Drahk Von Trip - Heart & Consequence

Sorti le: 26/12/2005

Par Djul

Label: Record Heaven

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Il faut toujours une surprise de fin d’année. Une découverte musicale inattendue sortie de nulle part et qui porte un coup à vos idées déjà bien arrêtées en termes de classement personnel et autres bilans musicaux dressés entre deux tranches de foie gras. En 2005, c’est Drahk Von Trip qui s’y colle, et ce malgré sa pochette tirée d’un mauvais épisode de Ma Sorcière Bien-Aimée.

Pourtant, tout commençait en douceur, sans bouleverser les clichés : « Drahk Von Trip, jeune groupe venu du froid, Malmö (Suède) plus précisément, emmené par une chanteuse dépressive et inspiré par les années 70 ». Toute ressemblance avec les Paatos, White Willow ou The Provenance s’arrête (presque) là car DVT est signé sur Transubstans Records, une division axée « rock psychédélique » du label Record Heaven, sur lequel les derniers amateurs de Jefferson Airplane ou Hawkwind maintiennent en vie un genre en déshérence.
De ce goût pour l’acid-rock, DVT a gardé l’esprit d’improvisation, les petits délires au sein des chansons et les influences un peu world music… pour les tremper dans un bain de musiques progressives plus proche de notre ligne éditoriale. Un mélange tout à fait inédit et frais, qui apporte une touche de couleur dans le sombre désespoir des manieurs de mellotron scandinaves.

Heart & Consequence est donc le premier album de cette formation, au sein de laquelle la chanteuse Susann se distingue. Son timbre rageur évoque en effet davantage PJ Harvey et Bjork que les sonorités ouatées de ses consoeurs Emma Hellström ou Petronella Nettermalm. Susann chante du rock et cela s’entend, comme sur « Anger », digne des plus furieuses diatribes de l’auteur de To Bring You My Love. Mais elle sait aussi bercer le tympan, comme sur « I Want To Tell You », complainte mi-prog mi-jazz absolument splendide.
Musicalement, DVT est tout aussi polymorphe et le fait que la plupart des compositions aient été enregistrées en deux jours, sur fond d’improvisation, se sent parfois : instrumental barré inspiré par Gong (« Daddy’s Dead »), morceaux en deux parties avec des vocaux ne débutant qu’au milieu de la seconde (« R.A.M.M. » et «In A World of Trouble »), tout ceci n’est pas simple à suivre. Les inspirations sont elles aussi variées, entre le progressif des années 70 pur jus (« Autumn », sonnant comme une composition de Bill Bruford de l’époque, ressortie d’un tiroir), « space rock », avec une basse sursaturée du meilleur effet, et passages « world » réussis (percussions, flûtes et chant oriental). Autant dire qu’on ne s’ennuie pas avec les tempi parfois rapides mais toujours pleins de finesse de Goran, à la batterie, et les solos déchaînés de Mats et Micke à la guitare (le final épique de « In a World of Trouble » et les multiples enchaînements de « One of a Kind »). Cependant, la tendance n’est pas à la joie et l’ensemble, aussi dynamique soit-il, est porté par une ambiance mi-sombre mi-hallucinée des plus singulières.

Voici donc un premier album assez surprenant de maturité et de personnalité, souvent insaisissable : une première écoute risque de laisser penser qu’il est monolithique et difforme, mais il est probable que les amateurs de progressif suédois et de rock psychédélique se laissent prendre dans les toiles tissées par le sextet.