Alcest

10/12/2018

Gaîte Lyrique - Paris

Par Florent Canepa

Photos: Metalorgie/Arnaud Dionisio

Site du groupe : https://www.alcest-music.com/

Setlist :

Kodama / Eclosion / Je suis d'ailleurs / Untouched / Oiseaux de proie / Onyx / Souvenirs d'un autre monde / Percées de lumière / Autre temps / Là où naissent les couleurs nouvelles / Délivrance

Drôle d’endroit pour une rencontre… C’est à la très exhaustive et plurielle Gaîté Lyrique, un soir de Septembre Parisien qui ressemblait à l’été que se jouait un drôle de mini festival de… De quoi d’ailleurs ? Car rien ne rassemblait fondamentalement les trois artistes qui allaient déployer sous nos yeux et dévoiler à nos oreilles ces entrechocs de décibels sombres. C’est peut-être cela finalement qui les rassemblait : la noirceur pour annoncer l’automne.

Premier acte avec les Japonais de Vampillia. Juste retour des choses, c’est bien Alcest, de retour de tournée au pays du soleil levant, qui avait invité cet orchestre brutal, comme ils se qualifient eux-mêmes, fait de sept pièces. On aime rapidement se promener dans leur espèce d’oxymore hardcore atmosphérique d’où ressortent quelques éléments saillants comme l’aspect zen du violon, la légèreté du clavier ou l’entrain caractérisé du chanteur principal. Fait étrange, ce dernier s’éloigne tellement du micro pour ses growls et autres screams qu’on ne l’entend plus vraiment. Peut-être est-ce voulu ? C’est finalement le côté brutal-bancal qui prend le dessus mais servi par un son plus que correct (très belle acoustique de la salle oblige), les toqués d’Osaka sont loin de faire hara-kiri.

Personne ne rigole plus maintenant avec les très terre à terre Celeste (paradoxe !). Vêtus de noir, une lampe rouge frontale en guise de seul artifice, les cyclopes ténébreux élèvent d’un gros cran l’intensité sonore. Parfois proche de Gojira, le riff brûlant, le tout à la limite du black, les Lyonnais font trembler les murs et installent une présence sonore délicieusement inquiétante. Après quelques morceaux cependant, un petit effet de redite s’installe. En effet, la plupart des introductions se ressemblent (première guitare en léger arpège, puis la rythmique qui rentre, épileptique) et même si la puissance est là, la comparaison avec les Bayonnais ne tient pas forcément au fil d’une setlist copieuse mais qui s’affadit.

On a donc hâte de passer à la pièce maîtresse, la puissance invitante, les enchanteurs du blackgaze : Alcest. Désormais reconnus à l’international, forts de prestations scéniques toujours remarquées, Neige et ses compagnons de la rêverie réussissent le pari de l’humilité et de la densité. D’abord via le concept car l’idée ce soir-là (et pour la tournée) était de jouer l’entièreté de leur dernier album en date, le japonisant Kodama. Inspiré par les légendes de la forêt de Yakushima, où forces spirituelles se promènent au beau milieu de la nature, ce recueil réussi trouve toute sa place en expression scénique et prend vie sous les traits placides du maître de cérémonie qui promène son flegme avec une sincérité désarmante. Bien sûr, le set est poursuivi par quelques titres phares du groupe comme les envoûtants « Autre temps » ou « Là où naissent les couleurs nouvelles ». « Delivrance » se place en final œcuménique. Éthéré mais vigoureux, Alcest réussit le pari de la force tranquille, de la sobriété psychédélique quand il le faut, avec son identité propre qui invite au songe. Sans artifice mais Il n’en fallait pas plus ce soir-là pour ravir notre esprit et guérir nos âmes.