ENTRETIEN : YES

 

Origine : Royaume-Uni
Style : classic prog
Formé en : 1968
Composition :
Benoît David – chant
Chris Squire – basse, chant
Oliver Wakeman – claviers
Steve Howe – guitares
Alan White – batterie
Dernier album : Magnification (2003)

C’est Alan White qui reçoit l’équipe de Progressia avant le concert de l’Olympia en ce 11 novembre. Petit tour d’horizon avec l’un des ultimes piliers du rock qui évoque avec pudeur le passé et évite soigneusement d’envisager l’avenir de la formation mythique.

Quelle est votre principale motivation aujourd’hui ?
Alan White
: On vient de terminer une tournée en Amérique, et après une courte pause nous voilà en Europe pour une tournée de six à sept semaines. On travaille plutôt dur car nous jouons six concerts sur sept jours. Donc on est fatigué et c’est peu de le dire. Du coup, même si des idées musicales germent, il faudra attendre le printemps pour avoir de nouveaux morceaux en route lorsque nous pourrons les mettre en commun.

Vous avez essentiellement tourné ces dernières années…
Lorsque Jon est tombé malade, nous n’avons pas pu tourner pendant un certain temps. Nous attendions encore et encore lorsqu’il a décidé finalement de se lancer dans un projet en solo. Du coup, nous avons pris une autre direction pour proposer quelque chose de nouveau. On ne peut pas attendre éternellement..

. Comme tu viens de le dire, vous êtes sur une tournée de six à sept semaines…
Six ou sept, oui. Je sais que je reviens chez moi le quatorze décembre, pour Noël ! (rires) Sinon, le groupe trace la route à travers l’Europe. J’ai beaucoup aimé tous ces pays et les gens que j’y ai rencontrés. Nous avons débuté par de l’Europe de l’Est avec la République Tchèque, la Pologne, la Slovaquie puis l’Italie pendant quatre jours consécutifs.

Comment trouves-tu le public en Pologne ? Vu d’ici, c’est un pays qui possède son lot de musiques progressives en terme de groupes et de labels.
J’adore la Pologne ! Dla première moitié de la tournée Magnification, nous étions accompagnés d’un orchestre polonais composé uniquement de… filles de vingt-sept ou vingt-huit ans avec seulement quatre garçons qui occupaient les postes de cuivres. Toutes et tous étaient très sympathiques. Nous sommes allées en Russie et en Scandinavie avec eux.

Cela fait près de quarante et un ans que tu vis entre le studio et les tournées. Cela t’excite-t-il toujours autant ?
Bien sûr ! Chacun de nous a la musique dans les tripes et nous en vivons. Créer de nouvelles choses… Yes n’a jamais été vieux dans l’esprit, on essaye toujours de réaliser du neuf et du différent.

Lorsque tu as débuté ta carrière, aucun de nous pa rexemple n’était né. Comment ressens-tu le fait que les nouvelles générations continuent à s’intéresser à votre musique ?
En Europe et en Amérique, nous avons trois générations présentes dans le public : des adolescents, de jeunes adultes et des personnes de quarante à cinquante ans. Je n’aime pas vraiment le terme, mais c’est une sorte de lavage de cerveau : lorsque les parents écoutent une musique tout le temps chez eux, les enfants finissent par l’écouter également.

Benoît David est votre nouveau chanteur sur cette tournée. C’est un changement radical en sachant que Jon était présent depuis les débuts de Yes ou presque. Quels ont été les retours du public ?
Nous avons fait deux tournées américaines aux Etats-Unis et au Mexique et le public a vraiment adoré Benoit. C’est vraiment un chic type dont la même voix est similaire à celle de Jon. C’est très agréable de travailler avec lui.

Comment l’avez-vous trouvé ?
Il faisait partie d’un tribute band au Canada dont Chris connaissait le bassiste. Ils se sont échangés des emails et des vidéos dont une de Benoît sur YouTube.

Vous souhaitiez donc retrouver absolument la même voix que Jon Anderson, quitte à dire que c’est un peu la marque de fabrique du groupe ?
Oui car sa voix fait partie du son Yes ! Si tu viens nous voir en concert et que tu fermes les yeux, tu ne pourras pas faire la différence. Il y a une très légère nuance entre les deux, mais tellement infime qu’il est difficile de la remarquer.

La manière dont vous avez dégoté Benoît est la même que celle selon laquelle les musiciens de Journey ont trouvé leur nouveau chanteur, c’est étonnant.
C’est le cas de beaucoup de groupes aujourd’hui. Neal Schon est le seul membre originel du groupe et il écrit tous les morceaux. Cest un bon ami, un chic type.

Après toutes ces années derrière la batterie, comment travailles-tu avec Chris vis-à-vis de la section rythmique ? Avez-vous toujours cette alchimie ?
Depuis quarante ans que le groupe existe et trente-huit ans que j’y joue, tu anticipes ce qu’il va faire, et vice-versa.

Est-il difficile aujourd’hui de choisir ce que vous allez jouer en concert tant votre discographie est conséquente ?
Ce n’est pas difficile car nous bénéficions d’un large répertoire. Nous n’avons pas encore joué en Europe avec ce line-up. Nous avons opté pour une sélection de titres dont certains sont connus et d’autres qui n’ont pas été joué depuis très longtemps tels que « Tempus Fugit » et « Machine Messiah » qui figurent sur Drama. Bref, on se lance des défis et c’est ça qui est excitant.

Il y a des titres que le public souhaite absolument entendre comme « Roundabout » ou « I’ve Seen Other People ». Est-ce frustrant de ne pas toujours pouvoir être libres d’interprêter sur scène de nouvelles choses ?
Pas vraiment. Nous avons essayé pendant un moment de ne pas jouer « Roundabout », mais il y a eu tellement de plaintes du public que nous sommes plus ou moins obligés de la jouer.

As-tu réfléchi à l’éventualité de travailler à nouveau avec Trevor Rabin ?
Je ne sais pas… Trevor s’occupe désormais de ses films. Cela reste néanmoins possible dans un futur plus ou moins lointain. Nous ne sommes pas en contact actuellement, mais il reste un très bon ami, un type bien qui a beaucoup de succès avec ses musiques de films. Il doit en affiché vingt-cinq au compteur maintenant. C’est un bon gagne-pain parce qu’il est fauché ! (rires)

Dans les années soixante-dix, les peintures de Roger Dean étaient vraiment intimement associées à Yes…
Roger est également un bon ami du groupe avec qui nous avons passé beaucoup de temps à travailler ensemble. C’est quelqu’un d’extrêmement talentueux qui parvient à l’avance à avoir une vision générale de ce qu’il veut faire.

Sais-tu comment il procédait pour créer une pochette de Yes ?
Même pas ! (rires) Quand je regarde cette peinture [NdlR : Alan montre une peinture accrochée dans la pièce], ses formes différentes et ses nuances de couleurs rappellent Relayer, sans le serpent.

La nouvelle génération progressive est caractérisée par une grande variété de groupes. Vous êtes évidemment l’une de leurs influences récurrentes. T’y intéresses-tu ?
Il y a beaucoup de groupes à Seattle et un assez grand nombre d’entre eux est progressif ! Mais j’ai pas le temps d’aller tous les voir, j’écoute vraiment beaucoup de musiques différentes.

N’y a-t-il pas un groupe en particulier qui t’aurait marqué ces dernières années ?
Non, pas vraiment. J’ai été tellement pris par Yes et les concerts en hommage à John Lennon que je ne m’en suis pas vraiment préoccupé. Tout ceci me prend du temps, mais ce sont des hommages à but caritatif. J’ai beaucoup d’amis dans le milieu de la musique qui ont joué avec nous. On a déjà fait quelques shows à Seattle qui ont rapporté pas mal d’argent pour la lutte contre le cancer du sein.

Si l’on en revient aux années soixante-dix, de nombreux groupes importants comme Genesis, Pink Floyd, Deep Purple ou Queen venaient d’Angleterre. De nous jours, cela semble être moins le cas.
Tout simplement parce que ce n’est pas le meilleur moyen de faire de l’argent ! Les groupes progressifs ont très peu de choix lorsqu’il s’agit de jouer dans des salles, alors que les groupes de rock ordinaires, du top 40 par exemple, peuvent jouer tous les soirs. C’est malheureusement ainsi que ça se passe. En cela, Yes reste également un groupe à contre-courant qui cherche à faire la musique différemment des autres et à aller de l’avant.

Steve a un jeu flamenco très poussé. Est-il possible qu’il soit influencé par des guitaristes jazz tels que John McLaughlin ?
Vous me rappellez quelque chose, là. Quand je suis entré dans le groupe au milieu des années soixante-dix, nous avons fait quelques concerts avec le Mahavishnu Orchestra en première partie. C’est là que j’ai connu Billy Cobham. C’était assez extraordinaire pour moi ! Nous avons enchaîné cinq concerts autour d’une seule ville polonaise. Et chaque soir, on se retrouvait à l’hôtel autour de quelques bières et on discutait quelques heures. Il est vraiment cool.

Quelle est ton point de vue vis-à-vis du téléchargement ?
C’est inévitable maintenant que c’est ancré dans le système. Ceux qui font de la musique aujourd’hui savent que cela va se retrouver sur Internet. La seule chose que les gens ne réalisent pas, c’est qu’ils nous retirent notre revenu, alors qu’on a besoin de finances pour continuer. C’est un cercle vicieux. Il doit bien y avoir un moyen de faire rejoindre les deux situations, celle où l’on produit une musique qui va être téléchargée et celle où l’on encaisse à nouveau une rentrée d’argent honorable.

Cela reste une situation à double tranchant car en même temps, cela permet à certains groupes de se faire connaitre.
(réfléchissant) Il est difficile de répondre à cela car la situation ne va pas changer. On doit bien pouvoir tenter de s’adapter et d’essayer de travailler de manière à récolter un semblant d’argent pour les artistes.

Propos recueillis par Jérôme Walczak et Dan Tordjman
Photos de Fabrice Journo

site web : Yes

retour au sommaire