Gleb Kolyadin - Gleb Kolyadin

Sorti le: 05/02/2018

Par Julien Giet

Label: Kscope

Site: https://www.facebook.com/gleb.kolyadin

Attention, chef d’œuvre. Moitié du duo Iamthemorning qu’il compose avec la chanteuse Marjana Semkina, Gleb Kolyadin tente l’aventure du premier album solo avec un disque éponyme. Au sein de son groupe, il démontre déjà des talents de compositeur de mélodiste prodigieux mais également des facultés d’instrumentiste doué qu’il laisse exprimer sur l’instrumental «  Harmony  » de l’album Lighthouse ou encore sur l’ouverture «  Intermission IX  » de Belighted . Le moins que l’on puisse dire est que pour cette première escapade, Gleb Kolyadin a su s’entourer d’une équipe de fines lames. On retrouve donc à la batterie Gavin Harrison (qui a assuré la batterie sur les deux derniers albums de Iamthemorning et qui fait désormais parti de l’équipe rythmique de King Crimson après avoir effectué un service chez Porcupine Tree.), à la basse Nick Beggs (qui joue actuellement avec Steven Wilson, mais qui dans le passé s’est illustré aux côtés de Steve Hackett ainsi qu’au sein du groupe Kajagoogoo), aux synthétiseurs Jordan Rudess (de Dream Theater) et à la flûte et au saxophone Theo Travis (qui a collaboré avec Porcupine Tree, Steven Wilson, Robert Fripp, Gong, The Tangent, et autres). Pour ce qui est de la touche vocale, la parole a été donnée à Mick Moss (Antimatter) et Steve Hogarth (Marillion).

Maintenant que les présentations sont faites, venons en à la question : qu’est-ce que Gleb Kolyadin pourrait exprimer à travers un album à son nom ? Pour répondre à la première interrogation qui pourrait nous venir en tête, mettons les choses au claire: Gleb Kolyadin en solo n’est pas Iamthemorning sans Marjana Semkina. Il y a forcément quelques similitudes, mais ce sont deux projets très différents. L’aspect pop de Iamthemorning ainsi que les arrangements à cordes sont bien moindres sur cet album. Les instruments sont au premier plan pour nous inviter à un périple des plus mouvementés. Chaque musicien rend honneur à sa propre réputation en sachant trouver sa place. Gavin Harrison démontre une nouvelle fois son génie créatif dans l’élaboration de percussions d’une musicalité évidente ahurissante (pour les intéressé(e)s, Gavin Harrison explique sa façon de composer des parties batteries sur la chaîne Youtube Drumeo dans une vidéo intitulée How to create amazing drum parts). Theo Travis a le don de doser ses interventions à la perfection, ponctuant magistralement les morceaux d’élans de virtuosité. Jordan Rudess est impeccable lorsqu’il est mis en lumière à travers ses excellents solos, autant que lorsqu’il tapisse la musique de nappes d’ambiances. Nick Beggs est pour le coup très discret tout au long de l’album, assurant une base harmonique solide et sans faille. Gleb Kolyadin, pour sa part, n’a pas à rougir face aux talents de ses éminents collègues. Même s’il ne partage pas (encore) la même dimension de notoriété, il assure un jeu pianistique des plus bluffants. A la fois poétique et épique, inspiré romantique et naviguant en eaux mélancoliques, il délivre un jeu spontané et éloquent empli de nuances allant de la douceur la plus délicate à la véhémence maîtrisée.

La meilleure démonstration de puissance de cette équipe de choc réside sûrement en la piste «  Kaleidoscope  » qui cristallise des échanges musicaux s’inspirant mutuellement les uns des autres au travers d’un crescendo des plus prenants. De péripéties en péripéties, on se sent comme emporté sur le tracé d’une montagne russe regorgeant de surprises. D’une manière générale, quand on écoute l’album d’un bloc, on a l’impression d’écouter un cours d’eau de musique dont la destination n’est pas fixée et dont le cours s’altère fluidement au fil des reliefs rencontrés. Pour exemple, certains thèmes mélodiques sont réutilisés de plusieurs façons différentes (attention, nous n’avons pas non plus affaire à un album concept dans le genre de ceux de Neal Morse ou de Pain of Salvation).«  Kaleidoscope  » est l’évolution de l’ambiant «  White Dawn  » telle la rivière confluant le fleuve au débit parfois torrentiel, «  Echo Sigh Strand  » est un rappel succint des deux premières pistes «  Insight  » et «  Astral Architecture  » , … « Inspiré » serait l’adjectif qualifiant le mieux l’album de Gleb Kolyadin. Les idées sont réutilisées pour évoluer différemment au cours des aventures rencontrées, se matérialisant comme un effet papillon. De «  Astral Architecture  », plage ambiante d’une douceur rassurante évoquant Tigran Hamasyan évoluant vers un mysticisme renvoyant à l’imaginaire d’un Tim Burton à « The Room  », pièce aux allures jazz fusion alambiqué, Gleb Kolyadin laisse libre cours à son imagination et à son inspiration sans jamais perdre en cohérence. Perle finale, «  The Best of Days  » est une valse mystérieuse et entraînante propulsée par l’interprétation herculéenne de Steve Hogarth tandis qu’ «  Into the Void  » brise les barrières séparant piano classique et piano jazz en moins de 2 minutes. Les frontières entre les styles sont abrogées en faveur d’une musique qui ne veut pas de limites.

De la finesse d’un Tigran Hamasyan aux prouesses techniques de Hiromi Uehara, on distingue d’innombrables influences passant par Chopin ou encore Rachmaninoff dans les passages les plus romantiques. L’ébullition de ce mélange conflue en une musique d’une richesse étourdissante. Gleb Kolyadin est prodigieux, sensationnel, sans pour autant donner la sensation de forcer le talent.