– Festival Quadrifonic

Dans cette seconde partie de notre dossier consacré aux festivals de prog rock francophones, Chromatique donne la parole à Ludovic Moro, de l’association Quadrifonic, qui a monté le festival du même nom. Celui-ci s’est tenu pour la deuxième fois en 2016 près du Puy-en-Velay (43). État des lieux.

Quelles sont les origines du festival ? Qu’est-ce qui a présidé à sa création ?

Le festival émane de l’association Quadrifonic. Pour ceux qui ne la connaissent pas, Quadrifonic est une association à but non-lucratif créée au début des années 2000 qui a eu 2 principaux objectifs : la promotion du groupe Nemo et la distribution de musique progressive et atmosphérique française et francophone. Suite à la mise en sommeil du groupe Nemo (après le double album Coma, Ndlr), Jean-Pierre Louveton, son chanteur-guitariste, décide de réaliser un projet qui lui tient à cœur depuis un certain temps, monter un événement qui permette de promouvoir le rock progressif français en live ! Il rassemble alors une équipe d’amis, musiciens pour la plupart, afin de concrétiser le projet. Le Festival Quadrifonic est devenu aujourd’hui une des activités majeures de l’association.

Quelles sont les caractéristiques principales de votre festival (implantation, nombre d’éditions à ce jour, choix de programmation, fréquentation…) ?
A ce jour, il y a eu 2 éditions du Festival Quadrifonic. Pour ces 2 éditions, nous avions choisi une date début septembre, afin d’éviter la concurrence forte des mois de juillet et août, tout en restant sur l’été. Il s’avère que ce choix n’a peut-être pas été très judicieux… Le festival se déroule à la Maison Pour Tous de Chadrac en Haute-Loire, qui possède une salle parfaitement équipée pour les musiques actuelles, et d’une capacité d’environ 250 places. La particularité du festival est de programmer des groupes français uniquement. En effet, nous avons fait le constat qu’il existe une multitude de groupes français dans la mouvance prog, et d’un très bon niveau, mais malheureusement il y a si peu d’occasions de jouer. En effet, les festivals de rock progressif en France se tournent beaucoup vers des groupes internationaux afin d’assurer une bonne affluence, et c’est tout à leur honneur, mais du coup il reste peu de place pour les groupes français. Nous avons donc choisi de créer un événement qui leur est dédié à 100%. En deux éditions, nous avons donc programmé 10 groupes français, allant du petit groupe local qui nous tenait à cœur de faire découvrir, à la tête d’affiche incontournable dans le paysage du prog français (Lazuli en 2015, Gens de la Lune en 2016). Enfin, la particularité de notre festival est de proposer un repas du terroir préparé par nos soins et composé de produits locaux, que le public, les artistes et l’équipe partagent dans un même lieu, entre les concerts de l’après-midi et du soir.
La première édition du festival a rassemblé environ 150 spectateurs, tandis que la seconde à peine 100. Cela a été une véritable déception pour nous, et cela nous a fait beaucoup réfléchir sur la suite à donner. Mais le Festival Quadrifonic va continuer !

Qui sont les acteurs-clés de votre festival ? Comment est-il financé ?
Avant tout, c’est le public qui est l’acteur-clé du festival ! La billetterie représente la plus grande partie de notre recette. Pour la seconde édition, nous avons réalisé une campagne de financement participatif via la plate-forme Ulule qui nous a permis de récolter 2500€ environ, ce qui représente une somme majeure dans le budget global du festival. C’est d’ailleurs l’occasion de remercier encore une fois nos contributeurs !
En terme de subventions, le département de la Haute-Loire nous a aidés depuis la première année, mais en tant que festival ne se déroulant que sur une journée, nous ne rentrons dans les cases d’aucun autre organisme subventionneur malheureusement… Ce qui complique clairement les choses. A l’avenir, nous devrons faire un gros travail de recherche de mécénat privé pour pallier cela.
Enfin, bien sûr, rien ne pourrait avoir lieu sans l’équipe organisatrice qui travaille des mois en amont à l’organisation sous tous ses aspects !

Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez (ou avez rencontrées) dans l’organisation de votre festival ?
Les difficultés découlent logiquement de ce qui a été dit dans la réponse précédente, à savoir le manque de sources de subventions. Ainsi, nous sommes dépendants de la recette de billetterie, et lorsque le public n’est pas au rendez-vous, c’est le stress… Heureusement, suite à ces 2 éditions, et en partie grâce au financement participatif par Ulule, l’association n’a presque pas perdu d’argent. Cela nous permet d’envisager une suite pour le festival, en sachant que des solutions de financement doivent être trouvées.
Mais surtout, nous devons réussir à faire venir plus de public.

Comment définiriez-vous votre public ? S’agit-il de locaux, de gens de toute la France ? Des initiés, des curieux ?
Sur ce point c’est très clair : je dirais que 80% du public sont des gens initiés, fan de prog, qui se déplacent de la France entière voire même des pays limitrophes. Il y aussi quelques curieux. Mais surtout, très peu de locaux ! Malgré nos efforts sur les 2 éditions pour faire la promotion locale (articles de presse, émissions de radio, affichage…), nous n’avons pas réussi à faire sortir les gens de chez eux dans les alentours. C’est une grande déception et un de nos principaux objectifs pour les prochaines éditions, trouver un moyen d’attirer leur curiosité. Nous nous sommes posés pas mal de questions sur ce point : prix trop élevé, communication inadaptée ?…

Dans le reportage diffusé récemment sur Arte, l’organisateur du Night of the Prog avoue que son public est constitué principalement de quadragénaires et de quinquagénaires, d’un milieu plutôt aisé. Partagez-vous cette analyse concernant votre propre festival ? Quelle tranche d’âge y est la plus représentée ? Pensez-vous qu’il existe un public plus jeune pour ce type de musique ?
En effet, le constat est évident. Nous sommes dans le même cas de figure au Festival Quadrifonic. Je pense que oui, il existe un public plus jeune pour cette musique, tout comme il existe une nouvelle scène prog il me semble. Le problème est de réussir à créer un événement suffisamment attirant pour ce public, qui souvent n’a pas beaucoup d’argent à dépenser là dedans.
Les groupes phares de la scène française et internationale sont des quadra et des quinquagénaires, voire plus : Magma, Ange, Gens de la Lune, Marillion, Rush, Jethro Tull… Le public qui suit ces groupes les ont découverts lors de leurs années de gloire dans les années 70 ! Le public se rajeunit remarquablement aux concerts de groupes plus « récents », je pense en particulier à Steven Wilson, Opeth, Haken, Riverside et bien d’autres. Des événements qui réussissent à mélanger ces 2 « vagues » sont à mon sens la clé de la réussite. Je pense notamment au festival barcelonais Be Prog! My Friend, dont la moyenne d’âge tire plutôt sur les 30 ans ! Les jeunes découvrent alors les « vieux » groupes (exemple du succès indéniable de Magma au Hellfest 2016 !), et les moins jeunes découvrent les groupes plus récents.

Quel(s) a(ont) été le(s) meilleur(s) moment(s) du festival depuis sa naissance ? Les groupes/concerts qui vous ont marqués ?
Sans aucun doute, le moment du repas partagé entre le public et les artistes constitue vraiment un des moments privilégiés du Festival Quadrifonic. L’ambiance y est bon enfant, et les artistes jouent le jeu ! Nous avons par ailleurs eu la chance d’accueillir des groupes composés de gens simples et sympathiques, avec qui ça a été un plaisir de travailler. Mais personnellement, le concert de Lazuli lors de la première édition a été un moment particulièrement marquant. Ces mecs sont adorables, et sur scène ils partagent une émotion toute particulière avec le public. Je les aime !

La prochaine édition de votre festival est-elle déjà planifiée ? Des artistes sont-ils d’ores et déjà à l’affiche ?
Je ne peux pas dire beaucoup de choses concernant la prochaine édition. Tout ce que je peux dire c’est qu’elle aura lieu en 2018. Ce sera à une autre période de l’année (mars-avril), et avec un concept légèrement différent, mais qui mettra toujours à l’honneur le rock progressif français !

Comment voyez-vous l’avenir de votre festival ? Avec optimisme/pessimisme ?
Nous essayons tous d’être optimistes ! C’est plus difficile lorsque qu’une édition passe et que l’on se rend compte que l’on a la moitié du nombre de spectateurs espéré… Mais nous discutons beaucoup de cela, et faisons en sorte de trouver des solutions. Reste à savoir si ces solutions sont viables ! Le Festival Quadrifonic vit un peu au jour le jour, le déroulement de la prochaine édition dictera la suite !

Selon vous, peut-il exister dans les pays francophones un grand festival de rock progressif, populaire, qui puisse attirer un public nombreux, à l’image du Night of The Prog en Allemagne ou du Be Prog! My Friend en Espagne ?
J’aimerais qu’il en existe un ! Pour avoir participé au Be Prog! My Friend en 2016, ce festival est vraiment un super moment de musique : un cadre très sympa, et surtout des groupes très variés (cf l’affiche de 2017 regroupant Marillion, Anathema, Jethro Tull, Animals as Leaders…). Du grand classique du prog aux nouveaux mouvements qui en dérivent. Trouver un lieu et une période de l’année pas trop compétitive est une autre question. A mon sens, il serait intéressant que les organisateurs de festivals de prog en France se réunissent à ce sujet (j’en ai déjà parlé à quelques-uns !). Mais cela nécessiterait quoi qu’il en soit énormément de travail, de temps… et de moyens !

Un dernier mot ?
Vous pouvez suivre toute l’actualité de l’association Quadrifonic sur son site internet (www.quadrifonic.com) et sur sa page Facebook ! Le Festival Quadrifonic a également un groupe Facebook, rejoignez-nous !