Festival Be Prog ! My Friend

10/08/2016

Poble Espanya - Barcelone

Par Thierry de Haro

Photos: Thierry de Haro

Site du groupe : www.beprogmyfriend.com

Setlist :

Jour 1 - Vendredi 01 Juillet 2016 :
EXXASENS : Supernova - My Hands Are Planets – Hugeness - Bright Side of the Moon - Rocket to the Sky - Your Dreams Are My Dreams - Eleven Miles – Saturn - Back to Earth
OBSIDIAN KINGDOM : The Kandinsky Group – Darkness - Last of the Light - 10th April - Haunts of the Underworld - Endless Wall - The Polyarnik - A Year With No Summer - Black Swan - Away / Absent
IAMTHEMORNING : Clear Clearer - Too Many Years - 5/4 – KOS - Chalk And Coal
AGENT FRESCO : Anemoi - He Is Listening – Howls – Destrier – Pyre – Implosions - A Long Time – Listening - See Hell – Angst - Dark Water - Eyes of a Cloud Catcher - The Autumn Red
THE PINEAPPLE THIEF : What Have We Sown? (Intro) - Wake Up the Dead - Alone at Sea - The One You Left to Die - All the Wars – Magnolia - Simple as That - Sense of Fear - Remember Us - Reaching Out – Snowdrops - Nothing at Best

Jour 2 – Samedi 02 Juillet 2016 :
ANNEKE VAN GIERSBERGEN : Endless Sea - Heart of Amsterdam - Brightest Light - The Storm - Isis and Osiris - Witnesses - Strange Machines - Fallout - Shores of India
BETWEEN THE BURIED AND ME : The Coma Machine - Informal Gluttony - Extremophile Elite - The Ectopic Stroll - Telos - Bloom - Selkies: The Endless Obsession
MAGMA : Theusz Hamtaahk - Zombies – Kobaïa
OPETH : Cusp of Eternity - The Devil's Orchard - The Leper Affinity - Godhead's Lament - To Rid the Disease - I Feel the Dark - Heir Apparent - Demon of the Fall - The Grand Conjuration Deliverance
STEVEN WILSON : First Regret - 3 Years Older - Hand Cannot Erase - Routine - Home Invasion - Regret #9 - Lazarus - Ancestral - Happy Returns - Ascendant Here On... - Index - Harmony Korine - Don't Hate Me - Vermillioncore - Sleep Together / ENCORE : The Sound of Muzak - The Raven That Refused to Sing
TEXTURES : One Eye for a Thousand - New Horizons - Shaping a Single Grain of Sand - Singularity - Illuminate the Trail - Zman - Timeless / ENCORE : Reaching Home - Regenesis - Awake - Laments of an Icarus

Barcelone accueillait en ces premiers jours de juillet les aficionados du Rock Progressif au sens large, déroulant ses multiples facettes, du prog-folk de chambre au metal pur et dur, en passant par la zheul, le post-rock et diverses influences, permettant d’attirer une foule conséquente, voire épaisse lors de la montée sur scène des têtes d’affiche Opeth et Steven Wilson, le deuxième jour. La cité catalane avait donc revêtu ses habits de lumière pour fêter l’évènement, à savoir soleil de plomb, température flirtant avec la quarantaine de degrés dans un lieu majestueux en charge de perpétuer l’histoire de la péninsule ibérique : Le Poble Espanyol !

Jour 1 : Vendredi 1er Juillet 2016
Aperitivo-Tapas ! Initialement, cette première journée se voulait être une mise en bouche au banquet principal du lendemain où étaient conviées les têtes d’affiche. D’où une première programmation à la Sala Apolo, sorte de grande salle-discothèque au pied de Montjuic. Mais est-ce la présence d’un autre groupe phare, The Pineapple Thief, sur cette journée ou celles d’étoiles montantes telles Agent Fresco ou Iamthemorning ? … Toujours est-il que les organisateurs avaient changé leur fusil d’épaule et proposaient les deux jours sur la magnifique esplanade du Poble, sous la chaleur sèche d’un soleil brûlant. Heureusement, la fraîcheur se vendait par litre … des verres géants de bière pour le prix d’une pinte en France !
Aussi, lorsqu’Exxasens, le premier groupe local, ouvre le bal, nous ne sommes pas nombreux devant la scène … une partie du public préférant se fondre dans la mince bande d’ombre que les bâtiments du Poble ont mis à disposition … et l’autre partie n’étant pas encore arrivée (le nombre de festivaliers ayant commencé à prendre de l’ampleur à partir de 19 heures, ce qui laisse à penser que les Espagnols travaillent même les vendredis de Be Prog !). Exxasens distille un post-rock atmosphérique, essentiellement instrumental, parfois teinté d’accords de guitare à la U2, ajoutant une surcouche ‘rock’ à cette ambiance aérienne qu’ils surenchérissent de leurs vocalises. Le public est embarqué dans les méandres célestes et hypnotiques du quatuor barcelonais, et jubile lorsque Bruce Soord vient se joindre au groupe sur «  Saturn » en compagnie de Miguel Angel Abril Hidalgo, également invité sur ce titre dans sa version studio (sur le dernier album Back To The Earth). Assurément, l’une des révélations de ce festival … évidemment en partant du principe que les têtes d’affiche n’en sont plus !
Obsidian Kingdom, l’autre groupe barcelonais du festival, leur emboîte le pas avec un rock énergique, quoiqu’un peu décousu dans les premiers titres. La formation, qui puise ses racines dans le Black Metal , va monter en puissance au fur et à mesure que le concert avance et, au final, aura proposé un set plutôt réussi. Le public semble apprécier … peut-être aussi en raison des couleurs locales des musiciens. Il est alors l’heure de faire une pause hot dog-sandwich-bière et Tinto de Verano, sorte de vin rouge coupé avec de la limonade et des glaçons, qui pouvait également être vendu dans des verres d’un litre … Rafraichissant !!!
Changement de ton radical avec Iamthemorning, que l’on pourrait qualifier de ‘rock progressif de chambre’, tant par la composition de groupe – piano, violon, violoncelle et voix – que par ce côté intimiste et nostalgique que dégage leur musique. La part belle est faite à leur superbe dernier album (Lighthouse) sur lequel, Gavin Harrison, Colin Edwin et Mariusz Duda avaient apporté leur pierre à l’édifice (ils n’étaient malheureusement pas présents – on en reparlera pour Gavin). La voix de Marjana Semkina se pose sur l’écrin musical tissé par les archets et le piano de Gleb Kolyadin, c’est beau et pur à la fois, proche d’une Kate Bush par moments, plus dans la lignée d’une Joanne Hogg avec Iona sur d’autres passages. Marjana est heureuse d’être là, explique que les textes d’Iamthemorning ne parlent ni d’amour, ni de fleurs … et provoque dans la foulée des sourires du public quand elle annonce : ‘La prochaine chanson parle d’une fille morte …’. Une belle prestation saluée par des applaudissements nourris et mérités.
Le changement de plateau devient séance de rattrapage pour les affamés et un break salutaire pour les assoiffés. Il est surtout l’occasion d’un brassage du public sur le devant de la scène, car les Islandais d’Agent Fresco vont descendre de leur fier destrier pour asséner un rock puissant, aux antipodes du groupe russe qui l’a précédé. A peine arrivé sur scène, pas de répit, ‘ça envoie’ ! Le groupe déploie une énergie stupéfiante, et Arnór Dan Arnarson au chant semble être habité et tient l’espace à lui seul. Ceux qui apprécient les voix gutturales sont comblés – les autres un peu moins en dépit de la performance scénique qui s’offre à nos yeux. Les compos oscillent entre rock alternatif et metal, le public espagnol est surprenant, reprenant en chœur l’ensemble du répertoire, dans une ambiance survoltée. Il semble évident qu’il s’agit là du groupe qui a remporté la plus grande adhésion du public – beaucoup plus nombreux, et l’on se demande si The Pineapple Thief, tête d’affiche de la journée, va maintenir ce niveau d’intensité musicale.
Craintes vite dissipées, car Bruce Soord et son band attaquent par l’intro de «  What Have We Sown?  » qu’ils enchaînent avec «  Wake Up The Dead ». De l’énergique !!! Le public est réceptif, bien que semblant un peu plus sage que précédemment … à l’image des artistes, qui assurent certes un show en tous points remarquable, mais dont on pressent l’absence de petite étincelle de folie qui met le feu aux poudres – celle qui fait la différence entre un très bon concert et un concert inoubliable ! Elle aurait pu être apportée par Gavin Harrison, artisan majeur de l’album In The Wilderness à venir mi-août, mais point de Gavin – et comme Bruce Soord nous l’avait indiqué (Interview), point de nouveau titre, mais un répertoire plutôt basé sur le dernier album (Magnolia). Au final, un public satisfait de la prestation, mais n’ayant pas ‘plus envie que ça’ de poursuivre au-delà, si l’on considère qu’aucun rappel n’ait été initié avec persuasion. Il est alors temps de ‘redescendre de la colline’ vers la ville, la tête pleine de musique, de joie et des rêves … en attendant le lendemain

Jour 2 : Samedi 2 Juillet 2016
Résonnez tambours, sonnez trompettes, le grand jour est arrivé ! Enfin, disons plutôt, le deuxième grand jour, au vu du plaisir pris durant la première journée. La foule est plus nombreuse que la veille à l’entrée du Poble … mais rien à voir avec ce qui va suivre. Nous n’avons pas à attendre trop longtemps, avant de voir apparaître la toujours souriante et gracieuse Anneke Van Giersbergen. La moitié de son répertoire est consacré à The Gentle Storm, dernier opus un tantinet pompeux pour votre serviteur (préférant largement la belle néerlandaise dans un répertoire plus acoustique). La suite oscillera entre reprises d’Ayreon (Isis And Osiris) et de Devin Townsend Project (Fallout), en passant bien évidemment par un titre de The Gathering (Strange Machines). Le public semble conquis, comme quoi, il y en a pour tous les goûts et c’est tant mieux, car c’est aussi le but de ce type de festival
D’ailleurs, on ne croit pas si bien dire à l’entrée de Between The Buried And Me, et on se délecte à l’idée d’entendre sur scène leur excellent dernier album, Coma Ecliptic. Ca commence fort puisque le groupe entame «  The Coma Machine » sans ‘tour de chauffe’ (pas besoin non plus, au vu de la température extérieure). Malheureusement, seulement deux titres du dernier album seront joués, les américains puisant dans leur répertoire riche d’une petite dizaine d’albums déjà. Alors que l’on pouvait s’attendre aux variations vocales de Tommy Giles Rogers qui transcendent ce dernier album, le chanteur aura décidé d’adopter sur le live un ton plus growl – conférant une linéarité certaine à l’ensemble du set – et donc, pour les non fans du genre, un ennui naissant au bout de quelques titres. Qu’importe, une fois encore, les adeptes de cet exercice vocal sont ravis, d’autant que musicalement la palette est riche de variations. Une heure passée avec les Américains et la montée d’adrénaline se fait sentir … il ne reste plus qu’à attendre le plat de résistance de ce festival.
Il commence par ‘nos Français’ de Magma, plébiscités par quelques T-Shirts fleurissant ça et là, mais néanmoins engloutis par une écrasante majorité à l’effigie d’Opeth et Steven Wilson. Curieusement, également beaucoup de T-Shirts ‘Affinity’ d’Haken, et renseignements pris, il ne s’agissait pas de la présence d’une boutique du groupe à l’entrée du Poble, mais d’une date barcelonaise pour les Londoniens, un mois plus tôt. Petit aparté côté vestimentaire, histoire de patienter, car la mise en place du Magma est longue, longue, longue … Dans le cadre d’un festival où tout est minuté – une heure, c’est une heure et pas une heure dix – et du coup, le groupe se trouve pénalisé dès la fin d’un «  Theusz Hamtaahk » étincelant et émouvant aux larmes, car il ne reste que vingt minutes pour interpréter «  Mekanik Destruktiw Komandoh ». Stella Vander propose de n’en faire qu’une partie, mais au final, Magma optera pour jouer deux autres titres en intégralité, «  Zombies » et un éblouissant «  Kobaïa  » , où l’on pourra admirer toute la virtuosité du nouveau guitariste, Rudy Blas, pour ceux qui ne l’avaient jamais entendu avec Caillou. Au final, accueil enthousiaste du public espagnol … et foule compacte qui ne profite plus des pauses pour se restaurer … car tout le monde veut être bien placé pour les deux prochaines affiches.
Opeth arrive… le charismatique Mikael Åkerfeldt qui avoue d’entrée être impressionné de jouer après Magma, son groupe culte ! Il parle, beaucoup et avec humour, pour la plus grande joie d’un public déjà conquis. Puis démarre avec «  Cusp of Eternity » … ce sera le seul titre du dernier album, Pale Communion (le nouveau devant paraître dans les semaines à venir, mais nous n’aurons droit à aucune ‘avant-première … secret total !). Les Suédois puisent un morceau dans chaque album de leur discographie studio depuis 1998, laissant peu de place à leur répertoire progressif récent. Mikael démontre à ses fans les plus anciens qu’il n’a rien perdu de son growl caverneux, plus présent dans le show que les parties claires. C’est enivrant, puissant et, à la fois, d’une grande finesse. La richesse des compositions, les variations de tonalité dans la voix d’Åkerfeldt – à l’inverse de Tommy Giles Rogers plus tôt dans l’après-midi – sont un enchantement. Et même si ce soir l’accent est davantage mis du côté guttural, même si ça ‘bastonne’ plutôt pas mal dans l’ensemble, pour un festival où l’on aurait pu penser qu’ils se colorent de leur teinte plus progressive, les deux heures passées avec Mikael Åkerfeldt et ses acolytes semblent bien courtes pour une majorité de personnes. Mais il est 23 heures, et la mise en plateau de la tête d’affiche N°1 du festival doit être lancée. Pas de rappel donc pour Opeth … Tout le monde attend désormais Steven Wilson.
Une petite demi-heure plus tard, c’est sous une véritable ovation que résonnent les premières mesures de «  First Regret », annonciatrices de l’arrivée d’Adam Holzman aux claviers – suivi quelques instants plus tard par Steven Wilson et le reste de son groupe. Que dire … surtout quand on l’a vu plusieurs fois au cours de sa dernière tournée ? Les superlatifs renaissent à chacune des apparitions et cette fois-ci n’échappe pas à la règle non plus. Un show impeccablement bien huilé, musicalement exceptionnel et convivial, dans la lignée de la prestation d’Opeth. Certes, Steven Wilson est bien moins disert que Mikael Åkerfeldt, que tout le monde espère voir monter sur scène pour jouer du Storm Corrosion (il s’amuse à l’appeler – tout le monde y croit alors – mais nous ne verrons pas l’ombre de ‘Miguelito’ comme s’est amusé à l’appeler le public espagnol). Et il possède cette dose d’humour ‘pince sans rire’ où il se défend d’être quelqu’un de triste, de noir, de dépressif, en expliquant qu’il met toute cette partie sombre dans ses chansons, puis … il nous les donne – gardant ainsi pour lui la partie ensoleillée de l’existence. Tactique sans doute gagnante, il suffit d’écouter «  Routine » pour faire couler quelques larmes de désespoir – mais n’allez tout de même pas imaginer que chaque spectateur possède sa corde … ou alors, c’est pour sauter de joie car tout titre est une offrande offerte à un public qui clame haut et fort son amour pour la musique de Steven Wilson…et pour celle de Porcupine Tree, dont quatre titres seront joués. Le concert se termine d’ailleurs (avant rappels) sur un «  Sleep Together » hypnotique où le public reprend en cadence le rythme imposé sur fond d’ambiance bleutée. Au final, plus de deux heures de concerts, avec une large part faite à Hand Cannot Erase , même si l’intégralité de l’album n’a pas été jouée, et quelques retours sur les albums précédents («  Index », «  Harmony Korine  », «  Vermillioncore  », «  The Raven That Refused to Sing  »,…) pour ce qui concerne le répertoire de Steven sous son propre nom. Et puis du Porcupine Tree, avec un hommage à David Bowie sur «  Lazarus  », ou le sublime («  The Sound of Muzak  » en premier titre de rappel. Le show se termine dans un tourbillon d’applaudissements … on en oublierait presque qu’il y a un autre groupe à venir !
Le Poble Espanyol s’est vidé – peut-être de moitié, en tous cas d’un bon tiers – quand Textures apparaît pour jouer de 2 heures à 3 heures du matin. A une heure aussi avancée de la nuit, ceux qui s’attendaient à un show en mode berceuse pour filer tranquillement et sans embûches vers un sommeil réparateur en sont pour leurs frais. Un déluge de metal s’abat sur le festival, hurlements et vociférations assurant la ponctuation, headbanging à tous les étages … ou plutôt devant la scène où se sont regroupés les disciples du groupe néerlandais. Les autres terminent leurs jetons (pièces en plastique échangées contre de l’argent pour payer les boissons … donc devenant inutilisables dès la fin du festival) en buvant des bières. Et l’on s’enfonce tranquillement dans la nuit catalane, laissant derrière nous deux jours d’émotion intense … et en se disant ‘Vivement le Be Prog 2017’ !!!