The Naked Future - Gigantomachia

Sorti le: 05/06/2009

Par Aleksandr Lézy

Label: ESP-Disk'/ Orkhestra

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En provenance directe de Portland (entre autres), The Naked Future perpétue la tradition du free jazz. Le quartet composé d’une clarinette tantôt basse tantôt contre-alto, d’une batterie, d’un piano et d’une basse semble se jouer des forces qui nous entourent pour défier les éléments en se mettant en scène. Le disque pour le moins sensationnel de The Naked Future évoque une conversation éphémère entre alcooliques, une procession d’indigents en costume-cravate ou encore un défilé de mannequins unijambistes. C’est une descente instrumentale aux enfers à laquelle on assiste, la plus belle des manières pour torturer son instrument, lui prouver qu’il existe. Arrington de Dionyso, Thollem McDonas, John Niekrasz et Greg Skloff n’ont pas leur pareil pour trouver à leurs outils des utilisations nouvelles se combinant avec rage et brio. La production, propre et authentique, donne une légitimité à ce tourbillon sonore.

C’est expérimental certes, une sorte de Bitches Brew de Miles Davis pour orchestre de chambre version glauque, délibérément hypnotique. Arrington de Dionyso se pose en chef d’orchestre, donnant ainsi une direction à l’ensemble des improvisations successives. Aux moments hystériques se succèdent les évidents passages d’accalmie comme si Albert Ayler et Cecil Taylor rendaient visite à John Coltrane et Eric Dolphy pour boire le thé. Les cinq longues pièces s’enchaînent à la manière d’une pièce de théâtre comme si ces actes formaient une histoire dans un environnement sonore époustouflant.

Gigantomachia n’est pas de tout repos, inabordable pour certaines oreilles, mais tellement abondant, torturé, grinçant et oppressant. Entre spasmes fulgurants, régurgitations vomitives, poussées de fièvre et tachycardie douloureuse, la bête ne se laissera pas dévorer facilement. Les dieux du free jazz s’affrontent dans une lutte sans merci pour savoir si la mélodie au sens large aura encore un sens dans un futur musical lointain : la mise à nu d’un genre en quelque sorte.