Saxon Shore - It Doesn't Matter

Sorti le: 29/01/2010

Par Mathieu Carré

Label: Broken Factory

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Un producteur peut-il faire de la musique sans musiciens, ou tout du moins, peut-il suppléer le manque d’inspiration de ceux-ci ? C’est sur cette grande question métaphysique que le groupe de post-rock Saxon Shore nous incite à nous pencher, tant ce dernier disque semble plus être le résultat de la mise en valeur d’un produit que de sa mise au point artistique. Dave Fridmann, autant le citer puisque son nom apparait avant même celui des membres du groupe quand on cherche à se documenter, a donc donné cet aspect rutilant et inoxydable à un album qui reste finalement d’une désespérante monotonie.

Si l’attente et la répétition font partie intégrante de cette musique qui se veut enivrante, il reste étrange de constater à quel point le manque d’inspiration peut devenir par moments caricatural. Deviner la fin d’un morceau de sept minutes au bout de trente secondes (« Tokyo 412 a.m. ») n’amuse qu’un moment, tout comme les petits larsens et divers signaux électroniques jetés en pâture pour déguiser trois accords. Si les cordes de « Small Steps » touchent au cœur, elles restent une rare éclaircie au cœur de l’album ; « Nothing Changes » rappelle furieusement un « November Rain » de Guns N’Roses qui tournerait en rond sans que jamais Slash n’envoie son gros solo, « Tweleven » tient un peu plus des années quatre-vingt et de groupes éthérés comme Cocteau Twins ou Shelleyan Orphan, mais conduit au même constat de fadeur générale.

Ce qui se révélait nouveau il y a quinze ans a déjà pris sa place dans la grande évolution de la musique : on peut offrir tous les liftings du monde à une vieille actrice, on lui préférera toujours la petite jeune aux joues roses. Certes, le public recherche aussi souvent ces grandes envolées prévisibles et majestueuses, et il reste facile de s’y perdre avec délices. Mais l’artiste ne s’accomplit qu’à travers la prise de risque et la nouveauté. Pour la reproduction et la multiplication, un artisan très doué suffit, et avec un producteur au nom brillant qui lustre le tout, c’est encore mieux.