Yang - A Complex Nature

Sorti le: 27/12/2004

Par Djul

Label: Cuneiform Records / Orkhestra

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Né à l’initiative du guitariste français Frédéric L’Epée, Yang est un groupe entièrement instrumental basé sur un postulat particulier : les titres composés par l’Epée sont en effet spécialement écrits pour un membre du groupe en particulier.
Ancien membre de Shylock, groupe progressif français du milieu des années soixante-dix et d’une formation instrumentale plus expérimentale, Philharmonie, dans les années quatre-vingt, L’Epée possède ainsi une expérience musicale variée, outre des années de professorat. Mais son influence initiale, qui ressort sur ce disque plus « dur » que ses précédents, est indéniablement celle de Robert Fripp, comme il l’indique lui-même. Ainsi, accompagné d’un autre guitariste – ancien élève – et d’une section rythmique, L’Epée propose avec Yang une incursion dans une musique bouillonnante et fortement électrisée.

Les compositions pourraient être décrites comme de permanents va-et-vient où la mélodie et la dissonance se font sans cesse écho, ce qui a notamment pour intérêt de relancer l’attention de l’auditeur lorsque celui-ci n’attend pas d’un disque qu’il soit uniquement destiné à des musiciens.
Le titre qui introduit l’album est d’ailleurs symptomatique de cette écriture toute en relief : « Les Deux Mondes » oscille entre saccades rythmiques saturées et ruptures mélodiques où la basse de Stéphane Bertrand et les entrelacs de L’Epée et de Vecchié font merveille. Les riffs quasi-mathématiques de « Souterrain », sur lequel L’Epée est presque exclusivement en solo pendant sept minutes, et la section rythmique trépidante à la King Crimson version 1995 ou plus récemment à la B.L.U.E., risquent fort de faire de Yang un exutoire pour ceux qui regrettent que K.C. n’évolue plus dans le registre de VrOOm : amateurs d’ostinato en pagaille, ce titre est pour vous !

Yang prend donc à la gorge et ne lâche pas, faisant preuve de la même virtuosité qu’un Gordian Knot, comme sur « Séducteur Innocent », l’un des moments plus calmes du disque, sur lequel Stéphane Bertrand rappelle le groove fluide d’un Sean Malone.
Au-delà de ce goût pour la technique et la puissance, on retrouve d’autres influences, comme celle de Howe sur le seul morceau acoustique de Yang, le réussi « Homme-Enfant », et ses motifs répétés à l’infini.
Les trois derniers titres enfoncent le clou, dans un registre à nouveau Krimsonien. Mention spéciale à « Impatience », en forme de jazz qui dégénère, et « Le Masque Rouge », qu’on dirait justement tiré de Red. Bref, on s’étonne de lire que l’enregistrement du disque a été réalisé en tout et pour tout en trois jours, car si l’énergie du direct est là, il n’y a pas la moindre approximation.

Plein de bonnes idées, et réellement puissant, A Complex Nature reste malgré tout un disque à conseiller en premier lieu aux guitaristes, tant il est parfois difficile de traverser ces cinquante minutes d’avalanches de notes. Mais, au côté d’un Gordian Knot ou d’un Spaced Out, Yang perpétue et enrichit l’héritage du Fripp en matière instrumentale. Cela suffira sans doute à lui faire gagner l’estime de bien des amateurs dans le monde.