Ange - Moyen-Âge

Sorti le: 16/05/2012

Par Jean-Philippe Haas

Label: Art Disto

Site: www.ange-updlm.com

N’en déplaise à ceux qui pensaient que la tournée « La Quarantième Rugissante » allait enfin mettre un terme définitif à sa carrière, Ange revient encore et toujours, avec un disque nourri de la même sève depuis Culinaire Lingus. A ceci près qu’entre-temps, Caroline Crozat s’en est allée explorer d’autres horizons moins mouvementés que ceux d’un groupe de rock, après une dizaine d’années de bons et loyaux services. Quid alors d’un Moyen-âge dépourvue de touche féminine ?

Ange a atteint ces dernières années un savant équilibre, proposant un rock moderne et souvent concis, sans pour autant renier la dimension théâtrale et plus développée de sa musique. Ce nouvel album ne bouleverse pas ce subtil dosage et commence par draguer le curieux, le réticent, le paresseux qui a besoin de chansons faciles à digérer pour se laisser entraîner à la suite des troubadours francs-comtois. A l’instar de « Tous les boomerangs du monde » sur Souffleurs de vers ou de « Hors la loi » sur Le bois travaille même le dimanche, « Tueuse à gages » fait figure de single attrayant, auquel s’enchaînent quelques titres non moins engageants. Mais dès « Opéra-bouffe ou la quête du gras », il semble évident qu’Ange n’ait pas escamoté ses ambitions artistiques. Les huit parties de Moyen-âge, soit deux bons tiers de l’album, constituent le décor d’une pièce où l’obscurantisme et l’aliénation de l’homme occupent le devant de la scène, tandis qu’en coulisses, le rêve et l’espoir, momentanément évincés, préparent leur retour.

Plus acide et poétique que jamais, Christian Decamps s’attaque aux absurdités du monde, déclamant avec toute l’emphase et la sincérité qu’on lui connaît les mots qui ont surgi sous sa plume éloquente. Si la voix du père, relayée çà et là par celle plus douce de son fils, ne trouve plus l’écho féminin, incarné autrefois par le séduisant contrepoids de Caroline Crozat, le message passe malgré tout, parfois en force, souvent par la puissance de la métaphore. Quant à la musique, bien qu’elle ne respecte pas toujours les canons de son époque, elle colle à la plume du poète. Elle s’exprime sans fioritures (« Camelote », « Le cri du samouraï », « Les clés du harem ») ou se fait plus nuancée, toute en atmosphères changeantes (« Entre les gouttes »), hypnotique et angoissante (« Un goût de pain perdu »), renouant même parfois avec les titres épiques qui ont fait l’histoire du groupe (« A la cour du Roi Nombril »).

Vétéran parmi les vétérans, la bande à Decamps est toujours debout après les nombreuses péripéties qui ont animé sa carrière, et peut se permettre de faire la nique à toute la scène rock française. Vous qui marchez dans l’obscurité, il n’est pas trop tard pour vous laisser éblouir, quelque part sur la route, par la lumière de l’Ange !