Louis Sclavis - Lost on the Way

Sorti le: 04/06/2009

Par Mathieu Carré

Label: ECM

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« L’idée d’exploration ne va pas contre celle de permanence ». Laurent de Wilde concluait ainsi une passionnante entrevue donnée il y a un an pour Progressia. Il définissait en une phrase son travail mais aussi plus globalement l’ambition même du musicien construisant son œuvre, petit à petit, de disques en rencontres pour finalement découvrir quel artiste il est réellement. Louis Sclavis, autre figure emblématique du jazz hexagonal suit à merveille cet adage. On reconnait presque immédiatement la sonorité de sa clarinette (« De Charybde en Scylla »), l’articulation de son phrasé impeccable, ses mélodies qui engrènent le folklore et le jazz, et pourtant, il ne cesse d’avancer depuis plus de trente ans déjà. Contrairement à ce que pourrait laisser penser le titre, s’il s’est souvent aventuré loin du confort musical, Sclavis n’a jamais perdu son véritable chemin.

Lost on the Way retrace avec une grande liberté musicale l’épopée d’Ulysse. Des ambiances méditerranéennes, la torpeur caniculaire déchirée par l’appel du muezzin (« L’heure des songes »), le ressac hypnotique d’une basse qui vient bercer un équipage aux aguets (« Aboard Ullysse’s Boat ») envoutent et laissent brutalement la place au combat de gladiateurs et de créatures menaçantes. Maxime Delpierre à la guitare donne alors encore la pleine mesure de son talent [NdlR : A quand un album sous son propre nom ?], prend le commandement pour quelques instants de magie métallique (« Le sommeil des sirènes » et « Des bruits à tisser »).

Dans la continuité de L’imparfait des langues, où il affrontait déjà toute une phalange de jeunes loups du jazz français, Louis Sclavis réussit en plus d’aiguiser son propos, le tour de force d’agréger une partie de son passé : les mélodies de son « road-triptique » africain (Carnet de route, Suite Africaine, African Flashback), la violence contenue et abstraite de Napoli’s Walls, et même l’esprit de corps d’une formation hétéroclite et engagée qui suintait de La Companera, sous l’égide d’Henri Texier, il y a presque trente ans déjà. Alors, on ne fera pas le coup de l’album de la maturité, mais Lost on the Way respire la sagesse et la force de celui qui mène sa barque avec confiance. Même s’il ne sait où sa route le mène, Louis Sclavis sait comment s’y rendre et on espère que le voyage durera encore très longtemps.