Ihsahn - After

Sorti le: 26/03/2010

Par Marjorie Alias

Label: Candlelight Records

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Il y a de ces musiciens, des personnages dont on sait très tôt qu’ils deviendront emblématiques et parviendront à ouvrir la voie, à donner naissance à une nouvelle identité musicale pour s’imposer sans difficulté. Ihsahn fait partie de ceux qui ont su acquérir ce statut particulier qui traverse les années, d’un projet à l’autre, multiples mais pourtant reliés, sans perdre leur essence. After vient ainsi clôturer la trilogie de ses travaux en solo. Le co-fondateur d’Emperor enfonce le clou et finira de convaincre les plus hermétiques. Bref, ceux qui estiment le groupe de black metal trop noir ou le projet Peccatum trop avant-gardiste risquent fort d’être à court d’arguments

Telle une lourde porte que l’on ouvre sans trop savoir ce qu’elle cache, After est une véritable invitation dans l’antre de son créateur. L’espace est aménagé, travaillé, calculé. Pourtant, sans attendre, une délicieuse sensation de lâcher prise s’immisce, mélange de suggestion et d’imagerie toute personnelle qui s’imbriquent ou se délitent, à mesure que l’on se laisse aller à vagabonder ou au contraire, totalement guider. Telle une bande son cinématographique, la musique d’Ihsahn sublime un univers sombre et grondant, mais également contemplatif et presque doux ; tour à tour palpable et enveloppant, il se fait distant et impénétrable alors qu’on pensait avoir trouvé ses marques.

Les invités de choix délivrent chacun leur part de talent au service de compositions qui s’appliquent à en extraire une âme, bien au-delà d’un aspect « démonstratif ». La guitare est à l’honneur, modèle signature huit cordes oblige, et le saxophone de Jorgen Munkeby (Shining) parvient à s’insérer dans un paradoxe clair-obscur en y ajoutant une touche mélancolique, théâtrale et passionnée. La voix, déchirée, déchirante parfois, sait se faire « conteuse » et habitée, portée sans nul doute par la même inspiration qui donne naissance à des compositions dont les mélodies subtiles frappent où ça fait mal. En outre, l’ensemble est parfaitement mis en valeur par la production.

En poursuivant la visite, des sentiments et inspirations divers assaillent, titillent, déroutent. De la rage excentrique et décadente suintant de « A Grave Inversed » à la tristesse inspirée de l’éponyme « After » ou « Undercurrent », aucun passage à vide ne vient rompre le charme noir qui envoûte jusqu’à la dernière note du final très dense qu’est « On the Shores » .

C’est à l’écoute d’un tel album que la définition de la musique « progressive » se fait tout à coup moins nébuleuse. Il impose sans doute possible le paradoxe d’une identité aussi affirmée qu’insondable, qui saura convaincre les amateurs de tous bords. Ihsahn s’affranchit de toutes les barrières et étiquettes, et offre ainsi une très belle leçon d’introspection créative. Le Norvégien sera présent au Hellfest cet été, un rendez-vous à ne pas rater afin de poursuivre l’expérience en live.