Procol Harum - A Salty Dog

Sorti le: 20/01/2005

Par Pierre Graffin

Label: Chrysalis

Site:

Troisième album de Procol Harum, A Salty Dog est communément considéré comme leur meilleur et l’un des grands classiques de l’époque, toutes catégories confondues. Tout reste affaire de goût et, même s’il s’agit d’un excellent disque, c’est aussi sans doute le plus difficile à cerner. A Salty Dog verra également le départ de Matthew Fisher (producteur et inoubliable organiste sur « A Whiter Shade Of Pale ») et la fin du « trio magique » qu’il formait avec Gary Brooker (chant) et Robin Trower (guitares).

Les critiques du très respectable Melody Maker seront élogieuses lors de la sortie du premier et seul single, aussi nommé « A Salty Dog ». Il est vrai que ce morceau frappe d’emblée par sa mélodie, à la fois simple et efficace. Orchestré et arrangé avec une grandiloquence contenue, il évolue très progressivement vers un final noir et sublime. Nul doute que cette chanson fera des émules par la suite – on peut difficilement ne pas penser à Peter Gabriel – mais l’accueil du public sera plus réservé, le titre ayant été comparé sans doute un peu vite à « A Whiter Shade Of Pale », bien qu’il n’ait pas grand-chose à voir car beaucoup plus complexe dans sa structure.

L’album est d’ailleurs à l’image de ce titre et c’est ce qui lui confère cette incroyable richesse : on y retrouve des influences à la fois diverses et variées, depuis l’aigre doux mais très pop « Too Much Between Us » au blues débridé de « Juicy John Pink », en passant par le rythm and blues de « Crucifiction Lane ». La thématique de la mer est récurrente sur l’ensemble de l’album, mais n’apparaît de façon réellement évidente que sur quelques rares titres : le morceau éponyme et « Wreck Of The Hesparus », à ne pas confondre avec celui de George Harrison ! Elle symbolise plutôt ici l’espace qui se crée entre deux êtres, les amours déçues, la solitude, l’amertume et la tristesse…
Même « Boredom », aussi amusante et décalée en apparence que mélancolique sur le fond, est telle la ritournelle plaintive du vieux loup de mer de la pochette, abandonné sur une île déserte… La production est exemplaire, surtout pour l’époque, et réussit l’exploit de restituer fidèlement chaque sonorité malgré la richesse des arrangements.

A Salty Dog est un album difficilement classable et un exercice de style particulièrement brillant pour un groupe hors normes, mais il s’agit surtout d’un véritable écrin pour la poésie de Keith Reid. Procol Harum perdra un peu de sa diversité (et de sa grandeur) avec les départs successifs de Fisher et Trower mais, mené par Gary Brooker seul après Broken Barricades, il gardera toujours son âme intacte.