Dream Theater

18/03/2014

Zénith - Paris

Par Renaud Besse Bourdier

Photos:

Marjorie Coulin

Site du groupe : www.dreamtheater.net

Setlist :

The Enemy Inside/The Shattered Fortress/On The Back of Angels/The Looking Glass/Trial of Tears/Enigma Machine/Along For the Ride/Breaking All Illusions/The Mirror/Lie/Lifting Shadows Off a Dream/Scarred/Space Dye Vest/ Illumination Theory/Overture 1928/Strange Déjà Vu/The Dance of Eternity/Finally Free

Profitons du dernier concert en date des géants du monde du metal progressif en France pour nous interroger sur la notion de public, et de fan. Quand on se retrouve face à un groupe tel que Dream Theater, avec une carrière de bientôt trente ans, il est évident que le public qu’il va rencontrer sera très éclectique, ne serait-ce qu’en matière d’âge : au début de ce concert au Zénith, le chanteur James Labrie annonce que leur tournée célèbre les vingt ans de leur album Awake et ajoute que beaucoup des personnes qu’il voit en face de lui ne devaient même pas être nées à l’époque.

Nous avancerons donc qu’il y a, pour rester simple, deux types de public, deux types de fan dans une telle situation : l’ancien, et le nouvellement conquis. Ou, autrement dit, celui qui vient au concert pour avoir un aperçu d’un passé musical qui l’enchantait – en l’occurrence, des morceaux des albums Awake et Scenes From a Memory – et celui qui se délecte de l’existence présente du groupe. Sans grande surprise, la rédaction de Chromatique a plutôt le profil de l’ancien fan ; car, il est vrai, Dream Theater a changé avec le temps. Le groupe a obtenu un son plus synthétique, une approche plus proche de la performance et du spectacle ; et même si cela peut déplaire, force est de constater que c’est ce que le public de Dream Theater attend d’eux en concert.

En effet, la soirée s’ouvre sur une très belle vidéo récapitulant leur carrière en animant des pochettes d’albums – les cris du public révèlent ainsi les favoris de la majorité en la matière de Train of Thought, Octavarium, et les deux plus récents – et par des morceaux mettant en avant ce son plus dur et lisse. Au milieu d’extraits des deux derniers albums – comme «  The Enemy Inside » qui ouvre le set et « Breaking All Illusions » qui clôt le premier acte -, on aura pu se délecter d’une superbe version de « The Shattered Fortress » et de « Trial Of Tears ». Ces deux titres profitent de ce nouveau Dream Theater et en sortent encore plus énergiques ; seul bémol, le solo de clavier de Ruddess sur « Trial » qui remplace mélodies travaillées par une cacophonie de notes embarquées dans un avion de chasse bravant le mur du son. Qu’importe, puisqu’au vu des réactions du public, ce genre de prouesse est grandement appréciée, et le groupe tient à satisfaire ses fans. Quoi de plus louable ? Il paraît donc logique que Mike Mangini ait droit à un excellent solo de batterie – qui a lieu pendant « Enigma Machine » -, pour leur plus grand bonheur. Le nouveau batteur est entièrement accepté, et c’est en soi une très bonne nouvelle. James Labrie, bien en forme au niveau des cordes vocales, entretient la conversation avec le public pendant la totalité du spectacle et encourage les spectateurs à chanter en choeur sur les refrains. Mais le chouchou reste encore et toujours John Petrucci ; toujours aussi impeccable, il ne rate pas une note et s’applique à en mettre plein la vue à tout le monde à coup de shredding et de sweeping méticuleusement exécutés.

Après une heure et demie de concert, le groupe prend une pause de dix minutes, mais cet entracte n’est pas dénué d’animation : sur l’écran géant dont le groupe se sert pour diffuser ses vidéos pendant le concert, un superbe montage consacré aux fans de Dream Theater apparaît. Il s’agit d’une compilation d’hommages musicaux (du Dream joué en beatbox, par des fanfares, des orchestres symphoniques) et de vidéos humoristiques (une fausse publicité pour des action figures des membres du groupe de prog). Avec cela, Dream Theater montre qu’il tient à son public, et qu’il lui prête attention.

Et c’est d’ailleurs pour cela que le deuxième acte de ce concert est un retour aux sources : une tentative de reconquérir les plus sceptiques des anciens fans en quelque sorte. Et si la formule prend effectivement sur les deux premiers morceaux qui ouvrent l’hommage à Awake, les trois suivants, bien moins metal et plus doux, ne correspondent plus vraiment au son nouveau de Dream Theater. Pièce absolument culte aux yeux des anciens, « Space Dye Vest » est accueillie par très peu d’applaudissements, et manque dans son exécution d’une sensibilité, égarée – le pire étant le final, pollué par des dizaines de notes à la seconde sur la guitare de Petrucci.

Le groupe enchaîne avec la pièce maîtresse de leur dernier album, avant de se lancer dans un rappel avec son dernier hommage, bien plus réussi, à Scenes From a Memory. Difficile de résister à l’excellence des riffs de « Strange Déjà Vu » à la folie technique mais subtile de « The Dance of Eternity », et au mélange de douceur et d’emphase sombre de « Finally Free », qui clôt le concert.

Ainsi se terminent trois heures de concert et les musiciens peuvent être fiers de leurs efforts pour satisfaire le public. Que l’on soit un ancien ou un nouveau conquis, que l’on apprécie l’intégralité du spectacle ou que l’on se sente trahi par l’évolution du groupe, il serait malhonnête de ne pas reconnaître le travail accompli par Dream Theater, et son envie de faire plaisir à ses fans.