– On a écouté Heritage

En juin dernier Roadrunner nous a fait la faveur d’inviter la rédaction de Chromatique.net à l’écoute en avant première du prochain album d’Opeth, Heritage. Le texte qui suit révèle certaines lignes directrices et n’est qu’un simple ressenti. Nous ne donnerons pas là un avis définitif sur l’oeuvre. La chronique de Heritage paraîtra dans nos colonnes en temps voulu.

Nous étions prévenus, et pourtant, la surprise est grande. Mikael Åkerfeldt avait pris soin de préparer son public à une nouvelle orientation, ne se souciant guère des attentes suscitées par le successeur de Watershed. Son souhait : un album plus seventies dédié aux influences ayant forgé son âme d’artiste, moins metal, d’autant que le genre semble le lasser. Eh bien, nous voici en présence d’un album de pur rock progressif tirant par instants vers le hard rock traditionnel ! Oubliez la distortion et rangez les growls au placard. Le mellotron, la flûte traversière et la production vintage sont désormais les nouveaux jouets des Suédois. Nous avons devant nos oreilles une ode au psychédélisme, aux longues plages instrumentales planantes, conservant malgré tout cet art de la « cassure » propre au genre qui a également défini Opeth par le passé. Les changements d’ambiance et de tempos sont multipliés à l’envie et le spectre des King Crimson, Camel ou Jethro Tull revendiqués par Åkerfeldt n’ont jamais été aussi palpables.

La production semble d’un autre âge et on imagine sans peine le chevelu tenter de régler son système audio pour savoir si cette grosse caisse saturée ou cette guitare baveuse ne souffrent pas d’une défaillance technique. En soi, la reproduction de ce son unique dans les moindres détails, jusqu’aux limites de l’époque, est une petite performance qu’il s’agit de ne pas minimiser (Åkerfeldt nous révèlera d’ailleurs quelques secrets de fabrication dans une interview à paraître prochainement, ndlr).

Outre la propension aux tiroirs multiples, quelques indices supplémentaires nous permettent de confirmer la paternité « opethienne » : ainsi, la voix claire, aérienne et pure, ainsi qu’un retour fréquent à l’acoustique évoquant par instants Damnation, qui assume cependant un rôle globalement plus folk et épuré dans les harmonies. Le recours aux mélodies orientales reste un trait de caractère dominant.

Les musiciens s’écartent parfois du carcan purement progressif pour tenter quelques incursions appréciables dans le hard rock des années soixante-dix, évoquant tour à tour Deep Purple, Black Sabbath ou Led Zeppellin pour une petite poignée de morceaux plus immédiats, aux tempos plus rapides.

Il serait évidemment hautement présomptueux d’émettre un avis définitif suite à cette première écoute, car l’album en demandera de nombreuses autres pour en assimiler toutes les subtilités. Une conclusion s’impose cependant : rares sont les riffs et mélodies directement accrocheurs, la transmission de cet Heritage ne devrait donc pas s’effectuer sans peine.

Une question reste pour le moment sans réponse : ce revirement de style est-il une simple passade, un caprice artistique, ou un véritable tournant dans la carrière du groupe ? Seuls les mois à venir le diront, à commencer par la sortie de l’album le 19 septembre prochain.


Morceaux marquants :
– « Nepenthe », instrumental blackmorien dont un break surprenant évoque Vai et Zappa.
– « Folklore », très acoustique et mélodique, plus facile d’accès que la moyenne.
– « Slither », où Iron Maiden et Deep Purple s’accouplent étrangement. Très direct.
– « Famine », pour ses ambiances africaines et son hommage à Black Sabbath.