Antidepressive Delivery - Feel. Melt. Release. Escape.

Sorti le: 25/07/2005

Par Jean-Daniel Kleisl

Label: Musea

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La Scandinavie se pose en fer de lance du mouvement progressif depuis plus de dix ans. Et plus on avance dans le temps, plus on s’oriente vers une fusion des genres pour le moins bienvenue! Anti-Depressive Delivery est un groupe norvégien formé en 2002. Auteur de deux démos, il sort en 2004 son premier album Feel. Melt. Release. Escape. chez Laser’s Edge. Contrairement à ce que d’aucun pense, les membres du groupe ne sont pas des inconnus et officient tous dans la scène extrême et expérimentale norvégienne dans des groupes comme Fig Leaf, Bethzaida, Hellstorm ou feu Atrox.

Feel. Melt. Release. Escape. est un disque déroutant, c’est le moins que l’on puisse dire! Le groupe ne veut s’imposer aucune barrière et mélange allégrement hard rock seventies, gros riffs metal, progressif, le tout enrobé d’orgue hammond et de mellotron. Les influences sont multiples et l’on passe sans sourciller de Deep Purple pour les nappes d’orgue hammond, à Led Zeppelin – la voix de Pete Beck – en passant par Dream Theater, Genesis et Änglagård, voire même ELP : clin d’œil dans l’intro du morceau titre de l’album. Mais deux groupes ont l’impact le plus important : Pain of Salvation et Anekdoten. Imaginez en effet une sorte de metal prog soutenu par du mellotron. De POS, Anti-Depressive Delivery retient la voix – à l’instar de Daniel Gildenlöw, Pete Beck est un véritable caméléon vocal –, les riffs tranchants, l’architecture des soli. D’Anekdoten viennent les ambiances sombres soulignées par le mellotron, les arpèges morbides à la guitare et cette section rythmique très organique. Tom Welhaven Wahl, le bassiste, utilise à peu de chose près le même matériel que Jan Erik Lilljeström, ceci expliquant peut-être cela.

Les morceaux qui composent l’album diffèrent très largement les uns des autres et chacun varie de style sans crier gare. «End of Days» ouvre l’album dans la plus pure tradition «anekdotienne» pour ensuite se transformer en metal bien saignant avec gros riffs et double pédale. Les morceaux suivants («Coward» et «Voyage Of No Brain Discovery») naviguent dans le metal bien mâle avec toujours cette touche très années soixante-dix donnée par les claviers, de même que le très agressif «Anti-Depressive Delivery». «Path of Sorrow» apporte une touche plus douce avec ce Fender Rhodes du meilleur effet. Mais ce morceau est très aventureux finalement et se termine dans une mélancolie toute scandinave. On ne va pas s’attarder sur chaque titre de cette perle qu’est Feel. Melt. Release. Escape. , mais il faut mentionner encore «O» qui est une pure merveille balançant entre riffs torturés et thèmes que n’aurait pas reniés Änglagård et «Bones & Money», le morceau de bravoure de l’album, qui incarne la plus pure tradition progressive des années septante avec le superbe piano de Haakon-Marius Pettersen! (NdRC : « on ne va pas s’attarder sur chaque titre », mais juste en lister sept sur neuf après tout… Blagueur va !)

Pour un premier album, on n’aurait pu imaginer mieux! Sans compter que la masterisation a été assurée de main de maître par Alan Douches (Sepultura, Monster Magnet, Yes… un inconnu quoi!), que la pochette a été réalisée par un autre inconnu, Travis Smith (Opeth, King Diamond et Death) et que les accompagnements vocaux sont l’œuvre de Monika Edvardsen, l’âme noire et déjantée d’Atrox. Un début de rêve qui démontre si besoin est, la vitalité de la scène norvégienne. A ce propos, on ne saurait trop conseiller aux amateurs de musiques sombres des contrées froides de jeter une oreille sur le quatrième album d’Atrox, Orgasm, il vaut le détour!

Anti-Depressive Delivery propose un album qui part dans tous les sens, s’aventure dans des styles incompatibles en apparence, mais qui au final s’avère d’une cohérence rare! En ces jours où le marché est envahi de rééditions remasterisées présentées publicitairement comme autant de joyaux repolis, il est bon de se souvenir que la scène actuelle est vivace et que les découvertes à y faire, nombreuses !