Curlew - Curlew + Live at CBGB

Sorti le: 12/04/2009

Par Christophe Manhès

Label: DMG/ARC / Orkhestra

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Une belle réédition que le label DMG/ARC propose et qui donne l’occasion de goûter au réputé premier album de Curlew, sorti en 1980 et à la pochette « trashy » emblématique des fumures qu’il renferme. Il est en outre accompagné d’un disque bonus relatant le concert donné au CBGB la même année. Les amateurs des jets post-modernes de ces Américains toujours en activité devraient apprécier l’aubaine. Pour les autres, il est important d’expliquer que le groupe est bâti autour de la personnalité de George Cartwright, saxophoniste orageux s’il en est (on pense évidemment à John Zorn), auquel s’ajoute un quartette composé généralement de belles pointures (en l’occurence Bill Bacon, Bill Laswell, Tom Cora et Nick Skopelitis) voué à l’exécution d’une musique violemment iconoclaste.

Toutes les oreilles n’y résisteront pas. Curlew se rapprocherait d’une boite de chocolat amer dans laquelle des galopins auraient glissé un gros pétard. Il suffit d’imaginer le foutoir une fois la mèche allumée ! Dans le jargon des érudits de l’underground, on appelle ça la No Wave, par opposition à l’arrivisme pop très médiatique de la New Wave qui sévit à la même époque. Sa philosophie de la dissonance et des structures libres a pour ambition d’explorer « à l’arraché » de nouvelles et stimulantes formes d’expression.

Si son geste créatif virulent impressionne, la limite de ce mouvement, c’est que le chaos qui lui est souvent imputable frise parfois l’indigestion. Il s’agit donc d’un premier album des Curlew qui s’apparente à une version jazz-rock du fameux Trout Mask Replica de Captain Beefheart sorti dix ans plus tôt. La différence reste toutefois de taille, la décontraction en moins. Car derrière le lâché-prise des tentatives modernistes, une écriture plus détaillée se laisse deviner, plus virtuose et surtout plus bravache qu’il n’y parait.

Une oeuvre ô combien dangereuse, pourtant si stimulante et représentative d’un état d’esprit original, quasi punk, où jazz et rock se rencontrent plus dans un choc frontal et créatif que par fusion harmonieuse. Même si certains titres agaceront immanquablement, rien que pour la maîtrise de quelques sauvageries aussi abouties que « The Ole Miss Exercise Song » ou « Panther Burn », cette réédition et ses concerts associés sont chaudement recommandés à tous les amoureux des expériences sonores débridées.