High Voltage Festival

25/08/2011

Victoria Park - Londres

Par Martial Briclot

Photos:

Marjorie Coulin

Site du groupe :

(Article écrit conjointement avec Dan Tordjman)

En cette deuxième journée au pays de Freddie Mercury et d’Abbey Road, le soleil délaisse la lune pour fricoter avec Victoria Park. Ainsi, le site baigne dans la chaleur et la lumière, conditions parfaites pour apprécier à sa juste valeur la savoureuse mise en bouche servie par Pallas. Le gang d’Aberdeen, bien que chargé d’ouvrir les hostilités, s’exécute devant un large parterre de fans acquis à sa cause. Hélas, force est de constater que ce concert, somme toute très plaisant, nous a laissé un goût mi-figue mi raisin, la faute à des soucis d’ordre technique entachant le set des Ecossais. Qu’à cela ne tienne, le nouveau chanteur Paul Mackie, véritablement déchaîné, a fait le show aidé par Graeme Murray et Niall Mathewson, tous deux intenables. Faisant la part belle à XXV leur dernier album studio, le groupe clôt son set avec « Arrive Alive » et quitte la Prog Stage sous les applaudissements en dépit des pépins sus-mentionnés.

Robert John Godfrey, maître à penser de The Enid, investit ensuite pleinement la scène. Les trente petites minutes accordées aux anglais n’auront pas suffit à éroder l’ambition de celui qui fût au départ l’arrangeur symphonique de Barclay James Harvest. On dénombre ainsi jusqu’à seize musiciens sur scène lors de l’épique « Something Wicked This Way Comes » puisqu’un quatuor de cuivres s’ajoute aux choristes intervenant ponctuellement. Leur rock symphonique frôle régulièrement les limites de l’emphase pour pénétrer dans les sphères dangereuses du pompeux, mais le public ne leur en tient pas rigueur et savoure la générosité d’un spectacle bien trop rare, conseillé par Collin Leijenaar.

En tant que figure historique de la scène progressive Made in England, Curved Air possède un bon suivi en Angleterre, et il est justifié, tant les Britanniques parviennent à séduire avec leur prog Old School teinté de jazz. Difficile d’en décrocher, jusqu’à l’arrivée de Sonja Kristina dont le chant ne plait pas à tout le monde. « Back Street Luv » et « Vivaldi » furent les sommets d’un set bien ficelé mais gâché pour certains par la performance vocale de la diva.

Probablement une des plus belles sensations du festival, le show de Michael Schenker sur la scène Classic Rock restera dans les mémoires à plus d’un titre. Bien plus concentré sur son manche qu’occupé à étreindre la foule, ce n’est pas l’exubérance du guitariste qui nous marque, mais plutôt ses multiples guests couplés à une set-list « best of » permettant de décupler les temps forts. Le duo en compagnie du frangin Rudolf sur « Rock you like a Hurricane » nous met une première fois à terre, « Rock Bottom » continue le travail et l’orgie sur « Doctor Doctor » en compagnie des deux frères, de Jeff Scott Soto, Pete Way et Doogie White finit de nous achever. A l’image de nombreux concerts donnés ce jour là, l’expérience est malheureusement trop courte, mais efficace et inoubliable.

Le set de Michael Schenker bouclé, nous étions impatients de retrouver Mostly Autumn. Menés par Bryan Josh, les anglais délivrent un set immaculé. La jolie Olivia Sparnenn, qui a succédé au micro à la délicieuse Heather Findlay est attendue au tournant. Mission accomplie pour la belle blonde qui rayonne sur scène. Ses acolytes ne sont pas en reste : Anne-Marie Helder et Iain Jennings dégagent une sérénité étonnante derrière leurs claviers. Andy Smith est intenable, quant à Bryan Josh, il déborde également de charisme. Son coté sombre, placide et mystérieux tranche avec l’énergie déployée par Olivia Sparnenn. En trois quarts d’heure, Mostly Autumn illumine la Prog Stage avec ses classiques que sont « Evergreen  » et « Heroes Never Die » et un magnifique « Deep in Borrowdale ». A n’en pas douter l’un des plus beaux concerts du weekend, de quoi donner des sueurs froides à Spock’s Beard qui reprend le flambeau.

C’est un Spock’s Beard au visage inattendu qui monte sur la Prog Stage. Nick D’Virgilio étant engagé avec le Cirque du Soleil, c’est Ted Leonard qui prend la relève pour notre plus grand plaisir. Dès lors, l’association suscite intérêt et curiosité parmi les fans de la Barbe. Si certains sont sceptiques, d’autres paraissent conquis dès les premières mesures de « On A Perfect Day ». Le charme opère et la complicité est perceptible entre le groupe et leur chanteur intérimaire. Malgré cette bonne ambiance, un sentiment de frustration prédomine, car Spock’s Beard n’a droit, ce soir, qu’à seulement quarante-cinq minutes. De quoi faire rager les nombreux fans venus pour l’occasion. Les Américains ont cependant décidé de frapper fort et d’exaucer lors de « The Light » le souhait de tous leurs aficionados, en étant rejoints par Neal Morse lui-même. Une surprise de taille, grandie par l’émotion qu’elle génère tant cette réunion était attendue de tous. Neal Morse vient donc clôturer le titre phare de la discographie de ses anciens camarades. Pour que la fête soit complète, il fallait bien que « June » soit interprétée. Neal Morse et Spock’s Beard ont semble t-il entendu les vœux des fans et mettent ainsi un point final à un set, certes court, mais chargé en sensations fortes.

Deux années d’existence au compteur, deux albums réussis et un statut déjà culte outre-Atlantique. C’est un euphémisme de dire que Black Country Communion était fermement attendu au High Voltage. Et de déception il n’est ici pas question, Glenn Hughes pouvant se permettre de donner des leçons d’attitude et d’énergie à bon nombre de jeunes groupes croisés en premières parties ce jour-là. Confirmant que ses cordes vocales n’ont rien perdues de leur superbe, il enchaîne les tubes et donne presque trop de sa personne. Joe Bonamassa n’est pas connu pour son comportement rock’n’roll mais on aimerait qu’il prenne un peu plus d’envergure scénique, et se mette à déboutonner le col de sa chemise pour nous offrir un peu de spectacle. Son jeu splendide se suffit certes à lui-même, mais un équilibre reste à trouver. La reprise de « Burn » est en passe de devenir un passage obligatoire, mais étrangement personne ne s’en plaint. Au contraire, c’est la ferveur du public qui boucle ce show intense et ruisselant de feeling.

Incontestables prophètes en leur pays, les ménestrels de Jethro Tull offrent à la Prog Stage son plus large auditoire du weekend. Aqualung est le fil rouge d’une soirée parsemée de hits auxquels les anglais réagissent chaleureusement. Si le son est parfait, on regrette qu’en dehors de Ian Anderson, tout ce beau monde soit un peu statique. Leur prog accessible nourri de blues et de folk fait cependant mouche auprès des néophytes et la présence du « petit » bluesman à casquette, Joe Bonamassa, sur « Locomotiv Breath », restera un souvenir impérissable de cette journée.

Direction maintenant la Main Stage pour l’événement chargé de clore cette deuxième édition du High Voltage : le concert de Dream Theater Mark V. C’est au son du thème d’Inception que le gang de Long Island investit la scène principale et démarre avec « Under A Glass Moon ». Immédiatement, tous les regards convergent vers la batterie, derrière laquelle se tient Mike Mangini, désigné successeur de Mike Portnoy dans les circonstances que l’on connaît. En un coup de baguette et deux de médiator, toute interrogation est balayée quant à la au défi qu’engendrerait l’intégration d’un nouveau batteur au groupe. Cela faisait longtemps que nous n’avions vu Dream Theater aussi soudé et en forme que ce soir. A croire que la routine avait pris une place de choix, et qu’il était temps de la briser. Il n’y a qu’à le voir, pardon, l’entendre, le vocaliste, si souvent dépeint comme le maillon faible en concert, pour comprendre que les musiciens ne sont pas venus à Londres pour prendre le thé et beurrer des tartines. Ce soir, tout le monde sera contenté : tous les albums sans exception sont mis à l’honneur. L’artillerie lourde est donc de sortie, les New Yorkais sont même allés faire un tour dans leur grenier pour dépoussiérer cet exercice un temps prisé par Mike Portnoy, puis délaissé ensuite : le solo de batterie, épée à double tranchant : on aime ou pas. Quoi qu’il en soit, on est étonné de la présence du toujours fade « Forsaken » au milieu de ces perles que sont « Fatal Tragedy » ou « Peruvian Skies ». Comme annoncé avant le début de la tournée, « On the Backs of Angels » sera le seul titre issu du nouvel album à venir interprété ce soir. Parmi les pavés épiques du groupe, sont servis un somptueux « Great Debate » et un « Learning to Live » d’anthologie. Ce nouveau Dream Theater, qui paraissait fade au début, semble in fine avoir suivi une cure de jouvence. C’est donc sur une très bonne note que se referme ce High Voltage 2011. Cela laisse entrevoir un cru 2012 que nous espérons tout aussi prometteur. See you next year, London.