ENTRETIEN : GOROD

 

Origine : France
Style : techno death frenchy
Composition :
Guillaume – chant
Mat – guitare
Benoît – basse
Arnaud – guitare
Sam – batterie

Loin des yeux mais proches du coeur et des oreilles, Mat, fer de lance du combo, met les choses au point avec conviction et sincérité. De l’influence vers les évolutions, la musique de Gorod semble ancrée solidement aux éléments, à l’image d’un dieu qui attend le bon moment avant de désobéir aux titans. Maitrise et fraicheur sont ici associées avec passion. Tout reste à faire et comme dirait l’autre : « C’est ça qu’est bon ! »

Progressia : Pensez-vous que votre musique a une carte à jouer sur la scène metal française ?
Mat
: Bien sûr et j’ai un peu l’impression que nous sommes les seuls dans notre créneau tech death en France. C’est plutôt un style réservé aux Américains, mais aux vues des critiques positives que nous avons reçu des médias français, nous ne pouvons que nous sentir encouragés ! Et puis nous bénéficions désormais de l’appui d’un très bon label, Listenable Records, qui fera son possible pour nous promouvoir et nous faire décoller en France, tout comme ils l’ont fait pour d’autres.

Qu’aviez-vous en tête en créant Gorgasm ? Avez-vous réévalué votre cahier des charges en vous renommant Gorod ?
A l’époque de la création du groupe, nous ne nous attendions pas à durer aussi longtemps. Nous faisions du metal pour se divertir et donner quelques concerts. Je pense que nous n’avions pas l’ambition de devenir un groupe international. La signature chez Willowtip Records a changé la donne. Le fait que nous ayons changé de nom est purement pratique car nous ne souhaitions pas qu’il y ait de confusion avec un homonyme américain, d’autant plus qu’ils faisaient une musique un peu similaire à la nôtre, à savoir du brutal death. C’est surtout le fait de se retrouver sur un « vrai » label sérieux qui nous a motivé à aller de l’avant. Willowtip Records a fait un boulot remarquable aux Etats-Unis et nous ne voulions pas les décevoir. Nous espérions qu’il y aurait des retombées ici en Europe mais cela ne s’est jamais vraiment produit, malheureusement. C’est surtout le fait d’avoir un line up stable qui nous a permis d’évoluer rapidement, d’améliorer notre style et de trouver notre voie.

Comment s’effectue le travail de composition ?
En général, j’amène l’intégralité de la structure du morceau, c’est-à-dire les riffs de guitares, les patterns de batterie qui vont avec, la structure et les enchainements. Nous avançons si ça plait à tout le monde, sinon nous effectuons ensemble les corrections adéquates. Dans un second temps, Benoît propose une ligne de basse et là encore, nous améliorons si besoin et en équipe. Le chant est toujours inséré en dernier ; c’est un processus long car les textes sont d’abord écrits en français, puis traduits, puis corrigés et enfin placés dans la musique avec Guillaume. Actuellement, cette manière de faire est restée inchangée, mais j’imagine que l’arrivée de Sam, qui en plus d’être un excellent exécutant est très prolifique, va changer cette habitude. Il a vraiment envie d’apporter sa pierre à l’édifice.

Vos titres semblent peu convenir pour la scène au vu de la complexité des plans. Travaillez-vous également à compenser cette éventuelle faiblesse ?
Détrompes-toi ! Nous sommes capables de rendre notre musique sur scène sans aucun problème ! Je peux même affirmer que nous y parvenons tout en apportant l’énergie nécessaire, le jeu de scène et tout ce qu’il faut. Tous les morceaux sur le dernier album sont prévus pour être exécutés à cinq, sans autres artifices. Je n’irai plus écrire des riffs injouables où nous serions obligés de ne pas fournir plus de soixante-quinze pour cent de nos possibilités, ou qui nous empêcheraient de bouger comme il se doit dans un show metal. Les gens qui viennent aux concerts ne sont pas là uniquement pour écouter du son, ils peuvent le faire tranquillement chez eux. Sur scène, il faut que ce soit la guerre pendant tout le set ! J’aime quand le public est à fond et se déchaine sur nos titres. C’est beaucoup plus pénible lorsque tout le premier rang est là, les bras croisés, regardant tes doigts, essayant de capter la moindre faille… Notre musique, et le metal en général, doit rester une musique de scène, quelle que soit sa complexité ou sa violence.

Vous frôlez par moment le bon metal progressif des familles sur certaines parties de vos titres. Vous laisseriez-vous tenter par une aventure plus ouverte, quitte à ébranler certains barrières, comme à pu le proposer Hacride ?
Pourquoi pas ? Hacride a fait preuve d’un grand courage avec Lazarus. C’est toujours assez risqué de prendre de tels virages. Nous préfèrons pour l’instant poursuivre sur la même ligne, quitte à frôler comme tu dis d’autres styles, mais en gardant toujours en tête notre fil death metal. J’avoue avoir du mal à poser des ambiances comme savent le faire les formations prog’ comme Opeth, par exemple. Peut-être ne sommes-nous tout simplement pas faits ou prêts en tant que groupe pour cela. Nous aimons bien agrémenter notre son avec des styles différents, pour l’enrichir, mais je préfère que cela reste discret et subtil, écrire des morceaux variés dans les ambiances plutôt que de proposer quelque chose de totalement différent dans l’ensemble. Lorsque nous n’aurons plus rien à montrer ou prouver dans notre propre style, nous chercherons probablement d’autres chemins, qui sait ? Pour l’instant, il reste beaucoup à faire, et ce n’est pas encore l’heure de changer de sujet !

Vos duels de guitares rappellent Cacophony, ce groupe plus ou moins culte où ont joué Marty Friedman et Jason Becker à la fin des années quatre-vingt. Serait-ce à tout hasard une de vos influences ?
Bravo ! Bien vu ! Ce serait même mon influence principale, « guitaristiquement » parlant évidemment ! Les deux chefs d’oeuvre que sont Speed Metal Symphony de Cacophony et Dragon’s Kiss de Marty Friedman (où intervient ponctuellement Jason Becker d’ailleurs) sont mes deux bibles ! Ce sont ces albums qui m’ont donné envie de bosser sérieusement la technique à la guitare. J’adore comment les morceaux savent être complètement frénétiques, avec d’incessantes avalanches de notes, mais aussi la manière dont Friedman et Becker phrasent leur mélodies. Ils ont vraiment le truc pour magnifier leurs thème et leurs envolées. A partir d’une phrase à la base un peu conventionnelle, ils arrivent à en faire une ligne tellement bien exprimée et sentie, que même aprés avoir entendu un bon millier de fois ces morceaux, je ressens toujours quelque chose de fort en les réécoutant.

Selon vous, c’est quoi un grand disque de death metal ?
Je suppose que c’est un disque suffisamment original et frais dans lequel tu vas de surprises en surprises ; un album où tu ne t’ennuies pas une seconde. Une oeuvre qui évoque la guerre, qui provoque des émotions diverses mais toujours fortes. Je pourrais citer dans cette catégorie le superbe individual Thought Patterns de Death, le groupe, dont je ne me suis pas encore lassé.

Process of a New Decline synthétise habilement le death metal. Comment pensez-vous pouvoir le faire évoluer à l’avenir ?
Comme je le laissai entendre plus haut, j’espère pouvoir y arriver en y incorporant d’autres influences originales et inattendues, tout en gardant à l’esprit que, sans pour autant être enfermés dans un style, nous nous devons de proposer quelque chose de cohérent par rapport à ce que nous avons déjà présenté et savons le mieux faire. Pour l’instant, nous ne nous sommes pas encore mis à l’écriture de nouveaux morceaux. Je sais que Sam, notre nouveau batteur, a la volonté de mettre sa patte dans la composition. Notre musique bénéficera sûrement à l’avenir d’un visage quelque peu différent, puisque ses influences sont différentes des miennes notamment. Tant mieux pour la musique !

Existe-t-il une « french touch » dans le metal extrême ?
Je ne pense pas car on ne peut pas dire que la France possède une culture metal à la base, et il y a trop peu de groupes qui sortent du lot pour que l’on puisse réellement parler de « french touch ». A la rigueur, on peut évoquer le style européen, par comparaison au style américain, mais les deux auraient tendance à se rejoindre de nos jours. Il était possible auparavant de caricaturer en prétextant que les Américains jouaient davantage sur le rythme et l’énergie et les Européens plus sur les mélodies et l’émotion… En revanche, ceci est désormais mélangé, de sorte qu’il est difficile d’entendre la nationalité d’un groupe, si ce n’est l’accent des chanteurs. Nous prêtons peu d’attention à la nationalité d’un groupe, du moment que le son est bon ! Il existe de bonnes et de mauvaises choses dans chaque pays. Ce serait déplacé de parler d’une identité commune aux groupes français car eux-mêmes s’inspirent la plupart du temps de groupes étrangers.

En espérant vous rencontrer en vrai la prochaine fois !
Oui, merci à toi pour le soutien, j’espère également que l’on se croisera prochainement et que l’on aura l’occasion de discuter de tout ça de vive voix !

Propos recueillis par Nicolas Soulat
Avec des questions de Christophe Manhès et Antoine Pinaud

site web : Gorod

retour au sommaire