Pink Floyd - The Wall

Sorti le: 11/10/2004

Par Fanny Layani

Label: CBS

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Chef d’œuvre pour les uns, début de la fin d’un groupe atrophié sous la férule de Roger Waters pour les autres, le consensus sur The Wall n’est toujours pas fait. Mais il est indéniable que tout concourt à faire de cet album un moment exceptionnel de la vie du Floyd, tant par ses conditions de réalisation (deux studios en parallèle, spectacle dantesque et impossible à emmener en tournée jusqu’au Live in Berlin de Waters en 1990, etc.) que par le gigantisme du projet et l’ambition du pari.

Dans une atmosphère déjà tendue entre Waters – qui prend le contrôle total du groupe – et les autres membres, David Gilmour en tête, Pink Floyd donne ici naissance à son album le plus rock, le plus extrême et le plus paroxystique, indissociable du film d’Alan Parker qu’il inspirera en 1981 – et non l’inverse, première dans l’histoire du rock – aussi déroutant que psychologiquement violent.
Largement autobiographique – Waters y évoque son enfance marquée par l’absence de son père, mort en 1944 en Italie à la bataille d’Anzio dont il se sent, dit-il, toujours aujourd’hui consciemment et inconsciemment coupable – The Wall alterne phases torturées et extraverties (l’épileptique « One Of My Turns », « Another Brick in the Wall pt. 3 »), introspection méditative (« Nobody Home », « Confortably Numb ») et plainte douloureuse (« Don’t Leave Me Now », « Stop »), mêlant souvenirs traumatiques d’enfance et cruauté d’une société implacable.

Pink Floyd reprend, en les poussant à l’extrême, les règles canoniques du concept album. La mise en scène est polyphonique (les modulations de la voix de Waters en fonction des différents rôles sont particulièrement expressives – cf. « The Trial », pièce oedipienne hallucinée proche de l’opéra-rock mettant en scène Pink, joué dans la production de Parker par un excellent Bob Geldof, sa femme, sa mère, son professeur d’école, le juge…) et le récit, complexe et tendu, mêle rêve, cauchemar et réalité sur fond d’ambiances et dialogues, confondant passé violent refoulé et mal-être présent. Les leitmotivs textuels ou musicaux, et plus tard visuels grâce au film, déclinent The Wall en une variation sur l’enfermement et l’aliénation de la personnalité.

De par ses conditions de réalisation comme de par son aspect plus aride et plus dur que ses prédécesseurs, The Wall est une pierre angulaire, magique et fascinante, de la discographie du Floyd. Cet album ne peut être envisagé isolément, et s’il se suffit musicalement à lui-même, sa pleine envergure n’est mesurable qu’en association avec le film, auquel participera Michael Kamen, mais également en prenant conscience du lien étroit qui l’unit à son successeur, The Final Cut.