La fiancée du pirate - Windsleepers

Sorti le: 29/04/2006

Par Djul

Label: Shaa Music

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Quel disque original que ce Windsleepers, et quel plaisir de recevoir, de temps à autre, de telles rondelles de surprises ! La Fiancée du Pirate, nom d’emblée intriguant, est un projet sorti de l’imagination de quatre musiciens allemands issus de différentes scènes jazz, et de la chanteuse française Christine Clément. Un projet sans concession, qui dégouline du plaisir égoïste mais terriblement communicatif de ses instigateurs, mais qui est cependant réservé à certaines oreilles !

Car LFP ne faisant rien comme tout le monde, ce premier album regorge de passages ardus, voire de montées en puissance telluriques que n’aurait pas renié John Coltrane au cours de son Ascension insensée. « Exit N » prendra ainsi bien des auditeurs à rebrousse-poil, avec sa rythmique « tachycardiaque » et ses dissonances très affirmées. Par ailleurs, Christine Clément ne chante pas : elle vocalise, usant de sa voix comme d’un instrument. Elle « s’accorde » avec les autres musiciens en début de disque, « improvise » à foison, pour ne chanter que rarement. La Française, qui enseigne son art, possède un bagage à la fois jazz et contemporain, et cette double approche se ressent sur ce disque. Voici donc un choix artistique pour le moins tranché, qui pourrait rebuter ou lasser certains, tout en en surprenant d’autres.

Cependant, les morceaux les plus longs de ce disque restent accessibles. On pense en particulier à la splendide ballade « Dance on a Cloud », pur moment de jazz classieux en forme de duo voix-saxophone (tenu par Roby Glod). De même, le morceau « La Fiancée du Pirate », recelant un long passage central calme mais mystérieux, et dominé par la voix de Christine Clément et les claviers voluptueux de Stefan Heidtmann, devrait en séduire plus d’un. Notons à ce titre la grande qualité générale de l’instrumentation, toute en finesse et en arrangements, qui font de ce Windsleepers un album empli de détails, qui se révèle après maintes écoutes, et ce d’autant plus que les morceaux sont souvent conçus de lentes progressions (« Isetta Go », par exemple, passe par de nombreux climats, de l’émotion triste à la paix).

Il a du Soft Machine et du Canterburry sur ce disque, mais sous une forme plus subtile que les ersatz du genre. Ces influences transparaissent aux détours d’une musique hautement personnelle et non identifiée, et il est plaisant de les retrouver sur certains morceaux, sans attache trop marquée avec notre musique de prédilection. Une preuve supplémentaire que le langage de l’art se passe bien volontiers d’étiquettes et de chronologie, pour s’exprimer librement.