Tubular Bells

28/07/2013

La Cigale - Paris

Par Christophe Manhès

Photos:

Marjorie Coulin

Site du groupe :

Setlist :

Tubular Bells 1 & 2

Est-il encore besoin de présenter Tubular Bells de Mike Oldfield ? Jamais surpassée — sinon peut-être deux ans plus tard par Ommadawn du même Mike Oldfield —, cette pièce est certainement une des œuvres les plus emblématiques du rock progressif des années soixante-dix. Elle contient quelques un de ces hymnes qui collent à une époque au point de lui être indissociables. Pourtant ce serait une erreur de croire que Tubular Bells est une musique du passé, car, à l’opposé des créations post-seventies d’Oldfield, son expressivité démontre une remarquable résistance aux stigmates du temps. En fin de compte, cette pièce ne se rattache qu’à sa propre mythologie, séculière et sans âge. En attendant un retour discographique pour cette année 2013 — très « rock » selon les dires du musicien —, le concert Tubular Bells, For Two est surtout une aubaine : celle de replonger dans cet album qui depuis des lustres n’est plus joué sur scène dans son intégralité. Mais c’est aussi l’occasion d’assister à un tour de force. Ce mille-feuille musical fruit des toutes récentes technologies de son époque — en l’occurrence celles des studios du label Virgin dont Mike fera la fortune — sera interprété par seulement deux hommes-orchestre. Haute voltige assurée !

Sur la scène, deux blocs d’instruments se répartissent l’espace avec, à l’arrière, fiers et rutilants, les fameux chromes des tubulars bells. Sur fond d’extraits floydiens entrent les deux jeunes Anglais, Aidan Roberts et Daniel Holdsworth. Bienvenue dans les seventies ! Durant cette première partie on est d’emblée surpris par les efforts des musiciens pour se rapprocher au plus près du son original de l’album. Mais également par les acrobaties étonnantes avec lesquelles ils interprèteront l’intégralité de ce Tubular Bells. Il faudra d’ailleurs au spectateur un peu de temps pour se laisser porter par la musique tellement l’exercice semble périlleux.
Fidèle au modèle, le binôme nous fait redécouvrir avec efficacité les qualités inusables de cette partition en proposant un show aussi virtuose que drôle grâce au sens de l’humour « so british » de l’extravagant Holdsworth. Intense et très attendu, le célèbre et magnifique boléro final achève cette première partie sur une superbe performance des musiciens. Il n’était pourtant pas évident de restituer cet écheveau instrumental. Les puristes comme les béotiens partageront leur enthousiasme par une belle salve d’applaudissements.

Oldfield ayant à l’époque exploité jusqu’au bout les techniques d’overdub des studios Virgin, la difficulté d’exécution de la face b de l’album se fera un peu plus nette dans la seconde partie du concert. Aussi les Britanniques prendront davantage de libertés qu’en première partie et joueront avec un son plus brut pouvant rappeler les explorations krautrock des années soixante-dix. On est loin de la vision new-age avec laquelle trop de fades suiveurs ont prolongé la beauté des premières œuvres de Mike Oldfield. Ce parti-pris presque rustique collera assez bien à la virulence des passages parmi les plus énergiques que le barde anglais n’ait jamais écrits. Même s’il donne parfois l’impression d’être brouillon, derrière sa batterie Holdsworth se démène comme un fou, soutenu par un Roberts lui aussi déchaîné. Ils seront d’ailleurs chaudement applaudis avant même d’entamer le dernier et splendide mouvement. Sa touche finale, gaie et enlevée, apportera un étonnant contraste à la plénitude précédente.

Aidan Roberts et Daniel Holdsworth ont montré qu’ils étaient d’authentiques et talentueux admirateurs de Tubular Bells auquel ils ont rendu un hommage inédit, apparemment contradictoire car aussi respectueux que décapant, apte à séduire les nostalgiques et satisfaire les esprits plus contemporains. Bref, ils ont trouvé la formule magique.
En pleine ovation un spectateur réclamera avec humour que les Anglais s’essaient désormais à jouer l’impossible Amarock, une des œuvres les plus atypiques jamais enregistrées dans le rock. Difficile à imaginer évidement même si ce soir nos deux musiciens ont d’ores et déjà brillamment relevé un sacré défi.