The Pineapple Thief - Your Wilderness

Sorti le: 19/06/2016

Par Florent Canepa

Label: Kscope

Site: http://pineapplethief.com/

The Pineapple Thief a tout du groupe maudit et béni. Maudit car malgré sa soif de rock alternatif taillé pour les ondes et les campus universitaires en mal de songwriting, il est toujours resté relativement confidentiel, à côté de mastodontes du genre (dont un faisait encore récemment le buzz à coup d’oiseau). Béni car la grâce a touché à plusieurs reprises la discographie désormais savante d’une combinaison riche en saveurs. Le jeu étant toujours de savoir à quel niveau d’accessibilité se situe la dernière offrande (comprendre plus ou moins progressive).

Your wilderness se pare d’atours sobres. Huit petits titres, une durée raisonnable et un seul titre frôlant la dizaine de minutes, le tout laissant donc la part belle aux formats pop. Pop ? Pas tout en fait. Si la parenthèse solo récente de Bruce Soord laissait à entendre des facettes mélodiques proprettes et très acoustiques, son groupe livre aujourd’hui une performance plurielle et tout de même électrique. Riffé et racé, il inclue même des éléments rythmiques quasi métal (« Tear you up », aux extraits de shredding). Noble dans ses approches, l’album est étincelant par moments et s’éloigne de la neurasthénie dans laquelle le groupe a parfois pu se vautrer.

Même lorsque les morceaux déploient leurs ailes en mid-tempo ou ballade, c’est toujours sous un prisme grave dans la lettre mais radieux dans l’esprit (« That shore », où le piano pondéré fait mouche). On peut sans doute imaginer que l’afflux d’invités a évité une forme de consanguinité créative. Gavin Harrison, avant tout, insuffle sa frappe mais aussi sa retenue sur tous les titres. De manière docte, le batteur prouve encore une fois son habileté quel que soit le registre et offre des performances complètement différentes de ce qu’il peut faire avec Steven Wilson. Autre cameo de marque, John Helliwell de Supertramp livre les pulsations de sa clarinette (« Fend for yourself », sommaire et beau). Geoffrey Richardson ex-Caravan et grand homme-orchestre du fantastique Penguin Cafe Orchestra prête son talent tout en cordes à l’ensemble. Des invités loin d’être anodins qui viennent étoffer la palette d’émotions proposée par les Anglais.

Ici concision ne rime pas avec manque d’inspiration bien au contraire. Certains – plus hermétiques aux évolutions aguicheuses du groupe – pourront constater une forme de résurgence. Mis à part peut-être « Take your shot », plus plat mélodiquement, tout se construit avec brio. Your wilderness n’est sans doute pas parfait (on préfère sa première partie) mais ses reliefs, son authenticité et sa magnifique évidence prouvent de bout en bout que la formation est non seulement incontournable mais, près de vingt ans après ses débuts, toujours excitante. La mélancolie a ses hérauts. Et après Magnolia, il y a deux ans, on peut décemment proclamer que le ver n’est absolument pas dans le fruit.