Gavin Harrison (Porcupine Tree) – Gavin Harrison (Porcupine Tree)

Origine : Royaume-Uni
Style : rock progressif accidentel ?
Formé en : 1987
Composition :
Steven Wilson – chant et guitares
Colin Edwin – basse
Richard Barbieri – claviers
Gavin Harrison – batterie

A toujours se contenter de la figure emblématique du groupe, nous avons laissé pour une fois Steven Wilson aux bons soins de nos confrères afin de nous concentrer sur Gavin Harrison et revenir sur sa présence au sein du mouvement rock auquel il n’a jamais vraiment voué une grande affection, et pourtant… 

Progressia : Certains pensent, après t’avoir entendu et vu joué avec Porcupine Tree depuis l’époque d’In Absentia, qu’il persiste cette impression que tu as toujours été présent dans le groupe depuis ses débuts, malgré le fait que Chris Maitland était un batteur doté d’un fort charisme… 
Gavin Harrison
: Le son du groupe résultait à l’époque de l’alchimie des quatre membres originaux. Je ne me considère pas comme meilleur ou plus mauvais que Chris, juste différent. Porcupine Tree possède une chimie toute autre depuis mon arrivée, avec un son propre qui en découle. 

Que penses-tu avoir apporté à l’édifice ?
Ma personnalité avant tout !

C’est-à-dire ?
C’est une question ardue ! (rires) Je pense avoir apporté mon expérience passée dans le jazz, la funk et le R’n’B. Je n’ai pas grandi en écoutant du rock progressif, alors que c’était peut-être le cas de Chris. Je préfère ne pas m’avancer sur ses influences, même si je sais qu’il écoutait probablement plus de rock que moi quand nous étions plus jeunes. J’ai toujours cette sensation un peu étrange d’être un batteur de jazz interprétant du rock progressif. Je me souviens que les gars me disaient à l’époque de mon arrivée dans le groupe que Chris répétait inlassablement toutes les parties écrites lors de la composition en vue de l’enregistrement de chaque album à la note près, un peu comme Neil Peart de Rush. Ce n’est pas une mentalité propre au jazz, c’est pourquoi j’aime improviser tout le temps et apporter mon identité par ce biais.

Comment Steven l’appréhende-t-il ? Te laisse-t-il autant de marche de manœuvre ?
Je ne lui demande pas ce qu’il en pense. Je le fais, c’est tout (sourire). Cela fait partie de ma personnalité. Dès les premiers concerts donnés ensemble, on me disait que chaque soir ne ressemblait à aucun autre. Il est normal pour moi de jouer sur des détails et non pas, bien évidemment, sur l’intégralité de tel ou tel morceau. Il y a des parties sur lesquelles je me permets de m’exprimer davantage, et d’autres sur lesquelles je respecte l’écriture à la note près.

Ton jeu a-t-il aidé Steven à composer des titres plus techniques ?
Certains des arrangements techniques et très complexes sont effectivement de mon ressort.

Comme l’illustre notamment et à merveille le titre « Bonnie the Cat » sur ln the Incident
Exactement ! C’est un morceau sur lequel j’ai apporté le matériau de base à la batterie, la guitare et la basse. Ce que vous entendez est néanmoins différent, la batterie exceptée. Lorsque nous nous retrouvons pour écrire, nous n’aimons pas juste « jammer » sur des idées. Nous tentons d’aborder les parties proposées, selon le jeu de chacun, pour en faire jaillir un travail de groupe. Chaque musicien doit se sentir à l’aise. L’essentiel du contenu que je présente repose sur la rythmique, qui doit être respectée.

Parlons à présent de ton escapade chez King Crimson. Le fait que vous ne tourniez pas en Europe a causé beaucoup de frustration aux fans. D’ailleurs, Robert Fripp ouvre pour vous ce soir à l’Olympia.
Robert nous a accompagnés avec son ProjeKct 6 sur une trentaine de dates il y a quatre ans. Il a donc assisté à nos tribulations un certain nombre de fois et réciproquement. Il m’a alors appelé pour me demander de rejoindre King Crimson en 2007 sur une configuration à deux batteries avec Pat Mastelotto. Nous avons répété durant à peu près quatre semaines pour onze concerts. Venir en Europe n’était pas prévu. Robert a une vision très claire de la manière dont le groupe doit tourner. Je ne sais pas s’il a programmé de nouvelles dates pour le moment. Il contrôle vraiment tout et peut changer de direction artistique à tout moment. Sachant que je vais être très occupé pendant un an avec Porcupine Tree, j’espère qu’il m’attendra pour partir de nouveau à l’aventure.

Comme Steven, tu aimes participer à des projets. L’un des derniers était avec O.S.I., mené par Jim Matheos (Fates Warning) et Kevin Moore (ex-Dream Theater). Comment la connexion s’est-elle faite ?
Jim a d’abord contacté Steven par email, vu que ce dernier chantait sur quelques titres du précédent album d’O.S.I. Nous étions alors en Australie. Steven m’a alors informé que Jim souhaitait s’entretenir avec moi et m’a demandé s’il pouvait lui laisser mon adresse mail. J’ai bien sûr accepté et nous avons débuté une correspondance. Il m’a envoyé des démos et je lui ai répondu que ça me bottait bien de travailler dessus. Il a poursuivi en m’envoyant des versions multitrack avec des parties de batterie de lui ou de Kevin, que je pouvais arranger à la maison. C’était vraiment bizarre de procéder ainsi car je ne leur ai jamais parlé par téléphone et ne les ai jamais rencontrés en vrai ! J’ai donc réalisé ce qu’ils attendaient de moi, dans mon propre studio. C’est une façon moderne de travailler avec ses avantages et ses inconvénients. Je peux passer le temps que je veux sans être constamment sollicité. Le temps devient alors du luxe, d’autant plus que je possède tout le matériel dont je peux avoir besoin à n’importe quel moment. Dans tous les cas, c’était compliqué car j’enregistrais en outre pour deux autres projets et parfois, il n’était pas évident de jongler avec tout ça. C’était d’autant moins facile qu’avec O.S.I., j’envoyais une partie qui était d’abord entendue par Jim, avant d’être transmise à Kevin. Trois jours après, je recevais les appréciations et modifications à apporter. Il était alors plus contraignant de devoir rejouer telle ou telle partie qui ne convenait pas et là, je perdais du temps à procéder de la sorte. Nos plannings respectifs ne nous permettaient pas de nous arranger autrement de toute façon.

Quels sont les retours concernant ta participation aux albums d’05ric ? On dit bien « Ozric » ?
J’ai fait la même erreur au début et il m’a bien dit qu’il fallait le prononcer « Ôfiveric ». (rires) J’ai vraiment aimé travailler avec lui sur ces deux albums [NdlR : Drop (2007) et Circles(2009)] car c’est très différent de mon boulot chez Porcupine Tree, O.S.I. ou King Crimson. C’est peut-être le projet le plus aventureux rythmiquement que j’aie pu concrétiser de toute ma carrière, avec des idées folles émergeant de partout et surtout un cadre qui m’a permis de m’exprimer librement. Nous avons produit les disques de la même manière qu’ avec O.S.I., à ceci près que nous nous parlions au téléphone et que nous discutions d’un tas de choses pertinentes, vu qu’il est également batteur.

Serait-ce le projet le plus progressif qu’il t’ait été donné de faire ?
Complètement car j’ai pu explorer les facettes les plus étranges du rythme, ce qu’un disque plus conventionnel et répondant à des attentes commerciales ne peut pas se permettre. C’était un vrai bol d’air et surtout une forme d’art très pur, sans pression exercée par une quelconque maison de disques.

Quels sont les batteurs qui t’ont le plus soufflé dernièrement ?
C’est une bonne question ! J’adore le batteur suédois Morgan Ågren, notamment sur l’album réalisé avec Fredrik Thordendal de Meshuggah qui reste l’un des disques qui m’a le plus impressionné. C’est ce genre de procédé, ce mariage entre les genres que j’ai voulu capturer avec 05ric, deux gars connectés à un certain niveau rythmique. Ce qui est le plus étonnant, c’est que je n’aime pas le metal à la base et je n’ai jamais cherché avant Porcupine Tree à m’intéresser au genre ou à participer à d’éventuels projets s’y rattachant. J’ai passé mon temps à jouer avec des artistes empreints de groove. Le metal est bien la dernière chose que je jouerais. Pourtant, c’est bien un batteur de jazz qui en joue parfois chez Porcupine Tree ! (rires)

On dirait que ta perception du metal a changé avecSol Niger Within, l’album dont tu parles du Fredrik Thordendal’s Special Defects, qui comprend donc Morgan Ågren à la batterie, mais également Mats Öberg, tous deux issus du Mats/Morgan Band.
Absolument. Quand tu n’es pas familier d’un genre, tu as l’impression que tout se ressemble, comme par exemple la western country. En revanche, si tu es passionné par cette musique, tu te rends compte qu’il existe une myriade de sous-genres distincts, comme c’est le cas pour le metal, le jazz, etc. C’est alors que se déploie un univers avec ses propres codes. Je n’y connais toujours pas grand chose en metal mais j’aime Pantera et Messhuggah. D’un point de vue rythmique, c’est juste fantastique ! 

Penses-tu que les batteurs de metal peuvent vraiment apporter quelque chose au monde de la batterie ?
J’en suis convaincu, bien que cette musique reste souvent principalement axée sur le rythme et très rarement sur la mélodie.

Un dernier mot pour les lecteurs et fans français ?
Je tiens à remercier particulièrement le public français qui a toujours été présent. Il existe une base extrêmement solide qui a permis au groupe d’évoluer doucement mais sûrement, sans l’aide de gros médias ou de grandes campagnes publicitaires. Tout s’est fait sur l’appréciation de la musique et c’est vraiment gratifiant de constater que nous sommes passés naturellement de petits clubs à de plus vastes salles. En cela, je tiens au nom de Porcupine Tree à vous remercier chaleureusement pour cette confiance inébranlable.