Hellfest 2013

11/08/2013

Open Air - Clisson

Par Marjorie Coulin

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Marjorie Coulin

Site du groupe :

Un festival qui ne cesse de grossir, que ce Hellfest. Pour la deuxième année consécutive, le rendez-vous français annuel des amateurs de musiques extrêmes se tient sur un site élargi à six scènes. Pour conséquemment plus de progressif ? Malheureusement les mathématiques n’ont que peu de pouvoir dans la programmation d’un festival. Ceci dit, l’affiche présente cette année un petit regain de complexité et d’innovation suffisante pour qu’on vous en dise deux mots.

Grossie par à-coups, l’organisation du Hellfest semble essayer d’apprendre de ses erreurs et propose des améliorations constantes. Cette année par exemple, la scène de la Warzone, précédemment située sur un terrain en cuvette perpétuellement humide, a été éloignée de quelques dizaines de mètres et dépouillée de sa tente, permettant l’écoulement du trop-plein de boue. L’espace restauration a également été revu, centralisé, et malgré quelques couacs, le système qualitatif mis en place fonctionne, éliminant les stands les moins respecteux des festivaliers. La gestion des flux, au regard de la surface proportionnellement réduite du festival, est bonne. Afin de réduire les déplacement, l’organisation s’est enfin ouverte à certaines idées anglo-saxonnes, tels les serveurs mobiles de boissons.

A l’image de ces évolutions positives, certains groupes en pleine ascension nous ont laissé un souvenir particulièrement bon, à l’instar des jeunes Français de T.A.N.K. qui ouvrent l’Altar samedi matin avec une joie non dissimulée de réaliser enfin un rêve, ou encore Between The Buried and Me, au jeu complexe pas forcément accessible au plus grand nombre, qui avec leurs cinq morceaux sur cinquante minutes de scène en access prime time parviennent à ne pas perdre leur public, voire à le conquérir grâce à un son d’excellente qualité (c’est assez rare sous une tente pour le noter).
Leprous réveillent quant à eux la Temple d’une belle manière dimanche matin. Un concert d’ouverture ne peut être mieux réussi quand il attroupe les festivaliers dès 10h30 du matin. Avec son petit set de trente minutes, les Norvégiens le prouvent d’une belle façon et font la part belle à leur dernier album Coal. Vocalement en forme, Einar Solberg se pose sur une balance somme toute correcte. On regrette juste que Maître Ihsahn n’ait pas daigné apparaître sur « Thorn » pour un featuring qui eût été du meilleur goût.

Hors propos mais notables tout de même, on remarque Ghost et ce rock-zombie tout simple qui se vrille irrémédiablement en tête, portés par une prestation scénique théâtrale sur le thème de l’Anti-Pape (de quoi donner du grain à moudre aux opposants du festival !), l’omniprésence de Phil Anselmo, qui assure son propre set, un set « all-stars » en remplacement de Clutch et un certain nombre de guests, ou encore le retour gagnant de Korn qui semble avoir scéniquement reconquis un public qu’il avait laissé dubitatif avec sa précédente tournée.

Certains groupes quant à eux ne surprennent même plus en démontrant la maîtrise de leur sujet.
Riverside ne partait pas gagnant en ce dimanche après-midi. En plus de distiller une des musiques les plus soft du festival, les Polonais sont programmés à l’heure de la sieste ! De nature peu prolixe, le groupe parvient pourtant à captiver la foule, intéressée par un son ciselé et une technicité irréprochable. En pleine promotion de Shrine of New Generation Slaves, Riverside offre une setlist raccourcie par rapport à celle offerte en tournée quelques mois auparavant, mais par conséquent parfaitement maîtrisée.
A peine une heure après, c’est au tour d’Ihsahn d’asseoir sa maîtrise, secondé par son groupe de scène en plein gain de confiance et déjà échauffé d’avoir joué le matin même. Ihsahn fait à nouveau montre de toutes les ressources de sa discographie solo, tantôt agressive, tantôt délicieusement expérimentale. Le public est comme à la messe, attentif et immergé, d’abord sur « On The Shores », puis « The Paranoid » ou encore « The Grave », mais une certaine frustration se fait sentir à l’annonce de l’écourtement du set de dix bonnes minutes après seulement six morceaux.

Quelques bières s’écoulent avant que Gojira ne prenne en main la Mainstage. La métaphore du rouleau compresseur, usée jusqu’à la corde, est pourtant ce qui vient immédiatement à l’esprit au plus honnête spectateur. Rôdés, sans réelle surprise, mais par là-même extrêmement stables dans un jeu prouvé efficace, ils écrasent la scène avec un set faisant la part belle à l’ensemble de leur discographie (« Flying Whales », « The Heaviest Matter of the Universe », « L’Enfant Sauvage »…). Le concert atteint un pic d’intensité lorsque, aidé par la densité de foule encore supportable en ce début de soirée, se forme sur « Wisdom Comes » un wall of death tel que le Hellfest en a rarement vu.

C’est à Symphony X que revient le défi de passer après Gojira. Dans ces conditions, la cassure est nette : Russel Allen se démène comme un beau diable, promenant ses presque deux mètres de charisme d’un bout à l’autre de la scène, mais la prestation du groupe donne une impression décousue, à l’image de leur son, très inégal pour une Mainstage. L’ensemble du set en donne malgré tout pour son argent au fan avec une setlist puissante mais quelque peu réchauffée de leur dernière tournée de 2011, un soupçon d’Iconoclast en plus.

Les anciens fatigueraient-ils ? Whitesnake, deux jours plus tôt, boosté par un créneau tardif échangé avec Twisted Sisters, ne parvient pourtant pas à unanimement convaincre. Oh certes, le son est bon, la technicité est toujours là, le répertoire est accrocheur, Mais David Coverdale en fait désormais trop pour sa voix.
Kiss également, du haut de son show surdimmensionné attendu par la foule la plus compacte qu’il ait été donné de voir sur le festival, laisse sceptique. Sur un spectacle de cette taille, le moindre détail grippe la mécanique. La façade est bien là, mais certains détails poussent à la méditation sur le thème des lauriers sur lesquels on préfère se reposer.

On ne peut s’empêcher de faire le parallèle entre les facteurs de décélération constatés chez certains groupes et le festival dans sa généralité. Trop engoncé dans ses vignes pour de trop grandes ambitions, même s’il est admis que l’expansion du site ne peut se faire indéfiniment faute de terrain disponible, le Hellfest est destiné à s’affaisser s’il ne revoit pas certaines choses.
Les festivals français, c’est notoire, ne sont pas doués pour le dimensionnement de leurs commodités. Mais à ce point ? Il est à parier que les festivaliers accepteraient de renoncer à quelques groupes en échange de financer des toilettes supplémentaires. Supprimer le système de tickets, qui, en plus de ne pas être sain environnementalement parlant (combien de paillettes de plastique par terre à la fin du festival ?), permettrait, en proposant la gestion de la boisson à des professionnels, de mieux gérer les coûts et de réallouer des bénévoles à des tâches déficitaires (accueil, propreté…).

Le Hellfest est un festival devenu très rapidement énorme. Sa programmation est excellente, son ambiance irréprochable, mais il souffre de son sous-proportionnement. La jauge est atteinte et se régule grâce à l’attractivité variable de ce qu’il offre. Certains regrettent même le site d’il y a deux ans car les compromis concédés par les festivaliers étaient alors plus rares et l’« effet marathon » moins présent. Mais le Français est râleur, c’est également un fait. Alors longue vie au Hellfest, faites de votre mieux, et bravo pour ce beau bébé !