Kayo Dot + Botanist + Minsk + Floor

18/06/2015

Espace B - Paris

Par Raphaël Dugué

Photos: Blumina et Mats L./ Dökkalfar

Site du groupe : http://www.kayodot.net/

Setlist :

Kayo Dot : And He Built Him a Boat / The Mortality of Doves / Passing the River / __On Limpid Form

Kayo Dot, groupe phare de l’avant garde new yorkaise, avait manqué la France lors de ses dernières tournées sur le vieux continent. La date du 20 Avril 2015 était donc un évènement à marquer d’une croix blanche pour les amateurs de musiques expérimentales. Le groupe, en tournée avec Botanist, a malheureusement dû partager une affiche déjà bien remplie, puisqu’il retrouve Minsk et Floor, deux autres groupes de metal. C’est donc un mini festival rassemblant quatre formations aux styles plutôt disparates qui s’est déroulé à l’Espace B ce jour-là.

La soirée étant chargée, c’est Botanist qui débute dès 19h30. Première surprise, le groupe joue avec deux dulcimers sur scène en plus d’une formation comprenant un chanteur, un bassiste et un batteur. Les cinq membres entrent sur une scène éclairés en vert, vêtus de sorte de robes de bure aux motifs floraux (qui leur donnent un air de géant vert croisé avec Sunn0))) ou Secret Chiefs 3) pendant que sont diffusés des bruits d’oiseaux et de ruisseau. C’est donc tout naturellement qu’ils débutent leur set avec un puissant morceau de black metal, mais du black metal possédant des accents éthérés voire presque pop. Les deux dulcimer sont martelés avec force et sans relâche dans ce tourbillon déchaîné par dessus lequel le chanteur ne cesse d’éructer des growls (qu’il utilisera pendant tout le concert même pour ses annonces au public). Si Botanist est peu convaincant sur ses albums (la production n’étant pas à la hauteur), la performance en concert vaut le détour. Les morceaux rapides s’enchaînent sans un temps mort et le groupe prend définitivement du plaisir à cultiver cette image à la fois violente et végétale. Pas question toutefois pour Botanist de prendre racine trop longtemps dans cette soirée chargée, il s’arrête donc après trois quarts d’heure de folie furieuse.

C’est ensuite au tour de Kayo Dot de prendre la relève. Sans attendre, il démarre en trombe avec « And He Built Him a Boat » sommet du formidable Hubardo sorti en 2013. L’ouverture puissante emporte le public de l’Espace B dès ses premières secondes. Toby Driver à la basse et au chant garde les yeux fermés, comme possédé. La ligne mélodique quasi mystique est sublimée par le groupe à l’unisson. Kayo Dot enchaîne avec le plus feutré « Mortality of Doves » du dernier album Coffins on Io. L’ambiance devient plus intimiste sans perdre en intensité, avant d’exploser lors de cette magnifique ligne mélodique du refrain. Les ambiances rappellent le mouvement New wave tout en gardant la personnalité unique du groupe. Les musiciens vont encore développer leur palette avec le très contrasté « Passing the River » de l’album Hubardo. Le rythme lancinant et doux laisse place aux passages black metal très maîtrisés, l’occasion de voir à quel point Keith Abrams est un batteur versatile et qu’il s’adapte parfaitement à la musique de Kayo Dot, autant capable d’hypnotiser le public avec subtilité que d’exploser dans des blast beats violents. Le groupe termine son set avec une surprise, “ On Limpid Form ” issu du deuxième album Dowsing Anemone With Copper Tongue, adapté pour l’occasion à cette formation plus réduite. Le final dantesque achève le public qui reste K.O. par cette performance. En à peine une heure, Kayo Dot a mis tout le monde d’accord sur son potentiel en concert, ce qui rend la durée de la prestation encore plus frustrante. Ce set a montré toute la palette d’émotions de sa musique, de la mélancolie éthérée à la violence extrême, tout y passe avec brio.

Enchaîner est la tâche délicate qui attend Minsk. La formation propose une musique sludge matinée de post rock. Les morceaux sont de longs développements alternant les passages calmes et ceux plus saturés. Il en va de même pour les vocaux, la voix claire laisse la place aux growls portés par trois chanteurs qui donnent une véritable puissance aux passages violents. Les titres ne sont cependant pas vraiment diversifiés, calqués pour la plupart sur le même moule. Après un set d’une heure, Minsk laisse la place au groupe de clôture, Floor, composé d’un batteur et deux guitaristes. Le groupe semble avoir trouvé la recette parfaite pour compenser l’absence de basse : sous accordez vos guitares, montez le niveau basse de votre ampli jusqu’à 11 et vous obtiendrez… une sorte de magma sonore un poil indigeste. Si l’on comprend l’intention louable des musiciens de proposer un metal stoner lourd et hypnotique, la réalisation n’est pas à la hauteur, la faute à des compositions relativement plates et monolithiques.

Le clou de la soirée aura donc été Kayo Dot qui a réussi à surpasser toutes les attentes même si on ne peut que déplorer qu’il n’ait pas pu réaliser un set entier. Les performances des autres groupes ont été relativement agréables même s’il est difficile de soutenir la comparaison avec la formation de Toby Driver.