– Festival Crescendo

S’il est un festival iconique du rock progressif en France, c’est bien Crescendo. Pour le sixième épisode de notre dossier, nous revenons en France, sur la côte atlantique et plus précisément près de Royan, dans la commune de Saint-Palais sur mer. C’est là que se tient depuis 1999 un festival gratuit qui accueille pendant trois jours des groupes venus de partout, dans un cadre magnifique, face à l’océan. L’équipe, qui a rencontré quelques difficultés cette année, a répondu à nos questions et reste plus motivée que jamais pour faire vivre cette belle idée qu’est le Crescendo.

Quelles sont les origines du festival ? Qu’est-ce qui a présidé à sa création ?

Bonjour, le festival Crescendo est né en 1999 d’une idée de Sébastien Monteaud et Jean-Claude Adelmand, les deux membres fondateurs qui sont toujours en activité dans l’association. Sébastien a monté un nouveau festival en Guyane et Jean-Claude « JAc  » est le créateur des visuels du festival.

Quelles sont les caractéristiques principales de votre festival (implantation, nombre d’éditions à ce jour, choix de programmation, fréquentation…) ?
La spécificité du festival est sa gratuité et aussi son implantation en plein air au bord de l’océan, face à la mer. L’édition 2017 est la 19ème, la programmation se fait en collégialité à 3 membres et les choix sont basés sur l’éclectisme du prog’ et tous ses courants sont représentés. Une autre clause dans le choix est la convivialité et le partage, aussi bien avec le public qu’avec les groupes et l’équipe. Nous voulons tous passer le meilleur moment possible.

Qui sont les acteurs-clés de votre festival (organisateurs, bénévoles, collectivités,…) ? Comment est-il financé (sponsors, subventions,…) ?
L’organisation du festival est confiée à un bureau exécutif de 4 membres, aidé d’un conseil d’administration de 10, qui sera élargi à 13 au moment de la 19ème édition. Tous sont bénévoles comme la cinquantaine qui gravite autour d’eux pour la mise en place et le fonctionnement de cette grande fête musicale… Tous ces bénévoles sont le fer de lance et la clé de voûte du festival qui, sans eux, ne pourrait exister.
Nos principaux soutiens institutionnels, sont, en premier lieu, la Mairie de St Palais puis l’agglomération du Pays Royannais et le Département et la Région. Nous avons aussi quelques partenaires locaux qui contribuent au budget du festival. Nous comptons aussi sur nos adhérents pour boucler le financement mais l’essentiel de nos recettes vient de la consommation sur place en restauration et buvette. En fait nous projetons d’une année sur l’autre une estimation prévisionnelle de recette mais nous sommes tributaires de la météo.

Le cas échéant, quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez (ou avez rencontrées) dans l’organisation de votre festival ?
Le plus compliqué est de mettre en place le puzzle de la programmation et les horaires de passage afin de ne pas programmer les mêmes styles dans la même soirée. Nous avons été confrontés cette année à une problématique d’hébergement qui a conduit à une édition réduite mais nous reprendrons les éditions à 12 groupes et 3 soirées à partir de l’an prochain.

Comment définiriez-vous votre public ? S’agit-il de locaux, de gens de toute la France ? Des initiés, des curieux ?
L’avantage d’un festival prog’ gratuit dans une station balnéaire, qui plus est en période estivale, c’est l’affluence de touristes. C’est eux qui constituent la majeure partie de notre public. Un gros noyau de « progueux  » est également présent chaque année pour se retrouver « en famille  ». Ce melting pot entre initiés et néophytes est des plus intéressants. Les touristes viennent en famille pour retrouver des sonorités oubliées et faire découvrir un univers musical à leurs enfants voire petits-enfants. La proximité avec les artistes constitue également un élément majeur dans la convivialité et la pérennité du festival.

Dans le reportage diffusé en 2016 sur la chaîne franco-allemande Arte, l’organisateur du Night of the Prog (le plus gros festival de rock progressif européen) avoue que son public est constitué principalement de quadragénaires et de quinquagénaires, d’un milieu plutôt aisé. Partagez-vous cette analyse concernant votre propre festival ? Quelle tranche d’âge y est la plus représentée ? Pensez-vous qu’il existe un public plus jeune pour ce type de musique ?
Complètement. On voit beaucoup de cheveux grisonnants pour ceux qui en ont encore ! Les quinquagénaires sont en majorité mais la gratuité du festival amène également un public plus jeune qui n’a pas forcément les moyens d’aller voir ces groupes en concert en salle. Les groupes présents sont ravis d’élargir leur public et de vendre énormément de merchandising sur place.

Quel(s) a(ont) été le(s) meilleur(s) moment(s) du festival depuis sa naissance ? Les groupes/concerts qui vous ont marqués ?
Impossible de dire quel concert ou quel moment a été le meilleur. Chaque édition étant mémorable musicalement et humainement, mais je vais citer quelques groupes : Hawkwind qui n’avait pas joué en France depuis plus de 20 ans, Djam Karet et Mavara, Karcius, Focus , Anglagard, Anekdoten, Haken, Gens de la Lune, Motis, Franck Carducci, Mörglbl, Éclat et Télescope Road, Baraka, The Enid, et pour terminer Trio of Hope, le groupe formé par trois des Flower Kings pour un concert unique. La liste est tellement longue, mais nous n’oublions personne car chaque groupe a laissé une empreinte indélébile dans les mémoires.
Crescendo est l’un des rares festivals internationaux qui soit gratuit et propose une programmation de formations musicales parfois venues de très loin. Ainsi, les festivaliers ont pu découvrir des musiciens japonais à plusieurs reprises (KBB, Baraka, Yuka & Chronoship), venus des Amériques (Pérou avec Flor de Loto à deux reprises, Mexique avec Cast & Iconoclasta, eux aussi venus deux fois, Etats-Unis avec Djam Karet ou Holding Pattern, Canada avec Karcius, Hamadryad, Jellyfiche) et même Asie mineure avec les Iraniens de Mavara. Seuls manquent encore au palmarès « crescendien  » des représentants des continents africain et océanien mais ça ne saurait tarder. La logique budgétaire de proximité veut que l’Europe soit la mieux représentée depuis l’Espagne à l’Ouest (Kotebel, Harvest) à l’Ukraine à l’Est (Karfagen, Sunchild, Hoggwash) ou la Hongrie avec Special Providence (deux fois) & After Crying en passant par nos gros « fournisseurs  » que sont la Scandinavie au Nord (Anglägärd, Anekdoten, Arabs in Aspic, Beardfish, Crazy World, Five-Fifteen, Leprous, My brother the Wind, Pain of Salvation, White Willow, Wobbler ou l’inédit Roine Stolt Trio) & l’Italie au Sud (Electric Flag, Finisterre venu deux fois dont lors de la 1ère édition inaugurale en 1999, Il Castello di Atlante, Psycho Praxis, Wicked Minds…) sans oublier le Bénélux (Focus, Quantum Fantay, The Wrong Object), l’Allemagne (Sylvan, 7 Steps to the Green Door, Karibow) et le pays de naissance du Prog’ qu’est le Royaume Uni (The Enid à deux reprises, Haken, le mythique Hawkwind, Io Earth ou cet été Karnataka). Les Français ne sont pas en reste et notamment les groupes emblématiques du patrimoine historique des années 70-80 (Anaïd, Atoll, Clearlight, Gens de la Lune de l’ex-Ange Francis Décamps), plus récents comme Franck Carducci ou le « guitar-hero  » Pat O’May (qui fusionne ses influences celtiques à son hard-rock d’origine), novateurs (Eclat, Lazuli, Mörglbl, Motis, Taal) et qui méritent un tremplin promotionnel comme ces formations régionales dont l’une ouvre chaque édition du festival.

La prochaine édition de votre festival est-elle déjà planifiée ? Des artistes sont-ils d’ores et déjà à l’affiche ?
L’édition 2017 est bouclée avec Harvest, Pat O’May, Karibow et Karnataka. L’édition des 20 ans est également prête mais nous ne la dévoilerons qu’à l’automne.

Comment voyez-vous l’avenir de votre festival ? Avec optimisme/pessimisme ?
Nous avons connu un printemps mouvementé et une nouvelle équipe est venue compléter les anciens, donc c’est avec un gros optimisme que nous envisageons les années à venir.

Selon vous, peut-il exister dans les pays francophones un grand festival de rock progressif, populaire, qui puisse attirer un public nombreux, à l’image du Night of The Prog en Allemagne ou du Be Prog ! My Friend en Espagne ?
En France de nouveaux festivals commencent à émerger mais l’affluence n’est pas toujours au rendez-vous malheureusement. La sphère du public progressif est faible dans notre hexagone et l’on voit les mêmes têtes d’un festival à l’autre c’est dommage.
S’il n’était pas gratuit, il est certain que Crescendo aurait eu du mal à survivre et qui sait s’il existerait encore. Le Night of the Prog à La Lorelei en Allemagne est le festival prog’ le plus célèbre et le plus fréquenté d’Europe mais sa popularité et son succès restent modestes. Entre 3000 et 6000 spectateurs se pressent chaque année sur trois jours pour y assister selon la programmation proposée. Les billets d’entrée (83€ la journée, 158€ le pass festival) sont réservés aux mélomanes aisés et (ou) passionnés. Avec ses 1000 à 2000 festivaliers présents à chaque journée, Crescendo n’a pas à souffrir de la comparaison d’autant que certaines formations programmées en Allemagne le sont également au festival (parfois la même année comme Karibow cet été).

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