Sir Millard Mulch - How To Sell The Whole F#@!ing

Sorti le: 26/11/2005

Par Djul

Label: Mimicry Records

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Artiste polyvalent, voire polymorphe, gravement atteint, Sir Millard Mulch est un musicien américain touche à tout : intervieweur, sociologue, meneur d’une secte d’admirateurs, compositeur de musiques de jeux vidéos sur Atari ST et surtout… véritable fumiste ! Son site est un véritable bazar où se croisent blagues potaches, philosophie underground et guest-stars de luxe. Après un premier album vendu sur le site de Steve Vai, Mulch décide de passer la seconde avec un « Triple CD », son « Magnus Opus » sur la vénalité et le consumérisme de notre société. « Triple » entre guillemets, puisque, première surprise à l’ouverture du boîtier, l’emplacement du troisième disque est vide. On croit à une erreur, jusqu’à lire ce qui est inscrit sur l’emplacement : CD3 : Transmutation – Journey To The Underworld of Buyer’s Remorse. Et de se rendre compte que c’est une rondelle de plastique qui tient bel et bien dans l’emplacement, mais invisible à l’œil nu, ce qui prouve bien que son titre est mérité ! Une illustration de la finesse et de la perversité du bonhomme !

Mais que vaut l’album musicalement ? Imaginez un mélange du rock américain plein de testostérone (et un peu simplet) d’un Offspring, sur fond de « Ants » de Devin Townsend, et vous aurez peut être une idée de ce double CD. Ultra-technique sur le plan instrumental, avec une rythmique acérée qui rappelle un peu Spactic Ink, la musique se couple de voix délirantes, entre Beavis & Butthead (un interlude sur les pédales de distorsion tellement techniques qu’elles s’adressent à des ingénieurs), Spock’s Beard pour les tentatives de canons, Homer Simpson et Cannibal Corpse (Paul Mazurkiewicz fait quelques growls en invité). Le nombre de participants qui parsèment ces deux heures de folie impressionne, même s’il n’existe aucune indication pour savoir qui fait quoi et quand : Virgil Donati, Devin Townsend, Morgan Agren, Nick D’Virgilio et Dave Meros pour la partie progressive, et Mark Critchlev (Nomeansno) ou Robin Eckman (Good Charlotte) pour la partie hardcore américain.

Autant le dire tout de suite, il existe deux conditions sine qua non pour apprécier le disque : une énorme tolérance aux délires musicaux les plus variés et un bon niveau d’anglais. Pour ce qui est du premier prérequis, seuls les amateurs des bizarreries à la Mr Bungle ou à la Zappa supporteront cette avalanche (Trey Spruance est d’ailleurs le patron du label hébergeant l’OVNI), à l’image de « Hemisphere III », pavé de vingt minutes mêlant mur du son à la Townsend (ce dernier doit sûrement intervenir ici), jazz rock alambiqué et passages FM grandiloquents avec une magnifique voix de castrat. Pour le reste, les 74 plages de l’album alternent les délires, avec des parodies de country version Guns N’Roses, grind-core, sucreries au piano et techno-trance à deux francs. Quant aux passages narrés et aux paroles, ils ont pour fils conducteurs la vie d’un commercial et les affres d’un artiste. Nous avons droit à des interludes dignes de Tom Cruise dans Magnolia ou à des séances de formation pour nos amis à chemises à manches courtes, version Full Metal Jacket, sans compter une magnifique « pop song » à la gloire du « meilleur métier du monde », assortie d’une série de conseils pour quitter son métier alimentaire et devenir un « véritable artiste » ! Passons également sur un conseil Jedi mouvementé et un enterrement hystérique ! Deux cent pages de livret (disponible séparément) doivent permettre de suivre un peu mieux ce tourbillon de débilités, ayant pour but de démontrer l’absurdité de notre mode de vie contemporain.

La force de Mulch titille l’imagination de l’auditeur et le capture dans son énorme délire : impossible de faire autre chose pendant l’écoute de ces deux disques. Mais l’aspect franchement usant du concept laisse perplexe quant à la pérennité de l’œuvre, même si les refrains stupides restent en tête et que certains passages relancent l’intérêt de l’ensemble. How To Sell The Whole F#@!ing Universe To Everybody… Once and for All ! (ouf!) reste un tour de force, à réserver aux plus courageux, néanmoins !