Tortoise

10/09/2009

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Par Brendan Rogel

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Site du groupe :

CONCERT : TORTOISE

  Lieu : Saint-Malo, Le Fort de St-Père
Date : 14 août 2009
Photos : Chloé Le Drezen / Kulturepop.com

La Route du Rock est connue pour être une grande liesse populaire qui a le culot de proposer une programmation éclectique, donc risquée. C’est une route parsemée de hippies fêtards et de cadavres vitreux que les téméraires doivent traverser afin d’assister à la prestation de Américains pour leur unique date hexagonale.

Avec Tortoise, nul doute que la qualité est au rendez-vous à chaque nouvel album. Modulée avec les années, la formation s’est pourtant toujours fixée comme but de surprendre et de parvenir à créer par tous les moyens possibles. Associés à tort à cette scène post-rock bourrée au Prozac et férue de crescendos à rallonge, ces patriarches de Chicago ne se sont jamais limités aux conventions et persistent à faire fi des étiquettes. Chez eux, point de pathos, c’est un univers bourré de couleurs et de reliefs qu’aucun autre groupe n’a pu imiter sans un arrière-goût d’ersatz.

C’est donc dans un contexte estival et festif que ces tortues vont avancer doucement mais sûrement sur la Route du Rock, à proximité de la plage de St Malo, pour tenter de convaincre un public a priori peu enclin à de telles aventures musicales, mais qui finalement ne restera pas indifférent.

A 21h30 pétantes arrivent ce qui semble être les doyens du festival. Ils ont la bonhomie de quinquagénaires, décomplexés et sans prétention, bien à l’image de leur son. A musique atypique, formation atypique : la scène regorge d’instruments et à eux cinq se partagent une basse, deux guitares, trois claviers (qui se taillent effectivement la part du lion sur le dernier album), deux xylophones, et deux batteries disposées sur le devant de la scène, face-à-face. Aucun d’eux ne reste coincé sur un seul instrument pendant toute l’heure et demi de prestation. Bref, une telle polyvalence promet de bien belles choses.

Les musiciens savent qu’ils ont tout à prouver devant des festivaliers peu ou prou acquis à leur cause, probablement venus voir des groupes dont ils partagent l’affiche tels que My Bloody Valentine [NdlR : mais quelle idée de jouer aussi fort ?!] ou The Kills. Fait surprenant pour ces défricheurs de terrains musicaux, Tortoise défend sa dernière progéniture, Beacons of Ancestorship, sans prendre de risques, en jouant la plupart du temps leur répertoire à la note près et sans s’embarrasser de digressions à rallonge.

Entre musique dépouillée et volatile, ce show ne peut trouver meilleur équilibre pour se rendre accessible sans faire de compromis. Les esgourdes un peu égarées trouvent leur salut auprès des claviers délicieusement cheap, ou encore pour ces deux batteurs d’un groove et d’une dextérité irrésistibles. Que ce soit pendant une accalmie ou un climax, le duo prend toujours autant de plaisir à se défier l’un l’autre avec une énergie et une bonne humeur évidente.

Pourtant, aucun de ces excellents instrumentistes ne tire la couverture vers lui. Chacun promulgue son art à cent pour cent au service de la musique. Peu loquaces (à peine un « thank you » en une heure et demi), ces vétérans savent néanmoins être diablement communicatifs à travers leur propos musical. Il semble également qu’ils aient pris compte des critiques émises à propos de leur précédente production, It’s All Around You, car outre le dernier album, seuls TNT (1998) et Standards (2001) se bousculent la place lors de cette prestation scénique.

Pour clore de manière admirable, Tortoise choisit alors deux de ses titres phares : le fameux « TNT », qui ne souffre d’aucune absence de cuivres, reste toujours aussi poignant et aérien, tout comme l’air d’hymne patriotique de « Seneca ». La conclusion semble inévitable lorsque Dan Bitney abandonne sa guitare pour se rendre au devant de la scène afin d’inviter le public à frapper dans ses mains avec lui (sur un rythme plutôt complexe, Tortoise oblige). L’auditoire prend bien deux minutes à l’imiter, tandis que ses compagnons quittent leur place pour rejoindre Dan, jusqu’à ce que tout le monde finisse par claquer des mains en harmonie. Une belle leçon de musique et d’humilité.

Brendan Rogel

site web : Tortoise

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