Hellfest 2011

18/07/2011

plein air - Clisson

Par Maxime Delorme

Photos:

Marjorie Coulin

Site du groupe : www.hellfest.fr

Devenu une véritable institution européenne depuis sa création en 2006, le Hellfest a su proposer au fil des ans une programmation éclectique de musique extrême. 2011 n’aura pas dérogé à la règle en affichant le dimanche une brochette de groupes résumant particulièrement bien les principes de Chromatique.net.

Malgré une très forte concentration de groupes intéressants le dimanche, le festival commence bel et bien le vendredi, notamment, avec la présence de Klone et de Meshuggah. En ce qui concerne les premiers, les Poitevins remarqués pour All Seeing Eye ont atteint la consécration avec la sortie de leur dernier album Black Days en 2010. Délivrant un metal progressif puissant aux aspects Tooliens, ils ont la malchance d’ouvrir le festival qui, comme tous les ans, est à la traîne pour l’entrée des spectateurs. En conséquence, le groupe, qui aurait mérité un meilleur accueil, joue devant un public clairsemé. Leur set, reprenant principalement les albums susmentionnés, se montre d’une clarté époustouflante malgré l’absence d’un Matthieu Metzger aux commandes électroniques. La partie se clôture sur leur désormais célèbre reprise de « Army of Me » de Björk, puissante et violente mais gardant autant de fidélité que possible à l’originale.

A la suite de cette prestation, c’est My Sleeping Karma qui se présente sous la tente Terrorizer. Il est absolument impossible de douter de l’éclectisme d’un festival de metal lorsqu’on assiste à un concert comme celui livré par les Allemands. Ils proposent aux spectateurs un stoner instrumental aux allures de post-rock particulièrement efficace. La présence du groupe sous cet espace (à propos duquel tous les spectateurs s’accordent à dire qu’il a un son époustouflant cette année) renforce le côté planant de la musique, proposant une ambiance plus sombre et plus intime, ajoutant un rien de réverbération au son prodiguant une profondeur abyssale à la musique. Résultat, l’auditeur est plongé, submergé dans un univers qui aura, sans aucun doute, surpris plus d’un festivalier.

Plus tard dans la journée, Meshuggah investit les planches de la seconde scène principale. Les Suédois étaient attendus au tournant pour cette édition du Hellfest. Déjà présents en 2008, ils avaient déversé leurs riffs ravageurs et décousus sur la foule quelques mois seulement après la sortie d’obZen, dernier album du groupe à ce jour. Trois ans plus tard, il est enfin assimilé et servi sur un plateau d’argent par le quintette, notamment par un démarrage spectaculaire à grands coups de « Rational Gaze ». Le concert brasse les grands classiques (« Straws Pulled at Random », « Future Breed Machine ») ainsi que les grands titres d’Obzen comme « Bleed » ou « Lethargica ». On peut reprocher tout de même aux musiciens d’être trop statiques. Seul Jens Kidman et ses yeux révulsés font le show. Par ailleurs, le léger sous-mixage de Fredrik Thordendal aura pour effet de faire complètement passer l’aparté mélodique de « Straws Pulled at Random » à la trappe. Regrettable. Pour autant, la précision et la technicité de la musique font de la troupe suédoise un incontournable du metal, et on ne peut plus véritablement s’étonner de l’empreinte qu’elle a porté au genre ces dernières années.

En dehors de ces trois groupes, l’essentiel de la ligne éditoriale se présente le dimanche, à commencer par Atheist sur la Mainstage 02 à treize heures. Les légendes du trash-progressif sont de retour après un passage très remarqué en 2007. Séparés de leur bassiste de l’époque (Tony Choy) mais affublés d’un nouvel album intitulé Jupiter les Floridiens de Tampa ont encore une fois joué la carte du show au Hellfest. Leur présence sur scène, assurée par un Kelly Shaefer en pleine forme, leur donnera la prestance nécessaire pour fouler les mêmes planches que Morbid Angel la veille. Cependant, gare aux non-techniciens car ce déluge de notes et de riffs ravageurs auront tôt fait de décourager les spectateurs en attente de quelque chose un brin plus mélodieux. Atheist reste comme toujours dédié à une certaine classe de spectateurs et ne s’ouvrira malheureusement pas de si tôt.

Les Allemands de The Ocean enchaînent immédiatement sous la Terrorizer Tent, forts de leurs deux nouveaux albums Heliocentric et Anthropocentric, jouant là pour la première fois au Hellfest. Tout comme pour My Sleeping Karma le vendredi, le lieu se prête particulièrement bien aux ambiances déployées par la troupe, à la fois fines et agressives, douces et violentes. L’atmosphère particulièrement prenante est magnifiée par un jeu de projections sur écran derrière la scène, nous plongeant dans des séquences animées particulièrement réussies et s’alliant avec grâce à la musique. L’alternance de violentes envolées électriques et de passages clairs dignes d’un album de post-rock, suivie de près par la sublime voix de Loïc Rossetti crédite le groupe d’une excellente consistance. Le jeu de scène bien présent, quoi qu’on préfère regarder l’écran, donne une seconde vie aux morceaux permettant au groupe de s’imposer sous la Terrorizer.

Les fans de musique progressive et de death metal retournent alors rapidement devant la seconde scène principale pour Orphaned Land. Les Israéliens, comme à leur habitude, mettent un peu de temps à se chauffer : musiciens en mal de rythme, chant peu assuré, il faudra quelques morceaux avant que la machine ne démarre. En revanche, une fois lancé, impossible d’arrêter ce mastodonte que Steven Wilson qualifiait « d’Opeth oriental ». Les morceaux particulièrement mélodieux appuyés par bonne humeur manifeste du groupe emballent la foule qui ne demande qu’à sauter pour suivre les acclamations de Kobi Fahri habillé de sa traditionnelle robe blanche. Les morceaux sont principalement tirés des deux derniers albums : The neverending way of the ORwarriOR et Mabool. Cerise sur le gâteau, une danseuse du ventre (recyclée pour Therion au passage), viendra charmer les spectateurs l’espace de quelques morceaux. Comme à son habitude, le groupe effectue pendant son set plusieurs appels à la paix dans le monde qui, soit dit en passant, donnerait une bonne leçon au sujet du Hellfest à certains medias français.

Retour en Suède ensuite pour les habitués du festival : Pain of Salvation. Après un passage en 2007 et 2009, la bande de joyeux lurons menés par le charismatique Daniel Gildenlöw présente un concert des plus classiques. On regrette le conformisme du set constitué des morceaux habituels (ceux de Road Salt One en plus) alors que le public averti aurait sûrement aimé quelques extraits de Road Salt Two, supposé sortir à l’automne et dont aucun morceau n’a pour l’instant filtré. Gildenlöw en profite d’ailleurs pour ressortir ses blagues classiques au public (« prog rock audience »), sentant légèrement le réchauffé. Néanmoins, malgré ces quelques tâches sur le tableau, il est toujours plaisant de voir les Suédois œuvrer sur scène, courir, jouer avec le public, quitte à ce que la musique en devienne un peu approximative (notamment sur un « Perfect Element » assez raté).

Sur la deuxième scène suit un nouvel aparté mélodique pour le Hellfest. Les Britanniques d’Anathema présentent pendant cinquante minutes des ballades, des ballades et … des ballades. La témérité du groupe se heurte ainsi à un public espérant probablement des morceaux plus pêchus. L’ambiance en demi-teinte est cependant contrebalancée par une interaction avec le groupe (quoique quelques morceaux soient nécessaires avant qu’elle se mettre en place), et les bonnes prestations des frères Cavanagh et de Les Smith au chant. Plus particulièrement, on remarque la « toujours-aussi-bluffante » interprétation de « A Natural Disaster » assurée brillamment. La partie se termine avec le très classique « Fragile Dreams » qui ne suffira pas à remonter le niveau d’un concert somme toute un peu plat.

Quelques instants avant Opeth, un autre ovni pour le festival se présente sous la tente Terrorizer pour l’avant dernier concert de la soirée. Les anciens d’Hawkwind ont visiblement du mal à démarrer leur spectacle, en proie à quelques soucis techniques. En revanche, une fois commencé, ils aspirent les spectateurs dans un tourbillon de couleurs et de musique psychédéliques. A défaut de projeter des vidéos correspondant à la musique comme beaucoup d’autres groupes, les Anglais présentent à chaque morceau deux « danseuses » habillées, voire déguisées. Ainsi les séquences science-fiction vont s’enchaîner au rythme des titres et l’univers bariolé captivera les spectateurs jusqu’à la dernière note.

Finalement, c’est aux stars suédoises d’Opeth de clôturer le festival à un horaire tardif, leur set s’étendant de 1h à 2h du matin. On y retrouve un Mikael Akerfeldt en forme malgré l’heure avancée qui nous sert son lot de blagues habituelles (allant jusqu’à faire passer Ozzy Osbourne pour une première partie très prometteuse). Le concert est absolument sans faute, ni de jeu, ni de son. La setlist pioche dans toute la discographie du groupe depuis Still Life enchaînant des morceaux phares du groupe (« Lotus Eater », « Grand Conjuration ») avec quelques ovnis bienvenus tels que « Face of Melinda » ou « Hex Omega ». On regrette, tout comme pour Pain of Salvation, l’absence totale de teaser pour Heritage sortant lui aussi à l’automne. Joakim Svalberg, le remplaçant de Per Wiberg est présenté au public lors de la dernière partie du concert et reçoit les acclamations d’une foule bienveillante quoique fatiguée. Bien que redoutant un peu de jouer en toute fin de Hellfest, comme ils nous l’avoueront en interview le lendemain, le groupe fut agréablement surpris qu’une foule énorme de fans et de curieux soit restée pour profiter de leur musique. Ils finiront ainsi dignement le festival, dans un déluge de morceaux à la fois techniques et mélodiques, n’ayant pas à pâlir devant les deux autres grands groupes jouant au même moment (Kyuss Lives! et Cradle of Filth).

L’édition 2011 du Hellfest aura proposé à son public un dimanche particulièrement progressif. Piochant dans tous les domaines du genre (mais pas seulement), les organisateurs ont su s’adresser une fois de plus à un auditoire varié et grandissant. Espérons que le changement de site prévu pour les prochaines éditions ne ternira pas la qualité de la programmation et que le festival continuera à proposer toujours plus de ces groupes audacieux qui font sa richesse !