Devin Townsend Project – Devin Townsend Project

ENTRETIEN : DEVIN TOWNSEND PROJECT

 

Origine : Canada
Style : pop metal progressif
Composition :
Devin Townsend – chant, guitares, claviers
Anneke Van Giersbergen – chant
Dave Young – claviers
Brian Waddell – basse, choeurs
Ryan Van Poederooyen – batterie, choeurs
Mark Cimino – guitares, choeurs
Dernier album : Addicted (2009)

A peine le temps de finir un apéritif Ki était bien bon que le plat de résistance est déjà dans les bacs ! Difficile de rester insensible devant cette intarissable inspiration qui n’en finit pas de conjuguer tout et son contraire et qui suit pourtant une ligne bien tracée par un Canadien qui répand la joie en cherchant sa voie.

Progressia : Peut-on parler définitivement de « pop metal » pour Addicted, comme pouvait-on le lire à l’époque pour Physicist ?
Devin Townsend
: Je n’ai pas de réelle direction en tête lorsque je débute l’écriture d’un nouvel album, les étiquettes viennent par la suite. Avec cette succession de disques, il s’agit plutôt de dresser un panorama de ce que je propose aujourd’hui. Certains sont commerciaux, d’autres heavy. Le plus important est le crédit que je souhaite donner à la production. Chaque album aura une signature bien définie en ce qui concerne le mixage et le mastering. Addicted est le fruit de moultes idées posées dans ProTools, sur lesquelles je me suis penché en laissant libre cours aux influences qui me travaillent depuis toujours, d’Enya à Judas Priest en passant par Def Leppard et Eurythmics. J’aime juxtaposer les sons et les idées en une sorte de sculpture sonore.

Nous avons appris récemment que tu avais fait écouter Addicted avant sa sortie à Steve Vai, est-ce une habitude ?
C’est assez amusant car lorsque j’avais dix-neuf ans, pendant cette fameuse période Sex & Religion, je me sentais vraiment en opposition avec lui dans ma tête et j’essayais de me convaincre peut-être un peu trop vite que j’avais besoin de me préserver de lui, d’avoir ma propre identité. Maintenant, cela fait quinze ans et Steve reste non seulement un ami cher avec qui j’aime partager différentes choses sur la vie, mais surtout un incroyable compositeur avec qui j’aime aussi échanger des points de vue sur la musique, prendre des conseils et apprendre. Comme quoi les choses peuvent changer radicalement !

Tu dis avoir été à l’encontre de sa musique et du personnage. Fait-il parti au final d’un de ces fameux démons dont tu t’es débarrassés?
Nous en étions probablement au même point à l’époque sauf qu’il faisait certainement preuve de beaucoup plus de patience, ce qui fait que nous continuons à apprendre un peu l’un de l’autre. Mon intention n’a jamais été de le blesser bien entendu mais plutôt de m’éloigner le plus possible de l’album Sex & Religion et de la position de simple chanteur qui n’était pas vraiment en adéquation avec mon ego et ma jeune expérience de la musique. J’ai beaucoup appris malgré tout de cette période et de mes réactions.

Sur ce projet et les différents albums qui lui succèderont, te vois-tu davantage comme un arrangeur ou un compositeur ? Tu parlais tout à l’heure de la part belle donnée aux superpositions d’idées via séquenceur et aux arrangements de sonorités en fonction de tes influences…
Je ne pense pas être l’un plus que l’autre. Je compose et arrange tout sur les différents titres : de fait, on ne peut pas vraiment dire que je joue dans une catégorie plutôt qu’une autre. Je souhaite maîtriser de bout en bout ce que je tente d’expliquer à travers ces quatre disques. Je voulais saisir cette opportunité de poser définitivement mon identité sans aucun parasite en tant que compositeur ou arrangeur, afin que les gens puissent comprendre qui je suis, sans faire de redite. C’est un jalon important qui pourrait me permettre de faire complètement autre chose par la suite, comme une pièce symphonique ou une comédie musicale.

Donner dans la musique orchestrale ou la mise en musique d’une histoire semble te titiller…
Absolument ! Osciller entre Strapping Young Lad, Infinity ou Ki est également une manière de purger différents styles et d’en exploiter toute l’expérience afin de mettre d’autres idées au service d’une bande originale ou d’une symphonie. C’est très excitant de pouvoir approcher ces genres qui sont pour moi un peu au-dessus du reste.

Ressens-tu les effets de cette fameuse crise du disque qui envahit plus que jamais la planète ?
Je ne vends pas énormément de disques. Je suis plutôt à l’abri or j’aimerais beaucoup ajouter une petite chose concernant toute cette ambiance de crise : entre maladie, guerre et autre marasme économique, j’ai vraiment l’impression que cela pousse de plus en plus de gens vers la sensibilité artistique et vers la beauté en général. Avec Addicted, j’ai voulu coller le plus possible à l’une des principales qualités de la musique qui est de s’évader quelques minutes et se faire plaisir. C’est aussi pour ça que le disque sonne tellement positif et assez facile d’accès. C’est un parti pris et grand bien fasse à ceux qui en seront touchés, même si paradoxalement il est beaucoup plus évident pour certains de verser dans le négatif et le défaitisme. C’est ce que j’ai voulu exprimer avec ce second album. Peu importe qu’il se vende, c’est une contribution, une message qui rappelle que chacun a les cartes en main.

C’est assez intéressant car lorsqu’on analyse un peu la pochette, le message pourrait être d’attraper les crayons et de dessiner ses propres sentiments sur ce tableau blanc. On peut d’ailleurs remarquer un crayon brisé, peut-on y voir une signification ?
J’apprécie beaucoup ce point de vue sur le visuel et le graphisme car effectivement il y a quelques significations importantes en rapport avec ces crayons et ces couleurs en elles-mêmes. D’une certaine manière on pourrait interpréter la vie comme un grand tableau blanc : « Choisis ta couleur ! ». Nous avions également en tête avec l’artiste de représenter Strapping Young Lad avec le rouge qui semble complètement usé, le bleu représente le Devin Townsend Band qui s’est cassé avant de prendre sa pleine signification. L’état de ces crayons est expliqué par ces traces pourpres en arrière plan qui symbolisent la lutte et le mélange de ces deux premières couleurs. Et nous avons au final le vert qui est tout neuf. Ces deux interprétations ainsi que votre idée sont très importantes pour expliquer une partie de la démarche.

Comment s’est passé ta rencontre avec Anneke et pourquoi l’avoir choisie ?
Pendant l’écriture, l’une des premières idées qui m’est venue à l’esprit a été celle d’implémenter des vocaux féminins, ce qui se rattache une fois de plus au coté positif et humain des mélodies. Je me suis dit pour la première fois qu’il serait incomplet de n’avoir qu’une partie masculine sur les voix. Il me fallait surtout une forte personnalité féminine. Après avoir appris qu’elle reprenait une de mes chansons avec son groupe, je l’ai contactée par email et nous avons commencé à travailler ensemble, pas seulement sur Addicted mais également sur quelques chansons pour son prochain album. C’est vraiment un énorme plaisir d’avoir passé du temps avec elle, étant donné le respect que j’ai pour son travail et son adorable charisme. Cela a de plus conforté les différences de line-up que je voulais accentuer entre chaque disque : différentes personnes et expériences pour différents univers.

La formation de tes équipes sur les prochains disques est-elle déjà arrêtée ?
Si vous le permettez, je vais garder ces choses secrètes tant qu’elles ne sont pas confirmées.

Une rumeur insistante parle d’un second album pour Ziltoid…
Oh yeah ! Afin d’y voir plus clair, ces quatre disques représentent une sorte de purge, une représentation de tous les changements qui sont arrivés dans ma vie durant ces trois dernières années. Je trouvais important de laisser au public une très bonne définition de mon travail. Une fois le labeur accompli, je pense pouvoir jouir d’une certaine liberté et aller n’importe où. Quel meilleur ambassadeur du n’importe quoi que Ziltoid ? Ce sera une sorte d’introduction aux différentes choses que je vais pouvoir explorer par la suite.

Propos recueillis par Antoine Pinaud et Nicolas Soulat
Photos (issues du premier entretien pour Ki) de V. Chassat

site web : Devin Townsend

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