King Crimson

16/07/2003

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Par Djul

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LIVE REPORT : KING CRIMSON

 

Artiste : King Crimson
Lieu : Paris, Palais des Congrès
Date : 8 juillet 2003
Photos :
www.kingcrimson.com (aucune photographie autorisée durant le concert)

Set-list : Soundscapes (Fripp en solo)- The Power to Believe I – A Cappella – Level Five – Prozac Blues – The ConstruKtion of Light- Facts of Life – Elektrik – The Power to Believe II – Dinosaur – One Time – Happy with what you have to be happy with – Dangerous Curves – Lark’s Tongue in Aspic – Coda (instrumentale) – premier rappel : Deception of the Thrush (Projekt Three) – Frame by Frame – second rappel : Red

Depuis juin 2000 et un Olympia enflammé par King Crimson, revoilà nos quinquagénaires bien prêt à défendre leur petit dernier The Power to Believe, dont vous savez tout le bien que nous pensons. Il n’empêche que nous étions curieux à l’idée d’entendre des morceaux si expérimentaux dans leur contexte live… et le Krimson déçoit rarement.

En dix ans, King Crimson n’est passé que deux fois à Paris: en 1995 dans un Zénith comble, puis en 2000 dans un Olympia bouillant d’impatience. Si le premier concert avait fait l’unanimité, le second, particulièrement violent, en avait laissé plus d’un sur le carreau par sa set-list sans compromis, mettant de côté quasiment deux décennies de discographie au profit du contesté The ConstruKtion of Light.

En 2003, le groupe investit une salle plutôt inhabituelle, celle des conférences de dentistes et des comédies musicales à la française : le Palais des Congrès ! La salle en petite configuration, d’un seul bloc, permet néanmoins de bien voir la scène, et l’acoustique est supérieure à celle du concert à l’Olympia d’il y a trois ans. Deux choses ne changent pas: la mise en place du matériel (apparent, avec un fond de lumière bleue, et une rampe de lumières au fond de la scène, même si, on va le voir, quelques ajouts ont fait leur apparition), et le prix ahurissant du merchandising !

Fripp arrive, comme il y a trois ans, seul et sans regarder le public. Il s’assied, branche son matériel et entame un set solo constitué d’une seule pièce bâtie sur des « soundscapes », ces sons retravaillés par électronique et qui permettent à Fripp de jouer de sa guitare comme d’un synthétiseur, par nappes, en cumulant plusieurs séquences grâce à la réverbération et aux échos. Le public se masse le long du premier rang, pour approcher de plus près le maître, ce qui aboutit à une situation assez surréaliste où une quinzaine de dévots vinrent s’agenouiller devant lui… Pour ce qui est de la musique, on reste dubitatif devant tant d’abstraction, surtout que le set proposé il y a trois ans était bien plus varié et bien plus long, comportant des passages très intenses, des sons très différents sur vingt minutes.

Après une courte pause, les trois autres membres rejoignent le guitariste : il est grand temps d’entamer les hostilités. Pas la peine de jouer la carte du suspens : au vu de la set-list, l’amateur saura s’il aurait ou non apprécié le concert, tant les deux dernières réalisations du Crim’ sont privilégiées. Il convient néanmoins de noter qu’à l’instar de The ConstruKtion of Light, les nouveaux morceaux prennent une nouvelle ampleur sur scène, et certaines variations subtiles les rendent meilleurs que leurs pendants studio. Un tour de force, surtout pour un disque aussi produit et « synthétique » que The Power to Believe !

Après que Belew, avec son vocoder, eut ouvert la voie à ce concert, l’implacable « Level Five » sort des enceintes, tandis que la salle est illuminée par un jeu de lumières bleues et vertes de bon effet. Fripp reste assis, de trois quarts, laissant Belew seul assurer le spectacle ce qui, pour pareil plaisantin, est assez aisé. Trey Gunn et Pat Mastelotto ne font pas de figuration et profitent de la fin du « Double Duo » (avec Levin et Bruford) pour s’imposer, plus encore que lors de la tournée précédente. Le passage saccadé au centre du titre empoigne la salle, tandis que l’on assiste aux premières projections de formes géométriques, dans la lignée de cette musique presque mathématique. Le lourd « Prozac Blues » suit, sur lequel Belew, qui continue de mimer B.B. King, sort un énorme solo au slide, ce qui nous rappelle son rôle essentiel en matière instrumentale dans le groupe que beaucoup ont tendance à oublier. Le fabuleux « The ConstruKtion of Light » s’enchaîne, avec une nouvelle ligne de basse choisie par Gunn et de nouveaux arrangements de Mastelotto, et on reste encore surpris devant cette impressionnante synthèse du Krimson des années 2000 et des années 1980, avec cette voix claire et ce passage mélodique en seconde partie, où les deux guitares s’entremêlent avec bonheur.
« Facts of Life », l’un des titres les plus réussis du dernier album, vient alors avec un Mastelotto qui n’ajoute pas moins de trois rythmiques au morceau, et un passage détonnant à la double grosse caisse. Les influences modernes, nuevo-metal comme ils disent eux-mêmes, se ressentent, même dans le long solo dissonant de Fripp. « Elektrik », sans conteste l’un des morceaux les plus expérimentaux du dernier album, passe lui aussi l’examen du live sans mal, avec une introduction où Fripp et Belew se répondent à la guitare tandis que Gunn assure une rythmique toute en cassures, avec des lumières au diapason et un son plus chaud qui rend honneur à ce titre.

Suit l’un des grands moments du concert, « The Power to Believe II », l’un des titres calmes de l’album, mais aussi des plus complexes, dans une version très émouvante qui transporta sans peine le public : percussions orientales, claviers en apesanteur, et une très belle montée en puissance. Bref, une perle. Piochant enfin dans son catalogue des années 90, le groupe ressort « Dinosaur » et son rythme pachydermique avec un break symphonique allongé, et surtout « One Time », l’une des seules vraies ballades de King Crimson, interprétée avec la délicatesse nécessaire. Quatre cornes surgissent de la scène, constituées de voiles gonflées par d’énormes ventilateurs, pour annoncer l’énorme « Happy with what you have to be happy with », et son refrain entêtant, dans une version hélas écourtée, mais qui démontre le potentiel scénique de ce titre ludique. Puis vient « Dangerous Curves », encore plus électronique et bruitiste qu’en studio où Pat Mastelotto fait littéralement vivre le morceau en lui insufflant une pulsation solide.
Reste « Lark’s Tongue in Aspic Part IV », indéniablement meilleur et plus puissant que sur album, malgré une coda instrumentale plus atmosphérique, hélas pour les admirateurs de Belew sur ce titre: Gunn joue de deux basses en même temps, l’une étant couchée devant lui, et Fripp exécute sans broncher un solo à grande vitesse. Avant de se retirer, le groupe reçoit sa première standing ovation de la soirée, de la part d’un public très respectueux du groupe pendant les morceaux, mais aussi très expressif ensuite.

Les cornes remballées, le groupe, sans Belew, interprète « The Deception of the Thrush », le titre issu du Projekt Three des trois hommes, dans une version très calme et ponctuée par un magnifique solo de Gunn, de l’un de ceux qui ont sans nul doute inspiré Sean Malone pour Gordian Knot. Belew revenu, la salle montre son bonheur à l’écoute des premiers arpèges du superbe « Frame by Frame », extrait de Discipline avant que Mastelotto n’explose ses baguettes ! Deuxième standing ovation, et un second rappel demandé avec force par le Palais des Congrès, qui obtient en retour le titre fondateur du Crimson des années 80, 90 et 00, « Red ». Tout d’un coup, à l’appel de l’un des membres du public, les spectateurs se ruent à l’attaque des premiers rangs et le devant de la scène, noyée sous une foule déchaînée, ferait croire que nous assistons à un grand festival rock. Le groupe apprécie et se retire, à la déception de l’auditoire, qui aurait aimé, comme lors de certains concerts de cette tournée, écouter « Three of a perfect pair » joué par Belew ou « Elephant Talk », lors d’un troisième rappel.

Mais ne cachons pas l’enthousiasme pour ce groupe et pour ces deux heures de musique. Plus diversifiée qu’à l’Olympia – la set-list était certes déséquilibrée, mais aérée – avec des moyens plus importants et une plus grande présence scénique de Gunn et Mastelotto, cette tournée a emballé et ne donne qu’une envie : se précipiter à nouveau sur The Power to Believe, et même The Power to Be Live, pour un groupe à la fois encore vivant et si énergique en concert.

Djul

LIVE REPORT : King Crimson part. 2