ENTRETIEN : SPHERIC UNIVERSE EXPERIENCE

 

Origine : France
Style : metal progressif
Formé en : 1999
Composition :
Franck Garcia – chant
Vince Benaim – guitare
Jhon Drai – basse
Fred Colombo – claviers
Christophe Briand – batterie

Spheric Universe Experience a eu l’art et la manière de se faire remarquer tout en gardant une part de mystère intrigante. Avec leur dernière production, le groupe dépeint un univers personnel flirtant avec le paranormal et les phénomènes étranges… Qu’à cela ne tienne ! Fred Colombo nous a guidés derrière les coulisses par ordinateurs interposés. Retour sur une rencontre du troisième type avec un claviériste lucide et passionné.

Progressia : Veuillez décliner vos identités, rôles et particularités !
Fred Colombo
 : Vince Benaim : guitariste, compositeur, auteur, autodidacte ; John Drai : bassiste, compositeur, auteur, autodidacte ; Fred Colombo : claviériste, compositeur, auteur, formation classique/jazz en école ; Franck Garcia : chanteur, compositeur, auteur, licence de musicologie, conservatoire chant lyrique ; Christophe Briand : batterie et percussions, compositeur, diplômé d’Etat en percussions.

Jusqu’à présent, et en peu de temps, le groupe a reçu de très bonnes critiques générales. Êtes-vous d’accord avec les descriptions de S.U.E que vous avez pu entendre jusque-là? Des appréciations vous ont-elles étonnés ?
Tout d’abord, nous devons reconnaître que nous sommes plus que ravis et honorés de voir la grande majorité de critiques positives sur nos albums. Cela nous fait toujours très plaisir, ça nous motive vraiment, même si nous avons également besoin de critiques… critiques. Pour répondre à la première question, il n’y a pas à être d’accord ou pas avec la description qui est faite de notre groupe, car chaque regard porté sur une formation musicale est subjectif et forcément différent du regard que le groupe porte sur lui-même. Les observateurs ont leurs mots, leur vision, nous avons la nôtre, parfois les deux se rapprochent, parfois non. C’est ainsi. Là où nous ne sommes pas d’accord, c’est lorsque l’on ressent une sévérité gratuite et exagérée dans une chronique ou un commentaire notamment, mais là aussi, chacun s’exprime librement et nous devons nous estimer heureux que l’on parle de nous, en bien comme en mal ! Et pour répondre à la seconde question, ce qui peut être étonnant, c’est lorsque l’on compare tel ou tel de nos morceaux à un titre d’un groupe qu’aucun d’entre nous n’écoute ni même ne connaît ! C’est parfois déroutant de se faire attribuer une influence qui n’est pas du tout la nôtre, que l’on n’a jamais écoutée. Déroutant car il nous est impossible de crier à tous les lecteurs « Non non ! Ne croyez pas qu’on a plagié tel riff ou telle mélodie, on ne connaissait même pas ! ».

Quels pourraient être (ou quels ont été) les meilleurs compliments à votre égard, et à l’inverse, qu’est- ce que vous ne voudriez jamais entendre ?
Je n’ai pas le souvenir précis de compliments particuliers qui auraient été marquants. Disons qu’à chaque fois que l’on écrit au sujet de SUE que les morceaux sont bons, beaux, transcendants ou un quelconque autre qualificatif gratifiant, nous sommes honorés et récompensés de notre travail. Chaque compliment qui nous est promulgué est le meilleur ! Impossible à classer ! Et ce que nous ne voudrions jamais entendre ? Là non plus il ne me vient pas d’exemples précis, disons certains clichés faux et vexants, et les critiques gratuites.

Quelles sont selon vous les particularités de S.U.E qui ont pu vous différencier au niveau national et international? Auriez-vous des conseils pour des groupes qui débutent ?
Question difficile. Je manque du recul nécessaire pour étayer. C’est davantage une question pour les fans ! Je ne crois pas qu’il y ait de particularité clairement définie qui nous différencie de telle ou telle formation sur telle ou telle scène. Pour le fan que je suis de plusieurs artistes, je dirais que ce qui me permet de les différencier, c’est une sensation à l’écoute de leur musique, une question de goûts, et ça ne s’explique pas vraiment par des éléments précis. Les amateurs de metal progressif ont du être touchés par nos disques, tout simplement. De notre côté, nous tentons d’offrir une musique riche, variée et originale à chaque album. Cela nous a sans doute aidé, mais certains groupes le font bien mieux que nous et ont obtenu pourtant moins de reconnaissance… Le succès en fonction des goûts est quelque chose de très difficile à expliquer. Notre conseil pour ceux qui débutent serait donc de composer avec passion, plaisir, sincérité et âme. Le reste vient si la mayonnaise prend avec les attentes du public.

Quels souvenirs et anecdotes les plus marquante gardez vous de vos tournées ?
Trop pour être décrits sans y consacrer cent lignes ! En souvenir de tournée, je dirais les dix milles personnes devant nous pour notre ouverture de Scorpions, la vue sur l’océan sur la scène plagiste du festival Crescendo, le concert acoustique live en direct sur France Inter, les drapeaux tricolores de nos fans français dans la fosse montés nous voir à Copenhague au Danemark, et le pot que nous sommes allés boire avec eux après pour les remercier : inoubliable. La chorale de soixante-dix enfants qui nous a accompagné sur scène au festival Tomawok, une expérience unique dans notre style et inoubliable également. Récemment, la queue de plusieurs dizaines de mètres formée par la centaine de fans qui défilaient à notre séance de dédicaces à Atlanta aux Etats-Unis. Ce jour-là nous avons pris conscience que nous avions une fanbase internationale, prête à prendre l’avion juste pour voir SUE, ou comment se sentir à la maison à dix mille kilomètres de chez nous… Ces sept années de concert sont remplies de souvenirs dont je suis, aujourd’hui encore, ému lorsque j’en parle. Pour ce qui est des anecdotes, je dirais le vandalisme de Vince dans les hôtels, les concours de grimaces dans les bus, ma pédale qui plante au moment du changement de son sur une partie épique au clavier seul, me laissant désarmé, bête, honteux devant des centaines de gens, et une foultitude d’autres plus scandaleuses les unes que les autres ! Et je crois que la tournée européenne qui approche devrait considérablement rallonger ces listes.

En France, le moins que l’on puisse dire est que le metal n’est pas largement médiatisé. Comment expliquez-vous cet état de fait ? En tirez-vous d’autant plus de fierté d’avoir pu vous démarquer et vous exporter ?
La France est un territoire à part au niveau culturel, parfois en bien, parfois en mal. En musique malheureusement, je crains que les goûts des français aient été orientés – pour ne pas dire influencés – par les médias vers quelque chose de simpliste et vite consommé, et ce depuis une bonne trentaine d’années. Le metal, étant plutôt élitiste sur le plan musical et effrayant sur le plan de l’image avec ses clichés et autres mythes peu télégéniques, a cumulé les ingrédients parfaits pour ne pas avoir sa place dans le paysage musical que la France s’est (faite) développé(r). Le metal n’est pas le seul dans cette situation. Toutes les musiques dites élitistes à consommation moins rapide ont connu la même exclusion médiatique (jazz, classique, traditionnel régional, etc.). Cela peut rassurer quelque part. C’est une marque de qualité finalement ! Nous n’avons pas à être fiers d’avoir réussi à nous exporter, nous extirper du marasme musical hexagonal, car ce n’est pas entièrement de notre fait. Très tôt en réalité, avant même la sortie de notre premier album, nous avons été repérés par l’agence internationale Intromental Management, qui a promu le groupe à l’international dès le début. Nous ne sommes pour ainsi dire même pas passés par la case départ France. Nous devons notre exportation à Claus Jensen et Lars F. Larsen [NdlR : que nous saluons !] uniquement, nous avons eu beaucoup de chance qu’ils nous prennent sous leur aile. Sans leur aide, nous n’y serions peut-être jamais arrivés.

Avez-vous suivi le débat sur la loi Hadopi et l’intervention du député Patrick Roy à l’assemblée nationale il y a quelques temps, sur les musiques « oubliées » par les medias dont fait partie le metal ?
Bien sûr, ce débat nous concerne directement. Mais l’intervention de ce député m’a échappée. En tout cas, c’est toujours ça de positif qu’un élu dans l’enceinte législative plaide pour toutes les composantes de la musique. Il était temps. Pas sûr du tout en revanche que cela suffise à ouvrir soixante-huit millions d’esprits fermés par des décennies de minimalisme musical. Mais on ne sait jamais…

Le terme de musique progressive peut sembler assez flou pour un néophyte ou même un amateur. Quelle est votre propre définition du prog’ ?
Héhé sacrée question qui revient souvent et qui reste toujours aussi délicate ! Je crois que chacun possède sa définition, ce mot étant assez générique. Pour ma part, je comprends le terme de musique progressive (rock, metal, electro, peu importe) comme toute œuvre dont tout ou en partie s’affranchit des règles communes au style en question, en proposant des harmonies, rythmes, arrangements et expérimentations riches et surtout innovantes, jamais entendus ailleurs. C’est en quelque sorte l’art de faire « progresser » la musique. [NdlR : Clap clap !] Ambitieux pour certains, prétentieux pour d’autres, c’est ainsi que je le conçois. C’est pourquoi je classe Opeth ou Massive Attack, par exemple, comme clairement progressifs, même si ce mot ne leur a jamais été associé officiellement.

Le thème de phénomènes paranormaux est assez peu exploité dans le metal dit progressif. Avez-vous voulu traduire cette inspiration dans la musique également  et par quels moyens ?
Je pense qu’il suffit d’écouter « Near Death Experience » ou l’intro de « White Willow » pour s’apercevoir que nous avons exploré les confins du paranormal, et pas uniquement dans les paroles ! La question des moyens risque de nous faire glisser vers des descriptions techniques. Disons que nous avons marié des harmonies étranges, basées sur les demi-tons, les transpositions inattendues, les suites d’accords mineurs, et divers autres procédés musicaux qui sonnent déroutants et troublants aux oreilles de l’auditeur.

Selon vous, quels sentiments se dégagent de l’écoute d’Unreal ? Arrivez-vous à le ressentir en tant qu’auditeur vous-même ?
Comme je l’ai dit précédemment, il est très dur d’avoir un recul sur sa propre oeuvre. Nous espérons que le sentiment qui s’en dégage est un mélange de trouble paranormal et de force et énergie metal. Si c’est ce que l’auditeur ressent, nous aurons rempli notre objectif.

Comment avez-vous choisi et rencontré les personnes qui ont collaborés avec vous sur cette production ? Que se soit au niveau de l’enregistrement, de la réalisation de l’artwork…
Pour l’enregistrement et le mixage, nous avons renouvelé notre confiance en Charles Massabo du Kallaghan Studio, un génie du son. Pour le mastering, notre label américain Sensory nous a conseillé West West Music à New York, qui ont déjà masterisé des pointures du metal. A propos de l’artwork, nous avons choisi de travailler avec le talentueux Alexandre Rebecq de 3-crosses-design car nous avions pu voir ses travaux pour un autre groupe de la région niçoise et il nous avait convaincu. Nous tenons à dire que nous n’avons vraiment pas été déçus et nous devons beaucoup à chacune de ces personnes dans la qualité de ce nouvel album.

Avez-vous des anecdotes particulières de son enregistrement ? Pas de phénomènes étranges à déplorer ?
Haha non ! Même si parfois, sur le chemin sinueux, sombre et forestier qui mène à Vence, Alpes-Maritimes, (là où se trouve le Kallaghan Studio), certains soirs pluvieux, j’ai bien cru que la Dame Blanche m’attendait au détour d’un virage mortel… J’ai le souvenir que le soir où j’ai enregistré « Near Death Experience » justement, la pièce de piano, il régnait une atmosphère vraiment particulière au studio et dehors, je n’oserais pas la qualifier de paranormale, mais vraiment troublante, je me sentais à la fois bien et… dans un moment différent de ceux habituels. Je le décris maladroitement je sais, mais c’est difficile à expliquer ! C’est sûrement ce décor et ce morceau qui, associés le temps d’une journée, m’ont troublé.

Quel regard portez-vous sur votre évolution et vos précédents travaux ? Quels sont les éléments positifs ou négatifs qui vous ont permis d’avancer ?
Avec le recul du temps, nous reconnaissons à Mental Torments et Anima des qualités que nous n’avions pas vues sur le moment, mais également un manque de maturité que nous pensons avoir partiellement corrigé avec Unreal. Ce qui nous a permis de corriger nos défauts, ce sont les concerts tout d’abord, et les critiques. Mais également notre propre approche de la musique qui évolue naturellement avec l’âge. Ce que nous écoutons d’un album à l’autre, les expériences de vie que nous connaissons, les gens et musiciens que nous rencontrons… Bref, de nombreux éléments.

Et les trois questions bonus  !

Si vous aviez le moyen d’évoquer les esprits d’artistes malheureusement disparus, quel groupe rêveriez-vous de former ?
Batterie : Jeff Porcaro
Basse : Cliff Burton
Guitare : Dimebag Darrell
Clavier : Michel Petrucciani
Chant : Layne Staley

Si vous pouviez vous réincarner dans la peau d’un musicien actuel ?
Herbie Hancock ou David Paich.

Les Gnak Gnok ne risquent-ils pas d’envahir notre planète suite à votre message ?
Mais c’est déjà fait…

Propos recueillis par Marjorie Alias

site web : Spheric Universe Experience

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