Meshuggah

16/12/2012

Bataclan - Paris

Par Florent Canepa

Photos:

Marjorie Coulin

Site du groupe : www.meshuggah.net

Setlist :

Obsidian / Demiurge / Pravus / Combustion / Glints Collide / Lethargica / Do Not Look Down / The Hurt That Finds You First / Mind's Mirrors / In Death - Is Life / In Death - Is Death / Bleed / New Millennium Cyanide Christ / I Am Colossus / Rational Gaze / Future Breed Machine // Dancers to a Discordant System / The Last Vigil

Quand le film télé se lance dans les foyers, que le manteau hivernal a envahi la ville, quand on est un dimanche soir sur la terre, il est toujours intéressant d’aller se faire essorer la tête avec le metal complexe et nerveux de Meshuggah.

En attendant, d’autres Suédois, les CB Murdoc font ce qu’ils peuvent pour intéresser la foule encore maigre. Peu de moments d’extase à offrir cela dit dans ce thrash metal décomposé au sein duquel la basse est annihilée. Curiosité : un homme tout droit issu de la new wave semble s’être infiltré dans un groupe metal avec son clavier Nordlead. De temps en temps pointe un chant guerrier sympa qu’égratignent quelques bons riffs.

On passe aux choses sérieuses avec Decapitated, on le dit déjà, bonne surprise de la soirée. Dès le deuxième titre, ça ne fait pas que décapiter, ça groove. La seule guitare (agrémentée de quelques échantillons) suffit à remplir un espace qui côtoie coude à coude Slayer ou Machine Head, leur donnant une allure entraînante malgré l’enveloppe death. Plus lumineux que Cannibal Corpse auxquels les Polonais sont souvent comparés. Le récent nouveau chanteur a l’occasion de se distinguer. Vainqueur, fier, Decapitated fait oublier la chauffe de salle en créant dans la soirée une presque double affiche.

Pourtant c’était eux que l’on venait voir… Les lumières s’étoffent, le décor jusqu’ici invisible se révèle complètement dès les premières notes graves d’« Obsidian ». Des tissus-tableaux d’une inspiration ésotérique et biomécanique chère à Giger reprennent la pochette du recent Koloss. Mathématiciens pour certains (“tu as vu le nombre de cordes qu’ils ont à eux tous ?”), apprentis sorciers pour d’autres (“ils n’ont pas réussi à rejouer un de leurs albums, c’est ça ?”), charlatans pour les derniers (“c’est quoi, l’intérêt ?”). Meshuggah, en concert, ne réconciliera personne. Il apprendra cependant à headbanger de manière asymétrique, jouira d’une basse implacable et pourtant très audible et laissera en tête un show laser et lumière vibrant. Les Suédois n’offrent qu’une vue partielle de leur dernier tableau (dommage ?) et laissent aussi à découvrir ou redécouvrir les albums précédents dans une bestialité et une énergie continue (« Rational Gaze », désormais classique de la déstructuration). Même si on évite toujours la surchauffe en cultivant l’aridité, la voix de Jens Kidman fatigue un peu. Métrique, métronomique, dévastatrice, la litanie de decibels qui a décidé de foudroyer le Bataclan ce soir a ses limites. Comme un besoin de respiration, qui donne à un groupe comme Tool des allures de bêtes scéniques. La vidéo, ici absente, joue peut-être un rôle clé pour les formations à la technique outrancière, donnant du relief. Mais Meshuggah vient comme il repart : brut, sans complexe. Le cerveau retient l’énergie, l’oreille le trouble auditif, l’âme s’est déjà envolée.