Mastodon - Crack the Skye

Sorti le: 09/05/2009

Par Aleksandr Lézy

Label: Reprise Records

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Mastodon se fait violence en expulsant de son corps massif les démons qui l’oppressent et l’obsèdent. Le suicide prématuré de la petite sœur du batteur Brann Dailor, lorsqu’il n’était encore qu’un adolescent, devait un jour ou l’autre s’exprimer dans sa propre musique. Crack the Skye est donc un hommage à Skye Dailor et un voyage à travers l’esthétique de l’Art de la Russie tsariste, le voyage astral et l’expérience hors du corps.

Ce nouvel effort paraît déstabilisant de prime abord. Une fois les plans lourds, granuleux et complexes définissant habituellement leur « sludge progressif » légèrement mis de côté, des mélodies plus riches et recherchées apparaissent dans un paysage sonore leur seyant à ravir, pourtant bien différent des précédents albums. Ces changements leur sont bénéfiques et n’empêchent pas les quatre musiciens d’Atlanta de prodiguer des incursions dans les méandres de l’obscurité lorsque, par exemple, Scott Kelly de Neurosis pose sa voix écorchée vive sur le morceau éponyme. Chaque titre possède une identité propre qui se retrouve parfaitement homogénéisée dans ces cinquante minutes de musique.

Quelles sont les modifications apportées à la musique de Mastodon qui rendent cette œuvre pour le moins attractive et extrêmement captivante ? Tout d’abord le son moins musclé et volontairement sale donne davantage l’impression d’un rock efficace tourné vers le psychédélique, grâce à l’apport de sons divers et variés comme ceux de l’orgue Hammond. L’interaction entre les voix offre également des rebondissements entre les timbres, comme si plusieurs narrateurs contaient toutes ces histoires fantastiques. Troy Sanders chante moins qu’avant et laisse ainsi bien plus de place à Brett Hinds et sa voix nasillarde proche de celle d’Ozzy Osbourne. Même Brann Dailor rentre dans le jeu vocal. La durée des morceaux se voit allongée et leur permet de se développer à l’instar de « The Czar » et ses quatre parties distinctes ou encore « The Last Baron », véritable poussée d’émotion et d’adrénaline.

Si Crack the Skye s’avère moins metal, il apparaît pourtant comme la suite logique de tout ce que Mastodon a produit auparavant : un album épique aux consonances « rock stoner », empli de hargne réfléchie, de technique sous-jacente et d’émotion contrôlée. On peut parler ici de retour aux sources en y entrevoyant les ombres de Thin Lizzy ou Black Sabbath, sans être pour autant une remise en question. Le pachyderme a su faire évoluer sa musique, sans se répéter au fil des années, afin d’entrevoir d’autres perspectives et d’élaborer de nouvelles manières de les mettre en forme dans des compositions léchées et abouties. Cela représente le haut fait d’un infime nombre de groupes. Mastodon a beau être signé chez Warner Music, la major de Metallica, enregistrer avec le producteur d’AC/DC, cela ne l’empêche pas d’aller où il veut, en écrasant tout sur son passage, se moquant des mauvaises langues qui n’acceptent pas la mutation de l’animal laineux.