Taennchel - Terre lointaine

Sorti le: 21/12/2016

Par Jean-Philippe Haas

Label: Autoproduction

Site: http://www.taennchel.com/

Dans l’imaginaire collectif, les pierres sacrées et les forêts enchantées sont souvent associées à la Bretagne, une image d’Epinal que les artistes autochtones eux-mêmes entretiennent au travers d’œuvres musicales gorgées de légendes locales et d’héritage celtique. Leurs auteurs s’appellent Alan Simon, Tri Yann ou Seven Reizh pour n’en citer que quelques-uns. De l’autre côté de l’Hexagone, il existe pourtant aussi des lieux mystiques propices à ces histoires fantastiques. L’un d’eux est la montagne du Taennchel, modeste sommet des Vosges connu pour abriter une multitude de mégalithes aux formes et tailles diverses et un mur païen dont l’origine est encore largement méconnue.

Grâce à une campagne de levée de fonds rondement menée via Ulule, les Alsaciens ont pu mener à bien un projet vieux de plus de dix ans : financer la sortie d’un « opéra folk » consacré à la mystérieuse montagne, contenu dans un luxueux mediabook cartonné, richement illustré de photos et de dessins, à l’intérieur duquel vient se glisser un CD contenant plus de soixante-dix minutes de musique. Et il en faut au moins autant pour offrir de quoi s’exprimer à la foule d’instruments qui composent cette épopée : les rois de la fête sont la section rythmique (basse/batterie/guitare) et le violon mais ils peuvent compter sur la présence d’un violoncelle, d’un hautbois, d’une flûte traversière, d’un didgeridoo et d’une belle variété percussions (mais pas de claviers grandiloquents, ouf!). Les compositions sont principalement l’œuvre du bassiste/guitariste François Koehler, épaulé parfois par l’autre cerveau du projet, le violoniste Martin Neiss.

Les amateurs de grandes épopées à la Excalibur seront comblés, mais pas question ici de passer à outrance les clichés du genre en revue : Terre Lointaine, c’est aussi du rock, de la pop, des instrumentaux, et un joli travail sur le chant : de nombreuses voix masculines et féminines aux timbres divers ont été convoquées, accompagnées çà et là de chœurs et de passages lyriques. Pas d’hégémonie vocale, donc, et le plaisir de découvrir différentes atmosphères : des thèmes aux sonorités celtiques ou pastorales, évidemment, et bien d’autres choses aussi comme la guitare latine de « Colportages » ou les accents orientaux de « Le murmure des reptiles ». Le format des chansons est généralement assez ramassé, à l’image de certains morceaux très accrocheurs (« Le Chant de Gaïa », « Pensées » ou « Et nos voiles »), mais le groupe joue parfois les prolongations avec réussite sur des titres plus contrastés – comme « Tempête », qui débute a capella pour s’emballer peu à peu – voire presque épiques (« Et si c’était vrai », « Genèse »).

Terre Lointaine réussit le grand écart : faire du neuf avec des recettes éprouvées, sans tirer sur la corde, ni tomber dans les poncifs éculés. Un disque palpitant d’un bout à l’autre, d’une richesse qui se dévoile petit à petit, servi par une production à la hauteur de ses ambitions et soutenu par une fine équipe de musiciens dont l’enthousiasme est tangible à chaque instant.