Dead Letter Circus

02/11/2016

Le Gibus Club - Paris

Par Dan Tordjman

Photos: Marjorie Coulin

Site du groupe : http://deadlettercircus.com

Setlist :

Here We Divide / The Space On The Wall / In Plain Sight / While You Wait / Cage / I Am / The Burning Number / Tremors / One Step / The Veil / Lodestar / Solo Luke Williams / Next In Line /// Rappel : The Mile

On a d’abord cru à une mauvaise plaisanterie quand on a lu que Dead Letter Circus s’arrêterait à Paris pendant son périple européen. Le genre d’annonce qui pourrait se clore par une annulation, par exemple. Et pourtant, les Australiens se sont bel et bien produits à Paris. Chromatique revient sur une bien belle soirée riche en surprises et pleine de sueur.

La soirée s’annonçait longue. Très longue. Pas moins de cinq groupes à l’affiche du Gibus en ce jeudi gris. Charge aux locaux de Stun d’ouvrir les hostilités. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’envoyer au feu un groupe de punk rock un peu énervé possédant un semblant de batteur équivaut à se tirer une balle dans le pied. Avec toute la meilleure volonté du monde, Stun rappelle un peu ce groupe que nous/vous avons/avez monté dans votre garage dans vos jeunes années. Succès très modéré pour les Parisiens. L’intérêt monte très vite avec les autres locaux de Synapse dont la musicalité laisse entrevoir de belles promesses. entre un chanteur à la polyvalence vocale reconnue, un virtuose décoloré à la guitare et une section rythmique à la mise en place impeccable avec un bassiste dont les doigts galopent avec grâce. En l’espace de trente minutes et un set plein d’énergie, Synapse réussit son opération séduction et il n’est pas improbable que nous en reparlions à l’avenir.

De The Shiver, nous reparlerons sans doute également tant la formation italienne a surpris. A la fois, par la qualité de ses compositions mais également par la présence, la prestance et l’aisance de sa chanteuse Federica Sciamanna. Si ses acolytes ne sont certes pas en reste, la belle transalpine captive et invective avec brio l’auditoire du Gibus qui s’est copieusement garni entre temps pour profiter de ce metal sombre et mélodique rappelant par moments un Lacuna Coil qui lorgnerait vers une expérimentation de sons triturés par l’entremise du clavier de la belle Federica. Histoire de s’enfoncer davantage dans le côté obscur, les Italiens nous servent une jolie reprise de Love Will Tear Us Apart de Joy Division avant de faire place nette pour DispersE.

L’auteur de ces lignes doit avouer qu’il s’attendait à quelque chose d’imbitable avec l’entrée en jeu des Polonais, surtout quand leur guitariste émérite Jakub Żytecki a débarqué sur scène avec une guitare huit cordes en guise de pelle. Or, il doit avouer qu’il en fut quitte pour une autre belle découverte tant le groupe de Cracovie invite littéralement le Gibus à un voyage entre ambiances planantes parfois éthérées et sismiques. Le quatuor, qui compte désormais dans ses rangs, le génial batteur Michael Malyan de Monuments, place la barre très haut avec un set immaculé. La perfection n’existant pas, contentons-nous de penser que ceux qui ne connaissaient pas DispersE (dont votre serviteur) et empreints de scepticisme quant à la musique proposée furent vite convaincus de la grande qualité de ces musiciens. Un groupe de plus à suivre par votre webzine préféré.

Après un tel set, la question était posée : qu’allait bien pouvoir proposer Dead Letter Circus, compte tenu du niveau de qualité montant sans cesse crescendo ? Beaucoup d’interrogations que le gang de Brisbane s’est empressé de balayer d’un revers de la main avec un tellurique « Here We Divide ». Et là, le décor est planté, la machine est lancée : si la paire de guitaristes Clint Vincent & Luke Palmer paraît quelque peu effacée, chacun placé aux extrémités de la scène, elle n’en est pas moins efficace. C’est donc au trio Kim Benzie-Stewart Hill-Luke « The Myth » Williams que revient de faire le spectacle. Et de spectacle il fut constamment question avec un Stewart Hill à la limite de l’épilepsie, maltraitant sa basse de bout en bout pendant que Luke Williams joue au bûcheron tout en assurant les chœurs. Quant à Kim Benzie, sa principale préoccupation de la soirée est de ne pas se cogner la tête au plafond du Gibus Club. Mais qu’à cela ne tienne, le grand Kim ne tombe pas dans le piège et Dead Letter Circus (DLC, pour les intimes) enfile les titres comme des perles. Si leur dernier album Æsthesis avait de quoi nous laisser sur notre faim, il faut reconnaître que les titres de celui interprétés ce soir passent le test de la scène haut la main avec une mention spéciale pour « In Plain Sight » et leur single « While You Wait » qui remporte les suffrages escomptés. Mais il convient d’avouer que les titres issus de This Is The Warning sont les plus populaires, témoin « One Step » sur lequel plane l’ombre de Dredg. Pas de temps mort pendant le set, les résidents du Queensland enchaînent et The Catalyst Fire n’est pas en reste avec « I Am » et un très remuant « Lodestar » qui fait sauter le public du Gibus y compris la petite Federica Sciamanna venue dégourdir ses cervicales après s’être remise de ses émotions scéniques.

Vint alors le moment de gloire de Luke Williams, qui se fendit d’un petit solo de batterie parfait pour introduire « Next In Line » histoire de vider un dernier chargeur de doubles croches avant de revenir pour un rappel ébouriffant. Un seul titre a suffit à parachever le succès des Australiens et c’est à « The Mile » dégoulinant de puissance, trollé lors de son intro par… « Never Gonna Give You Up » de Rick Ashley qui eut pour effet de bien faire rire l’auditoire. C’est donc à cet extrait du premier EP du groupe que revient la charge de clore la soirée au cours de laquelle, la communion entre Dead Letter Circus et son public parisien est apparue comme évidente. La connexion entre la France et Oz est de nouveau rétablie et l’on se prend à rêver d’une tournée commune avec Karnivool et Caligula’s Horse. De leur côté, les Kim Benzie et Cie se sont révélé conquis par Paris et son public et nous ont confié leur projet et souhait de revenir sur le Vieux Continent dès l’année prochaine avec un nouvel album qui, selon nos informations, serait déjà bien avancé. C’est une forme de générosité que l’on aime. Car l’Australien est généreux et à voir la disponibilité des musiciens après le concert il est clair que c’est un adjectif qui leur sied bien.