de fans – et on ne peut au demeurant les en blâmer – en tempérant considérablement sa débauche habituelle au profit d’une toute relative accessibilité. Le pari n’est pas tout à fait réussi. Cet album est ce que l’on appelle selon la formule consacrée un album « de transition ». Un faux pas presque logique de la part d’un groupe tiraillé par une crise interne.