Pink Floyd - A Saucerful of Secrets

Sorti le: 17/11/2004

Par Pierre Graffin

Label: EMI

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Faisant suite au génialissime et désormais culte Piper At The Gates Of Dawn, ce deuxième album de Pink Floyd est à la fois hybride et transitoire. Hybride car Syd Barrett, écrasé par le succès de leur (ou de son ?) premier disque, décroche littéralement et s’enfonce progressivement dans l’abus de drogues et délires en tous genres. À l’origine du groupe, il se retrouve progressivement évincé. Cette douce folie créative, débridée et déjantée qui fut à l’origine du Floyd fait ici place à une musique beaucoup plus planante, théâtrale et parfois pompeuse, servie par une production sommaire : « Set The Controls For The Heart Of The Sun » peut paraître ridicule aujourd’hui.
A Saucerful Of Secrets est aussi transitoire car suite à la défection involontaire mais inéluctable de Barrett, Waters va peu à peu prendre les rênes du groupe, composant ou participant à quatre des sept titres de l’album, alors que David Gilmour intègre les rangs du Floyd en « guitariste de sécurité » pour pallier les absences de Sid. Inutile de préciser que son approche ou son style sont diamétralement opposés à ceux de Barrett, et que jamais Gilmour ne réussira à véritablement, exactement remplacer le génie fondateur. Bien que composée par Waters et préfigurant ici sa haine de l’armée et de l’autorité absurde, le terrible et faussement enjoué « Corporal Clegg » aurait été co-interprété par Barrett. C’est assez vraisemblable après une écoute même distraite quand on connaît un peu l’esprit et les compositions ultérieures en solo du personnage…

Le dernier titre que composera Syd Barrett pour Pink Floyd sera « Vegetable Man », titre encore inédit à ce jour, et qui ne figura jamais sur A Saucerful Of Secrets, évincé par un Waters déjà un peu despote et qui le juge beaucoup trop sombre. C’est pourtant Barrett qui signe à lui seul le pathétique « Jugband Blues », d’une noirceur et d’une tristesse implacables, dépeignant la situation paradoxale dans laquelle il se trouve : « And I’m much obliged to you for making it clear that I’m not here » (et je vous suis très reconnaissant de clairement signifier que je ne suis pas là). Tout est dit. Et Barret de s’interroger, à juste titre : « And I’m wondering who could be writing this song » (je me demande qui pourrait écrire cette chanson)…
Le Floyd continuera pourtant sans lui une carrière exemplaire et A Saucerful Of Secrets, album inégal qui a terriblement vieilli, en est le signe annonciateur.