Jamie Craig - Illumination

Sorti le: 28/10/2009

Par Jérôme Walczak

Label: Autoproduction

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Les dossiers de presse sont parfois pétris d’humour. Ainsi est-il rappelé en préambule du texte conséquent accompagnant Illumination , que Jamie Craig occupe une position unique dans le monde de la musique. Un statut sans doute fort convoité, mais c’est un fait que personne ne pourra lui opposer : Jamie Craig est unique.

Sa musique est effectivement aussi dénuée d’intérêt qu’un académicien français, aussi fascinante qu’une émission sur la chasse à l’alouette en Sologne, aussi mystique qu’un compte-rendu d’activité de la maison Ribourel (deuxième semestre 1989), aussi imprévisible qu’une élection dans les Hauts-de-Seine. Unique donc, saluons le sens de l’euphémisme… Et à quoi sert donc Jamie Craig ? A rien, et ça c’est unique.

Cette inutilité touchante et spontanée serait pour le moins inoffensive si ce claviériste étasunien, ex-bassiste, n’avait entre-temps eu l’idée saugrenue d’enregistrer un (second) disque instrumental. En guise d’influence, celui qui est à la musique ce que Joan Collins est à Liz Taylor invoque sans complexe la totalité du bottin mondain : Jon Lord, Ian Anderson, Rick Wakeman, Brian Eno, David Bowie, Steve Howe, Kitaro, Jean-Luc Ponty, Enigma, Robert Fripp, Miles Davis et David Gilmour. Suggérons à l’attachée de presse, qui se sera sans doute laissée emporter par un « copier-coller » par trop ravageur, en piochant avec nonchalance dans une encyclopédie du rock progressif, un seul nom qui résumera parfaitement l’idée de cette œuvre malheureusement impérissable : Otis (pas Redding, les ascenseurs).

L’Américain est un esthète engagé, aussi n’a-t-il pas hésité à faire appel au webdesigner du site « Désir d’avenir » afin que la pochette soit des plus percutantes ; trop occupé à ses affaires, le webdesigner en question a dû dérober à la va-vite un motif sur le site des Témoins de Jéhovah. Ces gens-là ont pour habitude de ne jamais se plaindre et ce seront bien les seuls.

A ce stade de la lecture, il est temps de jeter quelques mots à propos de cette musique si « unique » que des oreilles innocentes risqueraient de rencontrer si elles n’y prennent garde. Les douze morceaux qui composent ce triste disque sont du même tonneau que les gammes spontanées parfois entendues les jours de grève sur les radio publiques ou sur la bande-son d’un film érotique allemand, voire à illustrer avec brio une enquête menée par l’inspecteur Derrick dans une discothèque mal famée de Münich.

Jamie Craig souhaitait apparemment proposer une musique méditative : il a surtout réussi à énerver, tant chaque titre repose sur un insondable et somptueux néant. Rien, strictement rien ne se dégage de cette série de mauvaises imitations de Voyager. L’artiste pose la basse et la percussion en arrière fond et cogite frénétiquement sur des rythmes qui naissent et sortent à peu près n’importe comment. Il enrobe ce substrat technique (dire mélodique serait un affront à tant d’artistes innocents) de violonades et d’errements synthétiques (parfois de saxophone, pour la côté salle d’attente au Pôle Emploi) qu’il baptise ensuite de jolies appellations (« Voyager IX », « Guardian Angel », etc.).

Pour conclure, Craig explique le plus sérieusement du monde que lorsqu’il compose, il est motivé « par la douleur, le plaisir et la passion ». Il est à craindre que de ces trois qualificatifs, le premier sera le seul qui restera finalement en mémoire.