Matana Roberts - COIN COIN, Gens De Couleur Libres

Sorti le: 08/05/2011

Par Renaud Besse Bourdier

Label: Constellation

Site: www.matanaroberts.com

Matana Roberts fait partie de ces musiciens qui refusent de stagner ; saxophoniste et chanteuse, cette femme originaire de Chicago n’a qu’une envie, exprimer son désir de dépasser les frontières musicales du jazz. Peu connue du grand public, elle a su se faire remarquer par Constellation Records grâce à sa performance sur Yanqui U.X.O de Godspeed You! Black Emperor, le groupe phare du label. Bien décidée à se faire entendre sur la scène avant-gardiste jazz, elle monte le projet COIN COIN avec une belle troupe de virtuoses. Leur première production, enregistrée en live dans un studio de Montréal, s’intitule Gens de Couleur Libre.

Le groupe composé d’une vingtaine d’intervenants propose une musique hybride et informe, plutôt difficile d’accès mais qui dégage une énergie, une vie en plein cri d’existence qui méritent l’intérêt. Matana Roberts explique d’ailleurs que c’est son attitude vis-à-vis du jazz, oscillant entre attraction et répulsion, qui a fait de l’album un monstre difforme et évolutif.

Plus que du jazz, c’est un mélange délicieusement loufoque qui ne cesse de se réinventer au long des soixante minutes du disque ; on oscille entre passages atmosphériques très doux (« Lulla/Bye »), cacophonies infernales (« I Am »), swing à l’ancienne (le début de « Song For Eulalie »), délires avant-gardistes (« Rise »), et même une petite folie sur « Kersaia » qui pourrait être être reprise par le cirque Bouglione.

Toutefois, c’est la voix qui est au centre de Gens De Couleur Libre. Dans « Pov Piti » et « I Am », la saxophoniste commence par des hurlements à glacer le sang, avant de se calmer et d’entamer le long récit de l’histoire de l’Amérique noire. Et c’est lorsqu’elle chante que le côté terrifiant et dissonant de l’album s’apaise pour laisser place à la douceur et la mélancolie (« How Much You Would Cost » en fusion parfaite avec la contrebasse, mais surtout le génial « Libation for Mr Brown », sorte de gospel progressif entièrement dirigé par Montana Roberts).

Un projet ambitieux, une musique sans bornes, COIN COIN ne séduira pas tout le monde en raison de ses passages free jazz, mais reste tout de même très appréciable.