Miriodor - Avanti!

Sorti le: 16/10/2009

Par Christophe Manhès

Label: Cuneiform Records / Orkhestra

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Il faut sans aucun doute classer Miriodor parmi les meilleures formations de progressive rock, c’est-à-dire ce rock conquistador dans l’âme, capable de pénétrer, grâce à la vigueur de sa liberté d’expression, des territoires musicaux vierges et fabuleux. Depuis vingt ans, avec une assurance surprenante, les Québécois donnent ses lettres de noblesse à un genre en plein revival mais qui s’asphyxie peu à peu sous le poids d’une production rarement essentielle.

Les albums du groupe sont d’une formidable et malicieuse maestria totalement détachée, cela va s’en dire, du bling bling des musiques pour musiciens, plus virtuoses que profondes. Ainsi, avec un sens de la repartie harmonique aussi ludique que mordante, typique de la scène post rock in opposition, la discographie essentiellement instrumentale de la formation forme à ce jour un ensemble imposant par sa qualité et sa diversité de ton. Dans le merveilleux monde de Miriodor, les paysages ne sont faits que de cimes, certaines plus hautes que d’autres.

Les préliminaires passés, tournons-nous vers Avanti!, septième jalon d’une longue carrière. Qui n’a pas eu la chance de découvrir, l’oreille neuve, les saveurs impressionnistes de « Prélude à l’après-midi d’un faune » ou « La mer » de Debussy, œuvres inouïes s’il en est, aura du mal à imaginer l’effet produit par la richesse du macrocosme de ces diables de Canadiens. Agenceurs peu communs de tonalités et de rythmes plus inventifs les uns que les autres, les musiciens fouillent dans les entrailles de l’imagination en utilisant une palette de couleurs d’une profusion rare, capable d’engendrer autant de douceur ambiguë que d’acrimonie électrique. Pour Miriodor, Avanti! devrait être une consécration au même titre que Of Queues and Cures de National Health, avec lequel il ne partage pas qu’un aboutissement artistique, mais également un langage atypique fortement animé d’une vie mystérieuse.

« Envoûtement » lance le disque. Le son est énorme. Un pachyderme se met en route, effrayant. Puis, dans une transition aussi brève que géniale, la musique bascule dans un univers de douceur onirique brisé par une rythmique et un phrasé endiablés, où l’influence de Gentle Giant, probablement le plus grand des groupes ignorés des seventies, se fait sentir. Dès ce premier titre, les pierres fondatrices de l’univers énigmatique d’Avanti! sont posées. Les compositions se succèdent sans fausses notes, fascinantes à force d’ouvrir des perspectives mélodiques inédites. Il faut écouter ces jobards sur « A déterminer », franchement renversant, le psychédélisme débridé de « Réveille-matin » ou le final d’« Envoûtement » pour se faire une idée de leur génie.

Cet album essentiel est capable d’entériner à lui seul la pertinence de la démarche téméraire de la scène progressive. Rock, jazz, free, contemporaine, étrange, onirique, délicate, souple mais aussi rageuse voire parfois même agressive, la musique de ce nouvel album mérite bien des qualificatifs. Les Canadiens y exercent avec un talent hors pair leur aptitude à créer des mélodies raffinées autant que perverses. Décidément, sur la planète Miriodor, il y a tout ce qu’il faut pour faire un monde et on n’a qu’une envie : prendre un billet sans retour pour habiter définitivement les paysages d’Avanti!.