Vincent Cavanagh (Anathema) – Retour en hâte ?

Rencontre avec Vincent Cavanagh, chanteur et guitariste de la fratrie Anathema qui vient déjà nous proposer une suite au très réussi We’re Here Because We’re Here. Leur nouvel album, Weather Systems, très proche, trop diront certains, est aussi annonciateur d’un concert à venir au Bataclan qui dévoilera toutes les facettes du groupe.

Chromatique : Il semble que vous ayez désormais trouvé un bon rythme de croisière car le groupe donne à nouveau des nouvelles avec l’album Weather Systems.
Vincent Cavanagh :
En réalité, le processus ne s’arrête jamais vraiment chez nous. Avec Danny, on écrit constamment, on parle des morceaux, de nos projets. Je pense déjà à ce qu’on va faire après cette sortie-là. A chaque fois que nous sortons quelque chose, cela nous relaxe par rapport au fait d’essayer de nouvelles choses. C’est le cas en particulier avec nos deux derniers albums, qui sont, selon moi, totalement liés. Le prochain, en revanche, nous le savons déjà, sera pour le coup très différent ou en tous les cas, sans rapport immédiat. La naissance des nouveaux titres trouve ici son origine dans les sessions d’enregistrement de We’re Here Because We’re Here. Il y avait quatre pistes, selon nous indissociables, qui ne pouvaient pas rentrer sur le précédent disque et qui nous ont donc servi de base pour la création du nouveau. Parfois, on arrive en studio avec des arrangements très aboutis.D’autres fois, en revanche, on fait des essais, on improvise sur un début d’idée, en petite équipe. C’était le cas pour « Internal Landscapes », tout de suite identifié comme un morceau de clôture. Ces cinq premières chansons nous ont donné une vraie dynamique pour bâtir le reste.

Comment s’est passé cet enregistrement ? Il y a plusieurs étapes chez Anathema, étant donné que tout le monde n’est pas présent dès le début…
On a démarré à Oslo, là où habite Christer-Andre Sederberg qui a produit l’album. Nous n’avons pas fait de répétitions, car chaque musicien habite un pays différent ; on s’est donc lancé tout de suite. Christer-Andre nous a donné la vision de ce que nous allions construire, comment nous allions jouer ceci ou cela. Il faut dire qu’un certain nombre de textes et d’harmonies de voix n’avaient pas encore été écrits, on fonctionnait donc de manière très spontanée, d’autant plus que nous étions en petit comité, Danny, John et moi. Puis on est allé dans un grand bunker au nord du pays de Galles. Là, pas de lumière du jour, on y dormait même, c’était l’immersion totale. On avait les studios tout le temps à disposition et on travaillait à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. C’était vraiment intéressant de séparer la création de l’album en deux, comme un souffle différent. On a aussi pris deux semaines avec Lee pour enregistrer ses voix. Cela nous a offert plus de temps pour expérimenter des choses.

Effectivement, Lee Douglas semble être beaucoup plus présente sur ce nouvel album. Cela correspondait-il à une vraie volonté ? Cela fait finalement un petit moment maintenant qu’elle fait partie intégrante du groupe.
Elle a eu, en effet, une présence de plus en plus importante sur scène. Elle participe complètement au son d’Anathema aujourd’hui. Il nous a semblé logique de l’intégrer de manière plus conséquente sur l’album. L’idée n’était pas de la contraindre à un ou deux titres mais d’essayer pas mal de choses, d’autant plus qu’elle a été présente pendant les dernières semaines d’enregistrement. Avant, elle ne venait qu’un jour ou deux pour enregistrer ses parties. Et en plus, je crois que cette expérience, le fait de prolonger le temps du studio, lui a bien plu. Elle pouvait chanter tranquillement en pyjama (rires).

En regardant la pochette, et au vu du titre, on a presque l’impression que Weather Systems est un pamphlet écolo. En fait, pas forcément. Peux-tu nous en dire plus?
En réalité, cela parle de nos paysages émotionnels, notre climat « interne » si l’on veut. La pochette est un peu surréaliste, c’est plutôt une métaphore de ce que nous ressentons. Ce n’est pas un concept album bien sûr, mais les émotions sont connectées entre elles, entre les morceaux. Le seul titre qui est un peu à part, c’est « The Lost Child ». Il vient d’un rêve, qui trouve ses racines dans la réalité. Danny est venu dans ma chambre, une nuit, à quatre heures du matin, avec en tête l’image d’un garçon sifflant un air. Il se souvenait de ce rêve très intense ainsi que de l’air en question. La mélodie a donné le début du morceau. Les paroles sont venues ensuite, racontant l’histoire. Danny est très instinctif quand il écrit, et c’est passionnant de le voir à l’oeuvre. Il voulait que ce soit moi qui l’écrive mais c’était à lui de retranscrire ce qu’il avait vu. Quand le morceau a eu la forme exprimant ce qu’il avait vu et ressenti, on peut dire qu’il était achevé.

Vos chansons et votre son semblent être de plus en plus accessibles, parfois même pop. Seriez-vous devenus trop propres ?
Tu aurais du entendre We’re here because we’re here avant que Steven Wilson n’arrive : c’était vraiment chaotique, le son était très brut. Il a apporté toute sa connaissance pour rendre l’ensemble et chaque instrument en particulier bien audible. Cette fois-ci, Christer était là dès le premier jour. Il a su parfaitement comprendre ce que nous voulions exprimer créativement en studio. Il savait obtenir le son de guitare ou de voix qu’il voulait. On devait juste s’assurer de bien l’interpréter. C’est la raison pour laquelle nous sommes arrivés à quelque chose de très pur, très propre dans la production. Au niveau créatif, maintenant, on n’a jamais considéré appartenir à un genre. On essaye de ne pas réfléchir en ce sens. A la fin, tel morceau aura un rythme plus linéaire, les lignes vocales sonneront différemment de ce qu’on attend mais si on s’aperçoit qu’il est trop « typique », souvent on l’abandonne. En tous les cas, le processus est très naturel. « The Storm Before The Calm » a une construction assez étonnante par exemple. On veut sonner comme Anathema, car je ne passe pas du temps à me comparer à un autre groupe, ni même à comparer les groupes entre eux. Les règles ne sont pas établies à l’avance.

Vous tournez avec Amplifier, qu’on aime beaucoup chez Chromatique. Vous les connaissiez avant ?
On les connaît depuis quelques années, nous faisons tous deux partie de l’écurie Music For Nations. C’était le bon moment : notre agent, qui les gère également, nous a suggéré l’idée et on a trouvé ça parfait. J’ai toujours pensé qu’il y avait un aspect très collaboratif dans une tournée. Il n’y a pas juste le groupe tête d’affiche et la première partie mais un vrai effort commun. Ce fut le cas avec Anneke Van Giersbergen et Petter Carlsen qu’on connait bien, ils font même partie de la famille. Et là encore, tout le monde est là pour les mêmes raisons : passer une super soirée ! Nous avons donc une responsabilité dans le fait que tout le monde passe un bon moment (rires).

As-tu eu des coups de coeur récemment, des choses que tu as découvertes et qui te plaisent ?
En fait, j’écoute beaucoup de musique instrumentale depuis quelques années. En plus, j’ai eu un problème informatique qui m’a tout simplement privé de mes trois dernières années de musique… Ca m’a frappé, c’était comme une révélation. J’ai un peu arrêté d’écouter des groupes pour passer plus de temps à écouter des bandes originales de film, des musiques sombres, un peu atmosphériques. On compose d’ailleurs avec Danny des choses plus proches de cela, hors du cadre d’Anathema. Il faudrait qu’on collabore avec un réalisateur qui soit en symbiose avec ce type de musiques, un jour. Concernant les groupes, j’ai découvert Gazpacho que j’apprécie beaucoup avec leur morceau « Black Lily », j’adore la voix du chanteur. Il y a plein de choses à écouter mais on doit aussi revisiter les choses du passé. J’aime bien aussi Deadmau5, qui bénéficie d’une qualité de production incroyable et de mélodies imparables. Ou encore Boards of Canada qui offre des amplitudes mélodiques très fortes.