Motocultor Festival 2012

20/09/2012

- Theix

Par Marjorie Coulin

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Marjorie Coulin

Site du groupe :

En place depuis l’année 2007, le Motocultor Festival plante ses scènes en fin de saison estivale sur les terres bretonnes. Pour la deuxième année consécutive, les prairies de la commune de Theix (Morbihan) accueillent quelques milliers de festivaliers dans l’herbe grasse et la bonne humeur.

La thématique du festival, assez brutale en comparaison d’un évènement d’un plus large spectre (type Hellfest), ou plus grand public (type Vieilles Charrues) se prêtait jusqu’alors difficilement à une couverture par notre rédaction. Cette année cependant la programmation nous fait timidement de l’oeil. Ces quelques groupes progressifs ou décalés témoigneraient-ils de l’ouverture et de la prise d’ampleur de l’évènement ? Nous nous proposons d’y jeter une oreille.


Jour 1, Caffouillages et montée en température

Initialement prévue aux alentours de midi vendredi, l’ouverture du site prend plusieurs heures de retard. La raison invoquée tient à des imprévus dans l’organisation de l’équipe de secours. Les bénévoles secouristes ne sont semble-t-il pas suffisamment nombreux et doivent être secondés par les pompiers pour que le festival puisse ouvrir ses portes.
Globalement positifs, début de festival oblige, les festivaliers alignés à l’entrée tuent l’attente et se protègent comme ils peuvent du soleil qui cogne, rêvant à la boisson fraîche qui les attend à l’intérieur.

Deux heures de retard entraînent le chamboulement du passage des premiers groupes de la journée. Ataraxie et Miseducation of Masses se voient annulés, tandis que Trepalium, aidé par l’annulation d’Electric Wizard, est relégué au dernier créneau de la journée.

Les deux scènes côte-à-côte jouent en alternance et délivrent un son de qualité honorable étant donné la taille du festival. Seul le vent vient jouer les trouble fête, rendant le volume d’écoute aléatoire à une certaine distance.

Une fois lancée, la journée ne souffre plus de retards ni de problème visible. Elle s’enchaîne donc avec entre autres Cattle Decapitation, Devil Sold His Soul, Incantation. Une des surprises viendra alors de Stille Volk, groupe français qui distille une musique celtique au premier abord complètement hors-contexte, mais terriblement entraînante. Leurs instruments traditionnels, parmi lesquels la vielle à roue, ne manquent pas de fasciner l’auditoire habitués aux cordes plus conventionnelles.
Le duo Inquisition suit avec un black metal à l’ancienne au maquillage un peu déplacé en pleine journée. Puis viennent Seth et ETHS, deux groupes français aux front(wo)men charismatiques, ce qui ne manque pas de perdre les néophytes qui les confondent. Les vieux routiers de Corrosion Of Conformity entament la soirée avec un heavy metal pionnier qui rappelle Slayer à plusieurs occasions. Viennent KMFDM et la première prestation visuelle de la journée, avec force costumes industriels et look inimitable, sur une musique pionnière toujours aussi entêtante.
Arkona, tête d’affiche de ce vendredi, offre ensuite un pagan metal russe sautillant qui appelle à la danse tel Stille Volk plus tôt. Parfait pour faire oublier les courbatures de cette première journée !

En pleine promotion de leur dernier album H.N.P, les Poitevins de Trepalium cloturent la journée. Initialement prévus à quatorze heures, nul doute qu’ils gagnent au change. L’ambiance nocturne se prête par ailleurs bien mieux à leur death metal prog’ jazzy. Peut-être déboussolés par leur changement d’horaire, le groupe ne se montre pas aussi percutant qu’au Hellfest. Le groove fait néanmoins son effet et l’intervention de Yann Ligner (Klone) sur « Sick Boogie Murder » réhausse le tout.

Jour 2, rythme de croisière

Au deuxième jour la plupart des soucis rencontrés par les festivaliers la journée précédente se résorbent. L’attente à l’entrée du site est à présent un mauvais souvenir. En revanche le manque d’ombre se fait cruellement remarquer. Le site, à taille humaine (dix fois moins de visiteurs qu’au Hellfest) s’avère particulièrement agréable, pour peu qu’aient été prévues les protections solaires. Difficile d’imaginer qu’en ce week-end de canicule, malgré les trente degrés à l’ombre, la Bretagne est probablement l’endroit le plus frais du territoire national.

Tout comme aux précédentes éditions, le festival fait la part belle aux groupes français, et c’est dans cette veine que les coreux de Direwolves et les piliers du grind à la française Sublime Cadaveric Decomposition ouvrent les hostilités.
La scène du samedi est peu amène pour des oreilles délicates. Pour qui s’y aventure néanmoins, les accents d’extrême brutalité de Blockheads, la punk modestie des vétérans de The Adolescents, la charge tranquille de Crowbar sont autant de diversités musicales dont on ne peut que saluer la présence sur un festival. La place est d’ailleurs aux routiers de la musique en ce samedi soir, entre l’énergie toujours aussi incontenable de Napalm Death et le trash tout en couleurs de Municipal Waste.
Malgré une sonorisation mauvaise, Dark Tranquility propose un set travaillé et esthétique, et Mikael Stanne obtient avec facilité le répondant de la foule. Coroner prend également le public aux tripes par une intro émouvante (une conversation entre un passager d’un avion des attentats du 11 septembre 2001 et sa mère), et des ambiances recherchées, sombres mais puissantes, malgré un jeu de scène minimal.
Septic Flesh clôture la soirée avec un set hypnotique bien que sans renouvellement, au regret de beaucoup. Le charisme de Seth se répercute dans sa maîtrise du public, qui le lui rend bien, semblant le plonger par moments en transe. Refusant d’en échapper, ce dernier réclame finalement un rappel à cor et à cris, que le groupe devra refuser à contre-coeur, l’organisation lui ayant fait comprendre qu’elle manquait de temps.

Jour 3, apothéose

La troisième et dernière journée du Motocultor Festival commence avec une curiosité musicale nommée Impureza. Le style « Flamencore » semble avoir été inventé pour eux, mais ne vous y trompez-pas, ils sont orléanais ! Entre arpèges sur guitare sèche, marracas, growl et blasts, le mélange a de quoi surprendre mais prend plutôt bien. Tant d’originalité si tôt dans la journée couplée à quelques difficultés techniques empêchent peut-être le groupe de complètement réveiller le public. Toujours est-il qu’ils auront appâté les curieux.
La matinée se poursuit avec les Toulousains de Oil Carter, qui achève de secouer les premiers arrivants avec un heavy sludge tout en riffs et pure énergie. Il est assez épatant de constater comme la chimie peut opérer dès lors que le groupe y met toute sa passion. Pour les fans de gros son à l’ancienne, Oil Carter est une excellente découverte à faire partager.
Un peu plus tard dans l’après-midi, les vieux briscards d’ADX entrent en scène avec force pyrotechnie et joie communicante. Leur bon vieux speed metal français fait mouche chez le public qui leur semble acquis.
A l’origine appelés en remplacement d’Exit Ten, As They Burn complète cette scène du dimanche décidément bien de chez nous. Avec force circle pits et walls of death, la recette prend parfaitement bien sur un public qui ne craint décidément pas le pogo sous une telle chaleur. Quoique, car il sera long à redémarrer sur Audrey Horne. Heureusement, le super-groupe norvégien en a vu d’autres et réveille l’intérêt à coup de duels de guitares et frontman déchaîné, qui sera le premier à oser descendre interagir avec les premiers rangs.

Changement de délire par la suite avec Pervert Asshole, qui comme son nom le laisse supposer est un groupe assumé de metal gore qui laisse le public osciller entre franche rigolade devant les personnages scéniques sortis d’un film d’horreur et incrédulité face aux divers accessoires et bandes son pornographiques. Un revirement total s’opère de nouveau une heure plus tard avec l’entrée en scène de Beatallica, venus tout spécialement des Etats-Unis, dont la spécialité est le mashup de morceaux de Metallica et des Beatles. Est-ce par le côté décalé des looks et costumes (époque Sergent Pepper), ou l’attention nécessaire pour saisir les références contenues dans les morceaux ? Toujours est-il que le public reste en grande majorité dans l’expectative et semble difficilement entrer dans le concept. L’ensemble, pourtant cohérent et souvent drôle, est subtile dans les arrangements et le matériel employé, et vaut la peine d’être curieux, quitte à réécouter la production du groupe au calme.

Le soleil rase la scène principale lorsque Myrath entre en scène, apportant un peu de magie à l’introduction de Tales of The Sands. Sa musique aux accents orientaux est clairement à l’opposé de ce qui a pu être entendu jusqu’à présent. A vrai dire cela a beau être technique, c’est reposant, malgré l’absence de leur clavier, retenu à la frontière… La quasi totalité de Tales of The Sands est interprétée avec dextérité et avec un son parfait. Un titre supplémentaire « Forever And A Day » leur est même accordé au bout de presque une heure de set.

Le public repasse alors à l’essorage avec le brutal death de Krisiun, puis à l’étendage avec les vétérans français de Nightmare. Eux qui avaient déjà participé à l’édition 2010 du festival font profiter le public de leur dernier album, entre excellent son et une prestation scénique au millimètre, voire précalculée.
Enfin, la nuit est tombée, ce qui sert à merveille le jeu sombre et lourd de Behemoth. Les interactions sont inexistantes, collant à la noirceur voulue par le groupe.

Avant qu’Immortal ne conclue le festival par un set de crabcore empreint du grotesque charismatique qu’ils devraient breveter, Textures vient asséner l’ultime part de technicité frénétique propre au djent. Une partie du public encore debout s’est déjà placée pour Immortal, regardant le set de loin, mais les afficionados sont bien devant, entretenant le pogo avec ardeur. La voix de Daniël De Jongh fait oublier les reproches qui avaient pu poindre lors du remplacement de Eric Kalsbeek. Chant clair et growls se collent parfaitement aux morceaux anciens comme récents. L’ensemble des musiciens dégage une belle énergie tendant à occulter la complexité de leur partition. Malgré un son un peu brouillon par moments, l’expérience reste auditivement délectable.


C’est ainsi que nous quittons ce petit festival qui monte qu’est le Motocultor. D’après l’équipe (et c’est aussi notre avis), l’édition 2012 a été couronnée de succès en termes de fréquentation et d’organisation globale. Nul doute que les leçons seront tirées pour éviter les quelques couacs que nous avons croisé en chemin, et que l’ampleur progressive de l’évènement y contribuera grandement. Nous ne pouvons que le leur souhaiter.