Médéric Collignon

15/07/2011

Le Triton - Les Lilas

Par Martial Briclot

Photos: Mathieu Teissier

Site du groupe : www.myspace.com/medericollignofficial

Médéric Collignon n’hésite jamais à susciter la controverse et pousser les puristes à hurler au blasphème : en effet, bien rares sont les artistes qu’il n’ose aller chatouiller au travers de ses différents projets de relecture. Ainsi, après avoir arrangé et dérangé Miles Davis ou Ennio Morricone, il se frotte cette fois à celui qu’il nomme, non sans malice, le Roi frippé.

Si le Triton affiche complet, la scène est tout aussi saturée de musiciens. Entre l’espace pris par le maître de cérémonie, les deux quatuors à cordes et l’ensemble Jus de Bocse, on en vient à se dire que le prochain projet de ce trublion nécessitera d’abattre un pan de mur pour s’adapter à sa démesure.

Fier de son t-shirt multiréférentiel (un lézard… ressemblant fort à un Triton, sur fond rouge), Médéric Collignon a tôt fait de susciter l’adhésion en lançant un « Red » salvateur et jouissif, à partir duquel il ne cesse de se jouer du public et de ses attentes, se détournant des classiques pour mieux l’embarquer à bord de « son » Crimson. Tout juste nous accordera t-il un « 21st Century Schizoid Man », qu’il passe entièrement à la moulinette des cordes, façon express. On imagine que ces choix ont pu être en partie dictés par des contraintes artistiques, privilégiant les instrumentaux aux morceaux chantés, mais c’est l’impertinence et l’éclectisme de notre homme qui prédominent, celui-ci n’hésitant pas à titiller sans vergogne les albums post-1980. Certains, cherchant des repères (ou un vent frais venu de leurs jeunes années ?) auront pu être déçus, d’autres, les plus nombreux sans le moindre doute, se sont laissés convaincre, pour oublier rapidement le Roi au profit de son Fou, aussi incontrôlable qu’insaisissable.

Irréprochable dans son interprétation, le trompettiste et cornettiste défie Robert Fripp au corps à corps pour offrir un concert intensément électrique, pétri de sueur et de rock. Nul besoin de guitare : quelques effets choisis avec pertinence, un groupe solide et une bonne dose de créativité feront l’affaire. Dressant un majeur bien tendu aux conventions, Médéric Collignon surprend par un solo vocal, dans son style reconnaissable entre mille, mêlant chant, beatbox et air guitar. Les bégueules sectaires auront détesté, ils auront bien été les seuls.

En constante implication physique, Médéric Collignon creuse les sons et malaxe les harmonies, tout en dirigeant les cordes telles une extension de son propre corps. Il instaure une tension permanente et canalise les énergies pour transmettre à l’auditoire cette passion et ce plaisir quasi-charnel qu’il semble éprouver. Mission parfaitement remplie si l’on en juge par l’épuisement physique global au sortir de la salle, couplé aux francs sourires qui s’échangent.

Sans conteste, l’atout majeur de cet ensemble reste le Jus de Bocse lui-même, auquel le trompettiste semble vouer une confiance aveugle. Seul Philippe Gleizes, héritier de l’école Vander, retient quelque peu sa frappe, ce que la proximité des cordes explique sans peine. Les deux quatuors sont en effet à l’honneur, et amplement sollicitées pour des activités peu orthodoxes, chant ou soundpainting faisant désormais partie de leurs attributions. Seul regret, un mix qui ne leur fût pas toujours favorable mais que l’on pardonnera aisément étant donné les difficultés à sonoriser une telle formation.

Dans une démarche proche d’un Zappa, Médéric Collignon jongle avec l’humour, l’impertinence et la virtuosité pour offrir un spectacle pur, généreux et spontané. S’il est des instants rares que l’on souhaiterait reproduire à l’infini, cette soirée en fait indéniablement partie.