Bent Knee - Vola - Haken

11/03/2019

Complex Vega - Copenhague

Par Raphaël Dugué

Photos: Christian Larsen (www.christianlarsen.net)

Site du groupe :

Setlist :

Setlist Bent Knee : Leak Water, Holy Ghost et trois nouveaux titres. Setlist Vola : Smartfriend, Starburn, Ghosts, Your Mind Is a Helpless Dreamer, Owls, Alien Shivers, Ruby Pool, Whaler, Stray the Skies Setlist Haken : The Good Doctor, Puzzle Box, Falling Back to Earth, A Cell Divides, Nil by Mouth, 1985, Veil, The Architect, Rappel: Paranoid Android, Cockroach King

Bent Knee, Vola et Haken sur une même affiche, c’est l’évènement qu’il ne fallait surtout pas rater en ce début d’année. La Chromateam, qui a eu la chance d’assister à la soirée à Copenhague trois semaines avant la date parisienne, peut donc certifier que le résultat fut à la hauteur des grandes espérances!

C’est dans la petite salle du complex Vega que le concert était programmé, un endroit qu’on vous recommande absolument si vous allez visiter la capitale danoise. Son architecture des années cinquante et son design fait de boiseries sombres et d’éléments décoratifs élégants est un très bel écrin en plus d’être un des exemples les plus typiques de l’âge d’or du design scandinave.

En arrivant dans la salle, le public est déjà nombreux pour assister à Bent Knee et on entend aussi bien parler danois que suédois ou anglais. À 20:45 précises, les Américains de Boston entrent en scène et dès les premières secondes, le groupe déploie une énergie et une bonne humeur communicative. Il s’agit de la première tournée d’envergure en Europe pour Bent Knee qui a clairement décidé de laisser une forte impression. Tout à fait à l’aise techniquement, les musiciens font découvrir des compositions courtes aux multiples changements de rythmes et d’ambiances sans temps morts. Emmené par les charismatiques Courtney Swain (dont le chant ne cesse d’impressionner) et Ben Levin à la guitare, Bent Knee n’hésite pas à faire la part belle à de nouvelles compositions, un choix de setlist plutôt courageux mais finalement assez peu étonnant quand on sait à quel point le sextet aime prendre par surprises et parfois même déstabiliser ses auditeurs. La stratégie semble fonctionner quand on entend les murmures approbateurs et les commentaires enthousiastes des personnes du public qui découvrent le groupe. Après seulement quarante cinq minutes de musique qui s’achèvent par un « Holy Ghost » (extrait du superbe Land Animal) de très haute volée, il est temps pour Bent Knee de quitter la scène. Ce n’est peut-être pas une si mauvaise nouvelle pour les Bostoniens, qui saluent la salle, heureux mais épuisés par la débauche d’énergie dont elles et ils ont fait preuve. La pause est l’occasion d’aller échanger quelques mots avec Jessica Kion, bassiste de Bent Knee, qui nous apprend qu’un nouvel album est en préparation et qu’il sortira dans l’année si tout va bien. Dans tous les cas, si Bent Knee continue son ascension nulle doute qu’il sera en tête d’affiche en Europe dans peu de temps.

C’est ensuite au tour des locaux de l’étape, Vola, de s’installer sur scène. Moins expressif que Bent Knee, les membres de Vola affichent tout de même leur plaisir de jouer dans leur ville natale. Le groupe démarre par « Smartfriend » un extrait d’Applause of a Distant Crowd et alterne les titres des deux albums précédents. Les morceaux gagnent en énergie et le contraste entre les passages djent plus agressifs et mélodies lumineuses est bien mis en avant. Le concert est aussi l’occasion d’admirer la complexité rythmique qui se cache derrière l’apparente simplicité de la ballade « Ruby Pool ». Asger Mygind au chant et à la guitare est un frontman convainquant et sa voix envoûtante passe très bien le cap de la scène. Même si on aurait préféré que Vola joue plus de morceaux de son deuxième album qu’on trouve plus original dans sa recherche mélodique et son côté éthéré, Vola a convaincu son public grâce à une performance solide.

Au moment où arrive enfin Haken la salle de 500 personnes est comble (la soirée étant complète depuis quelques semaines). Un signe que le groupe a changé de dimension car la dernière fois que les Anglais ont joué dans la capitale ils se sont produits dans un endroit bien plus modeste devant 150 personnes (un effet aussi dû à Shattered Fortress qui avait vu les membres de Haken se joindre à Mike Portnoy pour redonner vie aux compositions de Dream Theater). Haken fait la part belle à son dernier album Vector dont il joue quatre compositions (ainsi que l’introduction « The Good Doctor »). Au chant, Ross Jennings est un excellent leader, il capte l’attention dès le premier titre avec ses poses exagérément théâtrales héritées des années quatre-vingt. Sa présence scénique est un atout indéniable d’autant plus que les autres musiciens doivent faire preuve de plus de concentration pour exécuter les parties instrumentales ultra techniques. Même si Vector a moins convaincu l’équipe de Chromatique que son prédécesseur Affinity, ses morceaux prennent plus d’ampleur en live. Le clou du set reste tout de même les extraits d’Affinity, « 1985 » et « The Architect », le premier étant l’occasion pour le Haken d’aller à fond dans l’hommage ludique aux années quatre-vingt (lunettes flashy, solo de keytar, batterie électronique…) et le deuxième étant un modèle d’écriture et de progression alternant passages agressifs, mélodies efficaces reprises par le public et moments clamés inspirés du King Crimson de Discipline. Tout au long de la performance d’Haken, les personnes présentes sont totalement comblées et affichent un enthousiasme rarement vu par l’auteur de ses lignes lors d’un concert au Danemark (les Danoises et les Danois préférant garder leur enthousiasme intérieurement). Les Britanniques se font attendre plus longtemps que prévu au moment du rappel à cause d’un souci technique alors, pour se faire pardonner, ce n’est pas un mais deux morceaux qui seront joués, une reprise de « Paranoid Android » de Radiohead et le classique « Cockroach King ». La soirée se termine donc en beauté, elle fut l’occasion d’apprécier toute la diversité de la scène progressive actuelle. Il est alors temps pour le public de Lille Vega de rentrer chez soi, à vélo bien entendu.